Deborah » Dublin's Memories

Viens avec nous, Deb.
Viens te changer les idées, Deb.
Une soirée avant de partir, Deb.

C’était les sollicitations principales de ses amies pour l’entraîner dans une soirée où elle n’avait pas spécialement envie d’être… et elle l’aurait regretté. Sans être sincèrement dans l’ambiance, elle avait fini par les suivre, admettant qu’elles avaient raison. C’était l’occasion avant de s’envoler pour l’Afrique, l’occasion pour sortir la tête du guidon. Entre son travail et sa vie personnelle, les chamboulements étaient nombreux et ce soir était finalement l’occasion de tout mettre en pause le temps de quelques heures. Si au début, elle peinait à entrer dans l’ambiance, au fil des heures (et de l’alcool, soyons réalistes), elle avait fini par se détendre, oublier et simplement profiter en rigolant avec ses amies entre deux verres et deux danses. Puis, elle avait fini par l’apercevoir. D’abord des coups d’œil rapides puis de plus en plus insistants sans pour autant totalement le fixer. Un doute, une incertitude, un flou. « Pourquoi tu vas pas le voir ? » S’exclamait l’une de ses amies, le sourire aux lèvres et le regard amusé. Sans nul doute qu’elle s’imaginait qu’il lui plaisait. Dire le contraire serait mentir, il avait un certain charme mais… « C’est clairement pas ce que tu crois. » lançait-elle non sans un rire résonnant dans sa pinte.

La dernière fois qu’elle l’avait vu, elle n’avait que quinze ans et elle était encore en Irlande. Un joli bond de vingt ans en arrière. Il y avait de quoi douter sur son identité, surtout sur l’idée de le croiser à Bristol. Alors oui, elle ne pouvait pas s’empêcher de le regarder mais la séduction était bien loin d’elle à ce moment-là. Sa curiosité maladive avait fini par la griller et c’était finalement lui qui l’avait approchée. Enfin approchée… il serait plus exact de dire qu’il l’avait littéralement embarquée dans son sillage, sa main ferme sur son poignet ne lui laissant pas le choix que de le suivre. « J’allais le faire... » c’était faux, bien sûr, et en plus ça s’entendait dans sa voix si peu assurée. Ce qu’elle était en revanche capable d’assurer, c’était bien de suivre le rythme de la musique, s’ambiancer avec les autres personnes, jouer des pieds sur le plancher en même temps que les autres pour provoquer une résonnance sourde et régulière. De quoi donner envie à n’importe qui d’entrer dans la danse, de s’imprégner de cette aura joyeuse et endiablée, bercée par les illusions elfiques des instruments à vent. Bilbon Sacquet n’a qu’à bien se tenir !

La fin d’une musique, bénéficier de la suite, jouir d’une dernière et c’était la goutte aux tempes qu’elle l’entraînait à son tour vers le bar, demandant au barman deux pintes de Guinness Daught Stout, la bière la plus consommée en Irlande, elle ne pouvait pas se tromper (et si elle se trompait, il n’était pas digne de lui parler). « Tu as bien un petit nom. Il est nécessaire que je sache, je ne trinque pas avec les inconnus. » disait-elle d’un sourire malicieux. Bonne excuse pour s’assurer de son identité avant de raconter des conneries et éparpiller des indices du passé qu’il ne serait pas en mesure de comprendre si ce n’était pas lui. Il faut dire que lui ne semblait pas la reconnaître et que ça n’arrangeait pas le doute de Debbie d’éventuellement le confondre avec quelqu’un d’autre.

@Mac Kelly

Le cri de joie de son camarade la faisait quelque peu sursauter avant de la faire rire. Peu de doute là-dessus, elle venait de faire le bon choix. A vrai dire, elle n’en doutait pas, tout court. Les souvenirs de lui étaient assez flous mais elle mettrait sa main à couper qu’il a l’Irlande dans la peau, dans tous les sens du terme. Elle avait beau être une adolescente à l’époque et ne pas foncièrement le connaître (au-delà d’un type plus vieux venant chercher sa racaille « de petit frère », ami de Deborah et collègue des 400 coups), elle se souvenait sans difficulté qu’il avait toujours été ainsi. La bière (et/ou le whisky), les plats, les danses, jusqu’aux tatouages rappelant leur pays d’origine pour les plus connaisseurs.

Il ne manquait plus que son prénom pour être certaine qu’elle ne se trompait pas de personne. La réponse arrivait rapidement et le regard de Debbie changeait au moment de glisser sa main dans la sienne. Un sourire amusé que ce soit vraiment lui et qu’en plus, il ne semblait pas la reconnaître. Il fallait avouer que la gamine à moitié garçon manqué parmi d’autres gamins n’était pas nécessairement aussi remarquable qu’il avait pu l’être pour elle, figure d’adulte. Par ailleurs, elle avait bien changé, en centimètres comme en féminin, elle n’avait plus rien à voir avec la gosse d’autrefois. Adulte accomplie, consciente de son charme et avec une confiance envers elle-même bien plus marquée.

« Deborah... » Un temps de pause et puis : « ...is féidir leat Debbie a ghlaoch orm. * » Les mots étaient hésitants, pas forcément sûre d’elle sur ce coup-là. A tel point qu’elle se sentait obligée de préciser. « Mais ne va pas plus loin, je serais incapable de te suivre, c’est trop vieux pour moi tout ça. » Elle se souvenait des formules les plus simples, celles qu’on retient toujours quand on apprends une langue en étant jeune et qui nous reste dans le crâne jusqu’à la fin de nos jours. De là à savoir tenir une conversation entière, elle en serait bien incapable aujourd’hui. Tristement, cette langue disparaissait. Même en Irlande ils étaient peu nombreux à la parler finalement.

« Qu’est-ce qui t’amène par ici ? Pas le charme des Anglaises j’espère, je serais très déçue. » disait-elle avec un sourire malin au coin des lèvres. Elle entrait clairement dans son jeu de séduction (de beauf un peu bancal, il fallait bien l’admettre) tandis qu’elle attrapait l’une des pintes qu’on venait de poser devant eux (après les avoir payées bien entendu) et qu’elle tendait vers lui dans le but de trinquer. Comme elle lui avait dit, elle ne trinquait pas avec les inconnus. Le tout était de savoir quand est-ce qu’elle avouerait qu’il n’était pas tout à fait un inconnu.

* tu peux m’appeler Debbie (gaélique / irlandais)

@Mac Kelly

Dans la bouche de Mac, la blagounette se transformait en discours affirmé et très sérieux, même un peu trop. Naturellement, le regard de Deborah balayait un instant les visages autour d’eux, consciente que la voix forte du brun s’était faite entendre. Par chance, en quelque sorte, le contexte d’être dans un bar, pendant une soirée bien avancée, avec une pinte à moitié vide dans la main donnait à Mac des airs de pilier de bar, balançant des discours à tout va dont l’alcool lui fait perdre la conscience de la portée. Quelques regards s’étaient bien sûr retournés mais ça n’allait pas plus loin. De son côté, Deborah ne doutait pas du sérieux de son discours. Si ses souvenirs de lui étaient flous, ce qui avait toujours marqué l’esprit de Debbie le concernant, c’était bien son patriotisme. Le mot était-il assez fort ? Elle avait un doute, notant silencieusement dans son esprit de ne pas faire de comparaison entre les deux patries en sa présence.

Heureusement, la discussion se tournait naturellement vers ce qu’ils devenaient et plus précisément ce qu’ils faisaient dans le coin. Si l’Irlandais ne semblait pas l’avoir reconnue, Deborah n’avait aucun doute sur son identité et le voir ici était surprenant, pour ne pas dire fortement suspect. Prêter main forte à un ami qu’il disait. « Dans quel domaine du coup ? » demandait-elle avant de boire quelques gorgées de bière. Curieuse, comme toujours. Naturellement, il lui renvoyait la question. Elle avait presque envie de lui répondre simplement la vie. Mais non seulement c’était très flou comme réponse mais ce n’était pas digne de Brody non plus, presque connue pour avoir l’art et la manière d’amener les choses. « Au commencement, pour dire vrai, c’est un peu ta faute si je suis à Bristol, Kelly. » Son sourire amusé dans sa pinte et l’utilisation de son nom n’étaient bien évidemment pas anodins. Doucement mais sûrement, elle levait le voile de la connaissance de son identité. « Ça remonte facilement à vingt ans tout ça. Je ne sais même pas si tu vas t’en souvenir mais toi, tu m’as marqué en tout cas. A cette époque je traînais avec des garçons plus vieux que moi de quelques années et tu venais souvent chercher l’un d’eux. Eoin je crois… » ça remontait à beaucoup d’années et Deborah n’était plus sûre du prénom de son ancien ami dont elle n’avait aucune nouvelle depuis. Il fallait dire qu’elle n’avait pas cherché à en avoir non plus.

« Quand mes parents en ont marre de mes conneries et qu’ils ont appris par-dessus le marché que tu faisais partie plus ou moins de mon entourage indirect, ils ont fini par m’envoyer ici, à Bristol, en internat. » Parce que son frère y était déjà dans cette ville mais pour une raison bien différente. Repéré jeune, il avait fini en Angleterre pour le foot. Contrairement à sa sœur à qui on voulait calmer les nerfs. « Je suis retournée en Irlande quelques années et finalement je suis revenue ici. Here we go again. » disait-elle dans un court rire quand bien même la deuxième raison de sa venue ici s’était transformée en véritable traumatisme contrairement à l’internat qui était, en effet, parvenu à la calmer et la mettre sur le droit chemin.

@Mac Kelly