Running through a red light (Saddie & Archie)

12/08/1991

Running through a red light

Saddie ☆ Archie

gifs by (c) thcrns et (c)bobparkhurst

Ne pas penser.
Ne pas penser.

Trop penser. Exploser. Poings serrés. La douleur qui lacère les joues d’Archie tant il contient les émotions derrière son masque d’intouchable. Il a croisé Carmine dans les loges de l’aéroport, et il maudit Dieu de s’être joué de lui. Quelles étaient les chances ? Minimes. Pourtant c’était arrivé, et ça avait pris la forme d’un coup de pelle en plein dans sa mâchoire.

La tête dans les nuages, le nez de l’avion qui bascule vers l’avant. Les tripes qui remontent dans le ventre à la manière d’un yo-yo. À sa droite, Saddie qui applique pour la dixième fois du baume à lèvre, et qui se plaint du taux d’humidité trop bas dans l’avion. Les oreilles qui se bouchent, qui pop dans sa cervelle en compote, les bouffées de chaleur qui accompagnent la nausée. Le gravol avalée avec du vin, et le message du pilote, qui annonce qu’il y aura un peu de turbulences avant leur arrivée. Le soupir.

Puis l’atterrissage, en plein milieu de nulle part, sur une piste à deux kilomètres de l’aéroport international de Suvarnabhumi. Il faut prendre un petit autobus pour se rendre aux douanes. Déjà, la température humide et collante de la Thaïlande aplatit les cheveux de Saddie, qui ne sait pas encore que ce n’est pas un hôtel quatre étoiles qui les attend à Bangkok.

Dans le taxi, elle a encore espoir. Même si elle a déjà remarqué que son frère n’est pas dans son assiette (il faut dire que ça ne fait pas partie de ses idées habituelles, de fuir dans un autre pays sur un coup de tête), elle continue d’espérer le spa, la piscine privée, le salon de bronzage, les smoothies à volonté sur le bord de la plage. Archie ne dit rien. Comme tout bon frère qui joue un mauvais coup, il attend patiemment le moment où elle réalisera que ses plans, c’était de sortir de sa zone de confort. Et de la sortir de la sienne, aussi. Peut-être que ça leur rappellera les weekend au chalet des grands-parents, en pleine campagne anglaise, quand ils étaient encore trop jeunes pour se soucier de se salir.

Archie constate qu’il n’a pas encore le réseau sur son téléphone. Il semblerait qu’il y a un bug avec son service. Il s’attendait à ce que le mode voyage soit aussitôt activé, mais toujours rien. Ça l’inquiète un peu, parce qu’il aurait aimé avoir des nouvelles de Bucky, qu’il a confié à l’une de ses amies le temps de revenir à Bristol. Il n’avait pas encore donné de date de retour. Il ne savait pas quand il reviendrait. Saddie non plus. Oups !

Le taxi s’arrête dans le parking d’un hôtel miteux. Il fait bientôt nuit, et la moitié des néons de l’établissements sont soit éteint, soit clignotant. D’un anglais approximatif, le chauffeur du véhicule demande à Archie un payement, qu’il fait de quelques billets. C’est à ce moment que Saddie va réaliser qu’ils sont arrivés à destination. Du coin de l’œil, il attend sa réaction, récupérant quelques pièces de monnaie que le chauffeur lui rend. Il s’attend au pire. À quelques claques aussi, et une crise de panique dans les toilettes, si la salubrité du lieu le permet.

20/04/1989

@Archie Kwanteen & Saddie Kwanteen

Running through a red light

Finalement tu ne sais même pas vraiment ce que tu fous là. Archie avait envie de partir loin – besoin, plutôt, c’est l’impression qu’il t’a donnée. Et toi aussi pour dire vrai. Dans tout juste quelques jours tu vas passer le cap des trente ans et voilà bien quelque chose qui te glace le sang et te donne envie d’hurler jusqu’à en vider tout l’air de tes poumons. T’as peur de vieillir, c’est d’ailleurs sûrement un peu pour cela que tu as développé comme une sorte d’obsession autour des cosmétiques. Contrer les effets de l’âge avec du rétinol tous les soirs, en faisant des masques à outrance et tout en prenant bien soin de suivre avec une attention particulière des compléments alimentaires au collagène que tu incorpores dans ton matcha tous les matins. Ainsi, personne ne pourra penser que tu n’as plus la vingtaine. Personne ne pourra croire au fait que tu es sur le point de rejoindre le club des trentenaires déprimés et frustrés de l’avancée de leur vie. Toi aussi t’avais envie de fuir ce quotidien frôlant le désastre que tu mènes. Une nouvelle rupture récente avec un homme qui ne t’a jamais mérité - à croire que tu ne retiendras jamais la leçon de tes nombreuses ruptures passées.

On prend le strict nécessaire. T'avait imposé Archie quelques jours plus tôt. Pour toi, le strict nécessaire c’était au moins une valise dans laquelle tu pourras ranger des maillots de bain, plusieurs vêtements et surtout l’entièreté de ta skin care ainsi qu’une trousse à maquillage te permettant de faire un maquillage décent tous les jours. T’es bien vite redescendue de ton petit nuage quand t’as compris que non. Le strict nécessaire, ce n’était pas une valise et que tu allais devoir faire des concessions. Tu oublies beaucoup de vêtements. Ça c’est ok. Tu t’en fiches pas mal. En revanche, devoir faire le tri dans tous les cosmétiques que tu voulais amener… ce fut périlleux. Mais t’as réussi. Par miracle. T’as tout de même pris avec toi une crème hydratante et deux sérums, ainsi qu’un fond de teint, un anticerne et un mascara. De quoi te faire belle. On ne sait jamais sur qui vous allez tomber – peut-être l’homme de ta vie.

Premier apriori négatif sur la Thaïlande à peine arrivés : le chauffeur de taxi n’a rien d’un gentleman qui t’aide à ranger ton sac dans le coffre. Tu t’en plains d’ailleurs à Archie. Au moins à l’hôtel tu seras traitée comme la princesse que tu es (si tu savais…). Le trajet se déroule sans encombre, si ou oublie le fait que t’as surtout l’impression qu’au fil des kilomètres vous vous éloignez de plus en plus de la civilisation mais ça ne t’inquiète pas plus que ça. Au final tu ne connais pas ce pays. Ce qui t’inquiète le plus en revanche c’est lorsque tu réalises que le réseau laisse à désirer. T’aurais aimé envoyer un message à August pour lui dire être bien arrivée, et aussi parce que c’est avec lui que Nutella va rester le temps de ce voyage.

Le trajet fut interminable. Entre la crasse de l’avion plus celle du taxi, tu n’as qu’une hâte : arriver à l’hôtel pour t’allonger dans un bain chaud. La voiture s’arrête, tu entends le chauffeur et Archie échanger quelques mots tandis que tu ouvres les yeux. Tu regardes partout autour de toi, mais ce n’est pas à un paysage de ce genre dont tu t’attendais. Les sourcils froncés, tu te redresses. « Pourquoi on s’arrête ici ? » que tu demandes tout en laissant ton regard glisser sur les pièces de monnaie que le chauffeur vient de rendre à Archie. « Archie ? On est où là ? » Un doux mélange d’interrogation et de brutalité dans ta voix, sans quitter l’habitacle tu observes par la fenêtre l’hôtel devant lequel vous êtes arrêtés. Enfin… si on peut appeler ça un hôtel. T’en es même pas sûre. « Je suis pas venue jusqu’ici pour me faire égorger par Norman Bates dans son Motel. » T’es doucement en train de réaliser, même si une partie de toi pense que ton frère se paie simplement de toi et que votre vrai hôtel se trouve à quelques rues d’ici.

AVENGEDINCHAINS