Fendue sous ton regard

FENDUE SOUS TON REGARD
ft. @Nate Shaw

tw :: perte d'enfant
(Suite de cet appel) Les sanglots s’amoindrissaient au fil des minutes, laissant place à des soupirs lourds, symptomatiques d’un calme relatif. Moment dont profitait Nate pour la faire se déplacer et l’installer en voiture. Comme il avait pu le faire pour elle physiquement, il prenait toute la situation en main, démarrant le véhicule pour les ramener chez lui tout en s’assurant que le sien serait à l’abris pour la nuit. Tout ça semblait lointain pour Deborah, comme un fond sonore. Elle était là sans vraiment l’être, l’esprit déconnecté par la fatigue et probablement par un réflexe inné du cerveau pour la préserver un peu. Elle ne retrouvait contact avec la réalité que lorsque Nate prenait sa main, la serrant assez pour lui faire ressentir sa présence et son soutien. « Merci. » disait-elle simplement, posant sa deuxième main sur la sienne. D’être venu, de ne pas poser davantage de question.

Sa main, elle ne la lâchera réellement que lorsqu’elle se retrouvera seule dans la salle de bain, après une dernière étreinte et un nouveau remerciement de savoir quoi faire pour apaiser ses maux et prendre soin d’elle quand elle en est incapable. La bienséance voudrait que sa douche soit rapide. Ses besoins étaient autre. Vingt-cinq minutes d’eau qui coulait, entremêlée par un excès de mousse pour se laver les cheveux et surtout la peau. Au moins trois fois. Se frotter pour effacer des traces qui n’existaient que dans sa tête, que dans les flashs des souvenirs de l’intervention principale de ce soir qui a marqué tous les esprits. Du sang, beaucoup de sang et la mort au bout du chemin. Un quotidien qu’elle savait habituellement gérer parce qu’elle parvenait à mettre une distance entre la situation et elle-même. Pas ce soir.

Une fois sortie de la douche, séchée et habillée du t-shirt de Nate et d’un shorty propre (qu’elle avait toujours dans son sac de travail qu’elle avait descendu de sa voiture), elle le rejoignait dans le salon, se posant à côté de lui, allant jusqu’à glisser ses jambes au-dessus des siennes, perpendiculairement, pour retrouver ses bras. Si elle ne pleurait plus, la fatigue et la peine marquaient toujours son visage. Une inspiration profonde plus tard, elle estimait tout de même qu’il était en droit de savoir ce qui avait déclenché tout ça. « Je sais pas comment en parler sans que ce soit brutal. » Pardon, encore une fois. « On est intervenu chez des gens ce soir. » Rien de très étonnant pour des ambulanciers jusqu’ici. « Une femme s’est mise à perdre beaucoup de sang. » A la façon qu’elle avait eu de se stopper dans son récit pour fermer les yeux, il était évident qu’elle ravalait difficilement de nouvelles larmes. « On a dû lui faire une césarienne d’urgence sur place pour tenter de les sauver. » Elle et l’enfant. « On a perdu le bébé sur le chemin vers l’hôpital. » Et elle entendait encore son cri de détresse dans l’ambulance. « Et je sais exactement ce qu’elle a ressenti. » Un cri qui faisait résonnance au sien des années en arrière, une façon de lui faire comprendre sans le dire qu’elle aurait dû être mère elle aussi et que ce soir, son passé lui était revenu en pleine tronche sans lui laisser l’opportunité de ne pas s’identifier à cette femme dorénavant endeuillée.

FENDUE SOUS TON REGARD
ft. @Nate Shaw

tw :: perte d'enfant

Spoiler:

A sa question, elle haussait les épaules. Qu’est-ce que « longtemps » veut-il vraiment dire ? A quelle échelle ? « En février 2017. J’étais enceinte de sept mois, presque huit. » le mois de son propre anniversaire. « mais j’ai l’impression que la douleur ne s’éteindra jamais. » ses mots à peine audibles par l’émotion vive que cela réveillait. C’était il y a longtemps et à la fois comme si c’était hier. « Je croyais savoir vivre avec, apparemment non. Je sais que ça me revient dessus chaque année mais je pensais pas le vivre en dehors de la période propice » Les fameux traumas qu’on oublie pas dont ils avaient parlé. Elle n’oubliera jamais le sentiment de mettre au monde un bébé mort-né et de devoir aller à la mairie à la fois pour déclarer la naissance et la mort de son fils. La brutalité de la situation de ce soir, ce parallèle flagrant entre les deux femmes, elle ne pensait pas le vivre un jour et ça avait tout détruit sur son passage.

« Non merci, je suis juste fatiguée. » et certainement déshydratée d’avoir trop pleuré mais ça pouvait attendre. « Que tu sois là, c’est largement suffisant. » Sans même parler d’un quelconque romantisme, il avait raison : l’appeler c’était une bonne idée, pour ne pas être seule face à ses traumas, pour être apaisée par son écoute et ses caresses. « Je vais aller me poser dans ton lit, tu viens maintenant ou plus tard ? » oh oui, elle avait bien compris qu’elle ne dormirait pas sur le canapé ce soir, qu’il ne comptait pas la lâcher mais peut-être avait-il besoin lui-même de prendre une douche ou de faire/finir autre chose avant d’envisager de se coucher. Elle l’avait probablement dérangé au milieu de quelque chose.

FENDUE SOUS TON REGARD
ft. @Nate Shaw

tw :: perte d'enfant
Elle se contentait d’hocher la tête. C’était certain, ça ne la quitterait jamais. Seulement, lorsque l’anniversaire de son garçon arrivait, elle savait, elle avait le temps de se préparer mentalement à ne pas être au meilleur de sa forme. Ce soir, c’était la spontanéité de l’instant qui l’avait prise de cours et mise dans un tel état. Sa tendance à se fermer comme une huître se rejouait une nouvelle fois : la discussion n’allant pas plus loin pour le moment. Elle exprimait seulement son besoin d’aller se coucher, sûrement pour oublier aussi en passant à demain. Elle le savait, pourtant, qu’elle n’allait pas s’endormir dans l’immédiat en dépit de l’épuisement physique, c’était une évidence.

Quand Nate la rejoignait, elle retrouvait instantanément ses bras, ses jambes se mêlant aux siennes, sa tête contre son épaule, son bras contre son torse. La position dodo était là, il fallait « juste » que le mental suive. « A partir de 19h. Et toi ? » et ça serait mentir que de dire que ça ne l’angoissait pas un peu après tout ça. Les situations de nuit sont toujours particulières et elle y est assignée pour le reste de la semaine. Le noir complet de la chambre semblait propice à ce qu’elle s’ouvre de nouveau, peut-être un peu plus à l’aise avec l’idée qu’il ne peut plus lire la tristesse dans ses traits quand bien même elle s’entendait dans ses mots. « Il s’appelle Aedan. » Un prénom typiquement Irlandais qu’elle nommait au présent parce qu’il est et restera à tout jamais son premier enfant, inscrit dans son carnet de famille, quoi qu’il advienne. « Je me demande souvent ce qu’aurait été ma vie s’il avait vécu la sienne. » Un soupir, une larmichette chassée d’un revers de main. « Il me manque tellement alors que j’ai même pas eu l’occasion de le connaître. Je ne suis pas assez forte pour passer par-dessus ça. » Je suis fatiguée d’être forte pour tout le monde sauf pour moi.

FENDUE SOUS TON REGARD
ft. @Nate Shaw

tw :: perte d'enfant
Une certaine culpabilité venait chatouiller ses reins. « Je veux bien la passer avec toi, oui... mais tu es sûr que tu veux prendre ta journée ? ça ira tu sais. » des mots qui résonnaient aussi pour se rassurer elle-même, pas très convaincue que ça aille tant que ça de passer sa journée à appréhender le shift du soir. Au moins avec lui, elle aurait l’occasion de penser à autre chose. Un frisson parcourait son échine. Il suivait le même chemin que la main du géant, traçant sur sa peau une chair de poule jusqu’à l’orée de ses cheveux. Nate n’avait probablement pas idée combien ses caresses pouvaient l’apaiser. Une nécessité pour contre balancer toute cette tristesse et cette colère perpétuelle qu’elle ressentait à ce moment-là.

« A vrai dire, vous êtes seulement cinq à savoir et j’en parle réellement qu’à mon psy. Alex ne le sait pas. » parce qu’elle n’était pas là quand Deborah est tombée enceinte et elle n’est revenue que deux ans après la perte. Parmi ces cinq personnes, elle n’en parlait régulièrement qu’à son psy. A présent il y avait Nate. Les autres, il s’agit bien entendu de son frère (avec qui elle n’en parle pas assez parce qu’elle sait qu’il a aussi souffert de cette perte à sa façon), de Camil (avec qui elle en a longtemps parlé mais ça s’est arrêté quand son psy a pris le relais pour ne pas lui faire subir ça) et de Joseph. Quant à l’(ancien) ami de Joseph ayant drogué Deborah entraînant la perte de l’enfant, elle ne le comptait pas. Elle n’était même pas sûre qu’il se souvienne d’elle tandis que sa sale gueule restait graver dans la mémoire de l’Irlandaise.

Se redressant quelque peu, à équilibre sur son coude, son visage au-dessus du sien, son pouce balayait son torse en caresses timides. Elle ne distinguait pas les traits de son visage mais elle en apercevait les contours à la lumière de la lune qui peinait à percer les rideaux. « Tu sais que tu peux me parler aussi, pas vrai ? » peu importe vers quoi ce lien qui se tisse les mèneront : elle ne sera pas un regret pour lui non plus. « Pourquoi tu veilles aussi tard ? » La question était murmurée, comme pour lui faire comprendre qu’il n’est pas obligé de répondre. Un susurre qu’il est en droit d’ignorer.

FENDUE SOUS TON REGARD
ft. @Nate Shaw

C’était un sourire tendre qui étirait les lèvres de Deborah. Le premier sourire de la soirée, caché dans la pénombre, mais tellement audible dans sa voix. « ça n’étonnera personne si je dis que moi aussi. » C’était même une chose plutôt évidente tant elle était celle à l’initiative de la majorité de leurs retrouvailles. Néanmoins elle restait prudente, méfiante surtout envers elle-même et son cœur d’artichaut trop aisément amouraché. Elle refusait de faire de Nate l’homme pansement, il ne méritait pas d’être l’homme qui la guérit de sa relation précédente. Si elle avait du mal à admettre que Camil lui manquait souvent, elle était très clairvoyante concernant Nate : ne pas se précipiter pour ne pas lui faire de mal d’avoir été trop vite. Pas de mensonge, pas de faux semblant et ça passait aussi par l’idée d’admettre que sa séparation avec Camil n’était pas si évidente à avaler et qu’elle avait besoin de temps pour passer à autre chose.

Un temps qu’elle se plaisait à passer avec Nate, dans la simplicité de deux humains apprenant à se connaître et à s’apprécier. Le lien se tissait au fil de leurs rencontres et ce soir ne faisait que rajouter un attachement particulier, qu’importe la finalité. Ils se parlaient, se confiaient. Ils s’entraînaient dans le sillage du dialogue et c’était au tour de Deborah d’apporter une oreille attentive. D’abord l’habitude de l’armée, sans grande surprise. En combat ou en entraînement, elle n’était pas surprise de cette réponse. Puis la raison sous-jacente teintait la pièce d’un noir qui lui semblait plus sombre. L’armée ne l’avait pas épargné et quand bien même il est aisé de s’en douter, l’entendre dire était une autre paire de manches. Il était marqué, au fer rouge, par des souvenirs de guerre, par des actions regrettées. Il vivait avec en journée mais il passait volontairement des nuits courtes pour ne pas leur laisser l’opportunité de lui pourrir l’esprit. Ce n’était pas la première fois qu’il lui affirmait ne pas être fier de ça, d’être un mal nécessaire.

Dans un geste de compassion, Deborah déposait un baiser sur la première parcelle de peau à sa portée : sa clavicule. « Je suis persuadée que tu n’as fait que ton travail. » Autrement dit, répondre aux ordres de ses supérieurs, certainement pas toujours justes avec la réalité de terrain. « Peut-être que tu n’es pas toujours fier de ce que tu as fait mais tu en es conscient et c’est déjà beaucoup. Même si c’est elle qui rend tout ça douloureux, tu as gardé ton humanité et de ça, tu peux être fier, sincèrement. » Les histoires de soldat tombant dans la folie ou dans le besoin d’être le petit soldat parfait répondant aux ordres sans réflexion étaient assez communes. Nate était toujours debout, conscient de lui-même, avec ses victoires et ses défaites sur le plan personnel, au-delà du professionnel. « Si tu as besoin d’en parler un de ces jours, tu sais où me trouver de toute façon. » un de ces jours ou une de ces nuits visiblement, dans un sens ou dans l’autre, ils se montraient disponibles mutuellement.

FENDUE SOUS TON REGARD
ft. @Nate Shaw

« J’ai failli dire que tu as pas peur de me supporter toute une journée sans savoir ce qui t’attend... puis finalement, tu m’as bien supporté quinze jours en Afrique donc bon, tu devrais survivre à quelques heures. » disait-elle dans un rire comme si elle était si insupportable que ça. Alex le dirait peut-être. Cet amour vache entre elles n’était plus à prouver.

« Tu ne peux pas revenir dessus mais tu assumes avoir fait des erreurs. Tout le monde n’en est pas capable. » Elle insistait mais elle voulait tellement qu’il en prenne conscience. Elle ne supportait pas très bien qu’il puisse se dévaloriser à ce point. Si seulement il pouvait se voir comme elle le voyait, les choses seraient différentes. Pas totalement bisounours, elle comprenait bien que le métier qu’il avait choisi avait beaucoup de part sombre, mais pas aussi pessimiste qu’il peut l’être. « Tu as intérêt de toute façon sinon je viens te chercher par la peau du cul comme tu viens de faire avec moi. » disait-elle dans un rire pour détendre l’atmosphère un peu plus, prenant le même chemin que lui.

« Tu es cassé au point de ne plus savoir viser ? » demande-t-elle dans un amusement non dissimulé, se redressant complètement pour aller cueillir ses lèvres dans un véritable baiser. Rien de sexuel dans tout ça, simplement de la douceur, un échange tendre de longues secondes soupoudré d’une affection naissante mais sincère. « Alex a vraiment merdé de ne pas nous présenter avant. » chuchotait-elle contre ses lèvres, non sans un rire, comme un secret partagé.

FENDUE SOUS TON REGARD
ft. @Nate Shaw

Il la faisait rire et bon sang que ce n’était pas gagné pour cette nuit. La légèreté de leur relation mêlée au sérieux de leur discussion précédente lui faisait du bien. Un moment pour partager ses peines, pour se rassembler, s’écouter et un second pour se réparer, se rassurer et simplement profiter de l’autre. « Si tu fais pas confiance à une personne dont c’est littéralement le métier de conduire correctement en dépit de la vitesse, tu peux faire confiance à personne. » disait-elle amusée à l’idée que, justement, il ne fait confiance à personne pour ça.

« Je la suspecte de saboter ses proches pour garder toutes les petites étincelles de bonheur pour elle... et Caleb… et leurs enfants. » Paradoxal de partager avec autant de monde quand elle sous-entendait (faussement, évidemment) l’égoïsme d’Alex. Instinctivement, elle lui ouvrait son cou, lui laissant la liberté de promener ses lèvres contre sa peau. « C’est quand même une coïncidence énorme de se retrouver sur la même mission humanitaire. » Petit coup de pouce du destin ?

Peut-être mais elle n’avait pas franchement le temps de l’exprimer qu’un soupir significatif s’échappait de ses lèvres sans crier gare à l’instant où Nate déposait un autre baiser dans son cou. Elle se redressait alors pour mieux se recoucher de son côté, dos au matelas, presque emportée dans un fou rire tant elle était elle-même surprise par la réactivité soudaine de son corps. « Punaise, je suis désolée, je m’attendais pas à ce que ça m’excite aussi facilement. » Autant être honnête, pas de chichi entre eux. Si rien n’était prévu au programme de cette nuit, avoir envie de lui aussi facilement l’était encore moins.

FENDUE SOUS TON REGARD
ft. @Nate Shaw

« Je réussirais à te convaincre, je m’en fais le défi. » riait-elle à propos de l’impala et d’une éventuelle autorisation à la conduire. Après tout il l’avait prévenu, c’était son bébé, difficile de la laisser entre les mains de n’importe qui. Comme un défi envers elle-même de ne plus l’être, n’importe qui. « Ils se sont particulièrement bien trouvés. » Caleb et Alex : deux âmes sœurs, deux flammes jumelles. Autant dire que s’ils se séparaient définitivement un jour, Deborah ne serait sûrement plus en capacité de croire au véritable amour (et elle aurait accessoirement le cul entre deux chaises, les trois protagonistes ayant toujours formé une sorte de trio depuis leur adolescence).

Une pensée fugace parasitée par d’autres, plus animales que romantiques pour le coup, à tel point qu’elle se retrouvait bien incapable de se taire. Un soupir de bien-être et d’envie s’était fait entendre sans qu’elle ne le contrôle vraiment. Ses baisers dans son cou, ses mains sur ses hanches, il réveillait tous ses sens, les mettant en émoi avec une facilité déconcertante. Surprise, elle s’éloignait et s’excusait d’être devenue si sexuelle en l’espace de quelques secondes, incapable de ne pas rire de cette transformation soudaine où il lui en fallait vraiment très peu. Certes, le cou était une zone érogène connue mais il était bien rare que la réaction soit aussi instantanée.

Et forcément, quand il confirmait qu’elle n’était pas la seule à avoir senti la chaleur montée aussitôt, le rire était partagé, pour ne pas dire contagieux. Des adolescents aux hormones particulièrement réactifs. Mais contrairement à une ado qui serait gênée et penaude, Deborah n’avait aucun mal à écouter son corps, assumer tous les signaux et ne manquait pas de communication pour le faire savoir. Profitant d’avoir sa main dans la sienne, elle l’attirait de nouveau dans sa direction, assez pour le ramener au-dessus d’elle et retrouver ses lèvres dans un court baiser avant de les mordiller avec une certaine malice. « Je ne suis pas d’accord. C’est la plus raisonnable mais pas la meilleure façon de se dire bonne nuit. » Est-ce qu’elle avait sciemment ignoré la dernière partie de sa phrase sur l’idée de ne pas déraper ? Oui. Le ton de sa voix était même descendu de quelques octaves, clairement séductrice dans sa manière de parler et de l’entourer avec ses jambes. « J’ai pas franchement envie d’être raisonnable. » Pas avec lui, pas ce soir, ni jamais probablement. Elle ne pouvait pas être plus claire, juste en attente de feu vert.