C’est pas ma faute • Debbie

« Je vais bien, tout roule. » C’était ce que Morgan avait osé lui dire il y a deux jours, droit dans les yeux en FaceTime, avec son grand sourire charmeur et ses yeux pétillants de gamin heureux. Si ça pouvait prendre avec les diverses femmes pendues à son bras dans la presse, ça n’avait jamais fonctionné sur sa sœur. La raison ? Ils sont pareils. Faits du même moule, le frère et la sœur ont toujours eu le don de cacher le mauvais derrière un sourire de façade. Elle apprendra, plus tard, à ne plus le faire, notamment avec Camil lorsqu’une dépression sévère viendra frapper à sa porte et ne lui donnera plus le choix d’arrêter de tout cacher sous le tapis. En attendant, c’était une façon maladroite de se protéger, pour elle en tout cas et elle était persuadée que son frère avait cette même mauvaise habitude. Lorsque l’on dit que tout va bien avec un sourire, personne ne creuse plus loin, personne ne cherche à vous tirer les vers du nez pour savoir ce qui cloche. Néanmoins, pour Morgan, l’illusion commençait sérieusement à s’effriter et quand bien même Deborah était peinée qu’il puisse lui mentir, elle s’inquiétait surtout pour lui, pour son image, pour son avenir. Depuis qu’elle fréquente Camil, même si tout cela était récent, elle connaissait l’importance de l’image et à quel point elle peut détruire quelqu’un, qu’elle soit véridique ou non.

Elle avait donc pris la décision de prendre la route après avoir prévenu Camil qu’elle ne serait pas présente une paire de jours. Bien entendu, elle avait fait en sorte de s’en aller dans un moment relativement calme pour lui et où elle n’avait rien prévu d’important de son côté qui pourrait faire pencher négativement la balance si elle n’était pas présente. Quand bien même la route était rapide pour aller jusqu’à Londres, elle lui semblait durer une éternité. Dès l’instant où elle se garait près du stade, elle s’armait de son pass identitaire, attestant qu’elle est bien la sœur d’un joueur et que ce dernier a autorisé son entrée dans le stade à tout moment sans passer par la case gradin mais bien en étant au même niveau que les joueurs. Elle s’était stratégiquement placée au tunnel de sortie des joueurs de façon à être discrète et ne pas déranger l’entraînement. Ce dernier terminé, le réflexe de Morgan était d’aller vers les fans pour signer quelques autographes et faire des photos. Sans savoir s’en empêcher, un fin sourire s’emparait du coin des lèvres de la brune. Voir son petit frère être aussi aimé, voire adulé, réveillait en elle une fierté qu’elle ne cachait pas. Il avait tellement travaillé pour en arriver là, il avait tout donné, allant même contre l’avis de leurs parents pour réussir ce qu’il voulait : il méritait amplement tout cela et bien plus encore. C’était le cœur rempli de joie qu’elle le serrait dans ses bras après qu’il se soit approché.

« Momo... » le souffle de l’aînée dans le cou de son petit frère plus si petit, avant tout ravie de le voir, toujours un peu émue de le retrouver à chaque fois. Même si la route n’était pas si longue, il était évident qu’ils se voyaient moins depuis que Morgan était à Londres et ça manquait beaucoup à Deborah, de toute évidence. « Tu prends des habitudes de riche, ça va pas du tout. » disait-elle en riant quand il parlait de chauffeur et de loge. « Je suis une grande fille, je sais me débrouiller, tu as déjà oublié ? » Ouais, définitivement plus si petit pour être à ce point en capacité de prendre soin de sa sœur. « Ouais on va manger... mais tu vas d’abord me faire le plaisir d’aller te doucher. » Lançait-elle en s’éloignant d’un pas et en faisant une grimace comme s’il puait le fauve à trois kilomètres. Son rire résonnait dans le tunnel. « Je t’attends à la sortie et tu me diras où on va. » Et elle tenait parole. Elle l’attendait gentiment à la sortie du stade où d’autres fans attendaient les joueurs. C’était devenu une habitude de devoir attendre après Morgan parce qu’il était accaparé par d’autres personnes. En soi, ça ne dérangeait pas Deborah. C’était logique que cela finisse ainsi et elle préférait encore ce type de fans qui attendent à la sortie du stade plutôt que ceux qui font presque du sitting devant chez Morgan. Cette intrusion dans l’intimité, elle détestait ça (et elle continuera de le détester plus tard avec Camil mais ça, elle ne le savait pas encore). Une fois en voiture avec lui, elle reprenait la parole. « Alors on va où ? Je te préviens, j’aimerai bien un endroit calme et discret si possible. En fait, chez toi ça serait même parfait. » Elle avait besoin de lui parler, sérieusement, et elle ne tenait pas spécialement à ce que des oreilles indiscrètes les écoutent.

@Morgan Brody

« Même dans tes rêves les plus fous, ça n’arrivera jamais. » disait-elle lorsque Morgan affirmait qu’elle pouvait arrêter de travailler et vivre à ses crochets. Matériellement et financièrement parlant, ça serait en effet possible. Pour le bien-être mental de Deborah, amoureuse de son indépendance et surtout de l’idée de devoir rien à personne, il était préférable d’oublier l’idée, quand bien même elle savait que son petit frère disait toujours cela pour plaisanter (dans le sens où il ne connaissait que trop bien sa sœur pour savoir qu’elle ne serait jamais à l’aise avec cette idée).

Mais l’heure n’était plus à plaisanter autour de la richesse de son frère et de ses habitudes de nouveaux riches. Elle venait de le sommer d’aller se doucher parce qu’en réalité, plus vite ils quittaient les lieux, plus vite ils avaient de chance de rentrer assez tôt pour discuter tranquillement. Il ne fallait pas se leurrer, avec la célébrité de son petit frère, ils n’étaient pas à l’abris de se faire arrêter par beaucoup de monde et ce, même en voiture. Ça ne serait pas la première fois que Morgan sortirait du véhicule à un feu rouge, par exemple, pour prendre une photo ou être obligé de se garer sur le bas-côté pour éviter un éventuel accident avec un deux roues en quête d’une photo mais qui risque à tout moment l’accident en lui poursuivant.

Heureusement pour eux, aujourd’hui, les fans étaient raisonnables. Ils attendaient la star à la sortie du stade et bien qu’une excitation à l’idée de le voir était palpable dans l’air, ils faisaient tous preuve de respect. Le genre d’instant qui rendait fière la brune, quoi qu’il advienne. Après ils étaient montés en voiture et elle avait émis le souhait de déjeuner chez lui. Sans grande surprise, Morgan lui rétorquait qu’ils pouvaient commander. « Je dois comprendre que tu as toujours pas appris à faire quelque chose de tes dix doigts ? » Se moquait-elle gentiment de lui, plus spécifiquement concernant la cuisine du coup. A défaut, il faisait très bien les choses avec ses pieds mais ça, c’était une autre paire de manches (ou de crampons en l’occurrence). « J’irais chercher la commande à la porte, je veux voir la tête de cette serveuse. » Oui, premièrement pour voir si elle est jolie parce que si cette dernière veut encore pécho Morgan, Deborah en concluait qu’il n’avait pas (encore) craqué mais aussi pour voir la tête qu’elle ferait en voyant une fille lui ouvrir. D’autant plus que les Brody avaient très peu de choses en commun en termes de physique, à moins de le savoir, personne ne les désignait automatiquement comme frère et sœur.

Une fois chez Brody Junior, elle constatait les pseudo dégâts du bordel dont il parlait. « ça va encore, c’est pas si catastrophique si ça peut te rassurer. » Pour ce qu’elle en voyait en tout cas puisque la grandeur du logement ne lui permettait pas de tout constater et puis soyons franc, ça pouvait être le bordel mais ça restait propre, c’était le principal. Pour sûr que Morgan faisait intervenir des personnes au moins une fois dans la semaine pour tout ça. « Oui ça va, tout se passe bien. Je n’ai besoin de rien. Camil est plus que correct avec moi si c’est la question que tu te poses. » disait-elle en riant. Tout deux était fait du même moule, à surveiller les arrières de l’autre et Morgan était le seul de leur famille à savoir qu’entre Camil et elle, c’était un échange de bons procédés avant d’être une pseudo histoire d’amour. Elle ne serait donc pas étonnée qu’il pose la question avec un fond caché sur cela.

Stratégiquement, elle s’était placée derrière le fauteuil dans lequel Morgan s’était assis. Son instinct l’amenait à lui papouiller les cheveux, comme lorsqu’ils étaient plus jeunes et que Morgan avait peur de l’orage, se faufilant dans le lit de Deborah pour être rassuré. Elle parvenait toujours à le calmer (et parfois même à faire l’exploit de l’endormir) en lui papouillant les cheveux. C’était resté un moment de détente entre eux, propice aux confidences dont elle profitait allégrement. « Tu me manques aussi mais tu sais, moi et les grandes villes... » C’était pas son délire et puis elle avait d’autres priorités sur la question. « Tu préfères pas revenir à Bristol plutôt ? » Elle laissait un temps de latence, d’une minute à peine, le temps d’arrêter de ses papouilles pour fouiller dans son sac à main et en sortir un magazine roulé. Elle le passait par-dessus l’épaule de son petit frère, le magazine se déroulant sur son torse. Lui en première page, bien évidemment, sortie de boîte, une femme à son bras et un gros titre aguicheur. « Je sais que c’est souvent des torchons bourrés de conneries mais c’est pas le premier que je vois où tu es pas dans ton état normal et je te cache pas que ça m’inquiète. » Elle sait reconnaître son frère quand il est éméché. Quant à la fille, à partir du moment où Morgan faisait attention à lui et ses conquêtes, c’était le principal et clairement pas le cœur du problème.

@Morgan Brody