(cody) a clear conscience makes a soft pillow

09/2024 Overthrown Boxing Club, Totterdown

C’est encore l’une de ces nuits où le sommeil ne sera pas son ami, ce dernier narguant le garçon à travers des pensées dont Carl ne parvient décidément pas à se défaire. Il tourne à n'en plus finir dans son lit, craignant de réveiller Adèle à la moindre gesticulation mais redoutant, aussi, de lui confier l'idée qui commence à germer dans un coin de sa tête. Depuis plusieurs semaines déjà, Carl est en proie à une culpabilité qui lui dévore le bide et pour conjurer celle-ci, voilà qu'il songe à des recours lui semblant un peu fous. Fou, il faut peut-être bien l'être après tout pour envisager d'aller à la rencontre du frère de sa petite amie sans même le lui dire, et pour prévoir d'aborder en prime avec celui-ci le sujet qu'Adèle avait péniblement amené au cimetière. C'est depuis ce jour que Carl a la conscience tout sauf tranquille et que ses regrets se comptent par dizaines en repensant au fameux réveillon chez Cody, car ses maladresses ce soir-là prennent aujourd'hui un sens bien différent. Il n'est pas fier de son entrée en matière, pas fier d'avoir mis les deux pieds dans le plat au sujet de leur frère, et pas fier d'avoir tout simplement été l'invité le plus à côté de la plaque qui existe. Avec le recul, ses questions ont dû faire plus de mal qu'autre chose et à présent que Carl voit les choses sous un autre angle, c'est aussi la froideur de son « beau-frère » qu'il intercepte différemment. Quand bien même Cody l'intimide, il semble que crever l'abcès soit plus que jamais nécessaire pour que le garçon cesse de se torturer l'esprit car vivre avec l'idée que des gens lui en veulent lui est difficile, et en la matière il a déjà bien assez de son père.

Alors ce jour-là, Carl sait déjà qu'il n'ira pas à son dernier cours puisqu'en fin d'après-midi, un détour s'impose. Un détour dont il n'a en l'occurrence parlé à personne car Keefe aurait été le premier à l'en dissuader, Chelsea aurait certainement trouvé son idée stupide, et Adèle... oh, Adèle l'apprendra bien assez vite même si cette pensée le terrifie. Il prend un risque, oui, même s'il n'en mesure pas vraiment le degré en passant les portes du club de boxe où d'emblée, sa posture le trahit. Il n'a rien d'un habitué, pas plus qu'il n'a prévu d'affaires pour pratiquer, et ses pas hésitants ne manquent pas d'attirer l'attention de celui qu'il ose à peine regarder dans les yeux aujourd'hui. Cody, régnant en maître des lieux tandis que lui n'est rien d'autre ici qu'une minuscule fourmi. Face à lui le garçon reste statique, incapable d'actionner ses méninges pour se rappeler de quelle façon il comptait l'aborder avant d'estimer que son silence ne peut être que suspect. Sa présence en elle-même l'est déjà, et c'est pour éviter que l'ainé Shephard ne le croit plus bizarre qu'il finit par souffler un « Hum, hey.. » des plus fébriles. Ses yeux ont enfin le courage de remonter assez haut pour croiser ceux de Cody, mais son regard est de ceux lui provoquant des frissons dans le dos. Relax, si Hector ne t'a jamais mangé ce n'est pas Cody qui le fera. « J'suis pas venu boxer, c'est.. vraiment pas pour ça que je suis là. » Même s'il servirait volontiers de punching-ball à Cody si cela pouvait tous les deux les soulager, en vérité. Dans un tel cas de figure, Carl pourrait aisément se sacrifier. « J'aurais besoin de te parler, je.. je crois que c'est important. » Ça l'est au moins pour lui, et le préciser n'est pas ce qui rendra la chose plus facile. Il n'y a rien de pire que de s'aventurer sur un terrain où l'on n'a pas été invité mais il ne voit pas d'autre moyen de retrouver la paix – si tant est qu'il en ait un jour vraiment vu la couleur. « Elle sait pas. Que je suis venu. » il ajoute, sans nommer celle que Cody se figure forcément derrière de tels mots. Adèle ne sait pas, et le faire dans son dos ne le rend pas plus fier que le reste. Un autre problème et des explications dont il se souciera plus tard, si cette initiative doit – comme finalement toutes les autres – se retourner contre lui.

09/2024 Overthrown Boxing Club, Totterdown

La journée commence comme elle le fait tous les jours ; quand le réveil de Cody sonne, il ne perd pas une minute avant de se lever, Shadow déjà au pied du lit prêt à commencer sa journée. Une petite sortie pour le chien, un petit-déjeuner, quelques mots échangés avec Meryl et l’homme saute sous la douche pour finir sa routine matinale. Une demi-heure plus tard, il ouvre la porte du club et laisse l’atmosphère s’emparer de tous ses sens : cette odeur propre aux lieux, ce bruit ambiant - les coups, les cris, les machines -, cette lumière particulière du matin. Ces lieux sont sa maison, son échappatoire ; ici, il sait qu’il peut poser les bagages qu’il porte trop souvent sur ses épaules et se concentrer sur autre chose pendant quelques heures. Et c’est ce qu’il fait, un sourire sincère toujours affiché sur ses lèvres. Il passe de salle en salle, de sac de frappe en sac de frappe avant de se poser sur le banc ; il salue chacune des personnes ici, d’un signe de main, d’un check ou d’une main sur l’épaule, demande comment se portent les enfants et si le mari a obtenu la promotion tant désirée. S’il ne connaît pas tout le monde par coeur, il tente au maximum de découvrir les personnes qui se cachent derrière les gants de boxe, et c’est ce qui fait que ce lieu aujourd’hui fonctionne ; on vient chercher du sport mais aussi une famille et Cody ne peut qu’être fier d’avoir su créer cette ambiance dont il rêvait tant.

Au-dessus du bureau d’accueil, des photos familiales sont discrètement dispersées entre autres images et certifications. Alors qu’il s’installe sur le siège pour réaliser quelques paperasses - il pourrait aller s’enfermer dans son bureau mais il aime bien accueillir les différentes personnes au cours de la journée -, il ne peut que sentir les regards des photos au-dessus de lui. Son père, des gants de boxe au main, un jeune Cody à ses côtés. Un peu plus bas - cachée derrière Cody - une photo de la famille au complet. Les parents sourient, Cody tient l’épaule d’Adèle dont les yeux pétillent ; Ash regarde le sol, sûrement intrigué par quelque chose et Evan semble râler de la situation, tous si jeunes. Et la journée passe ainsi, Cody enchaîne la paperasse, quelques tours de salle pour aider ceux qui le souhaiteraient, il réalise quelques cours avant de terminer sa journée au comptoir du bar qu’il a fait installer pour ceux qui souhaitent rester encore un peu échanger quelques mots avec d’autres sportifs, une petite boisson rafraichissante et quelques biscuits apéritifs autour d’eux. Cody se tient debout, un coude sur le comptoir, un sourire aux lèvres alors qu’il termine une discussion avec un habitué, Sean. Le rire encore sur ses lèvres, il l'observe quitter les lieux, la porte s’ouvrant mais ne se refermant pas immédiatement.

Au début, Cody ne peut que se dire une chose : il est en train de vivre une hallucination, une drôle d’hallucination qu’il ne manquera pas de compter à sa jeune sœur. « Hum, hey.. » Cody reste assez stoïque, la surprise bouillonnant dans ses veines sans pour autant transparaître sur son visage. Un millier de questions se bousculent dans sa tête mais il attend. « J'suis pas venu boxer, c'est.. vraiment pas pour ça que je suis là. » Ce qui est donc encore plus étrange, car cela signifierait qu’il soit venu pour lui - et Cody n’est pas certain de comprendre le pourquoi du comment. « J'aurais besoin de te parler, je.. je crois que c'est important. » La surprise commence à laisser doucement place à une inquiétude grandissante alors que plusieurs scénarios font leur apparition dans son imaginaire. Cette fois-ci, son visage commence à le trahir alors qu’une ride du lion se forme peu à peu sur son front, signe d’une contrariété évidente - et surtout, une inquiétude. « Elle sait pas. Que je suis venu. » Voilà qui scelle la chose, et si Cody tentait jusque-là de le laisser parler, il ne peut pas s’empêcher de poser une question, coupant presque la parole au jeune garçon. « Elle est où ? Elle va bien ? » car là tout de suite, il a beaucoup de mal à imaginer un scénario où Carl est juste venu lui parler de la pluie et du beau temps - et deux scénarios complètement différents viennent se battre l’un contre l’autre dans sa tête. Soit il est là pour parler d’amour et qui sait ce qu’il peut avoir dans sa tête de jeune fou amoureux - un Cody intérieur lève les yeux au ciel à cette simple idée -, soit Adèle est en danger, et cette idée lui est insupportable.

Il peut sentir les regards autour d’eux - il a peut-être parlé un peu fort, ou peut-être que la venue de Carl en ces lieux est remarquée, et que l’association des deux pose question. Dans tous les cas, le Shephard n’étant pas le genre à étaler sa vie privée en public - puisqu’il ne le fait même pas dans la sphère privée -, il fait signe à l’irlandais de le suivre et le mène tout droit vers son bureau - dont il ferme la porte pour leur laisser plus d’intimité. « Bon. » il laisse le mot rebondir contre les murs. « Bah je t’écoute. » Il veut pas être méchant mais il ne veut pas non plus se laisser amadouer et dérider trop rapidement ; il a assisté à quelques copains copines de ses frères et soeur et aucun n’ayant été un grand succès jusqu’à aujourd’hui, il ne peut s’empêcher de voir cette amourette comme un passage, attendant une preuve irréfutable avant de proclamer que celui-ci est le bon.

À mesure que la silhouette de l'ainé Shephard se rapproche, Carl peut sentir son cœur battre à tout rompre dans sa cage thoracique. C'est une mauvaise idée, bien sûr que c'en est une, mais il faut toujours qu'il s'en rende compte à la dernière seconde quand faire marche arrière n'est évidemment plus possible. Il n'est sans doute pas le bienvenu ici, tout comme son visage doit être le dernier que Cody avait envie de voir aujourd'hui, mais n'est-ce pas finalement le propre du garçon de ne jamais tomber bien ? Il trimballe derrière lui une morosité à faire peur, et devine que sa venue prend son beau-frère au dépourvu tandis que sa précision au sujet d'Adèle n'est de toute évidence pas la chose à dire s'il ne veut pas récolter aussitôt des questions derrière. Il n'a pas prévenu sa petite amie qu'il comptait venir, et sans doute qu'apprendre qu'il l'a fait en secret ne rassure pas beaucoup Cody. « Elle est où ? Elle va bien ? » C'est un peu ce qu'il craignait, que son interlocuteur pense déjà au pire et ce n'était pas très malin de sa part de l'annoncer comme ça, Carl le réalise là encore un peu tard. Il hoche alors la tête sans attendre, ses mains s'agitant avec nervosité comme pour repousser l'idée qu'Adèle puisse avoir des problèmes. Il n'est pas question de l'inquiéter car voilà encore une chose que Carl ne pourrait pas se pardonner. « Au refuge. Elle va bien, c'est promis. » Sa voix en tremble presque, mais il pourrait juger qu'il dit au moins vrai. Adèle allait bien la dernière fois qu'il l'a vue et il n'y a aucune raison que les choses aient depuis changé, de quoi sous-entendre que sa visite n'est pas motivée par un quelconque problème dont il souhaiterait lui parler. Ou du moins si, mais cela ne concerne rien d'autre que sa conscience meurtrie.

Avant même qu'il n'ait le temps de reprendre son souffle, Cody le mène déjà à son bureau pour s'assurer sans doute que leur discussion ne s'ébruitera pas aux quatre coins de son club. Et Carl le comprend, habitué à être celui que l'on cache car sa présence ne fait jamais bon genre, que l'on connaisse ou non son passé. « Bon. » Son cœur rate un battement, puis un second. « Bah je t’écoute. » C'est là, très précisément là que Carl regrette tout. Cette envie soudaine de venir le trouver ici, ce besoin d'apaiser son cœur et cette discussion qu'il n'assume déjà plus. Il en a trop dit et il le sait, mais vider son sac face à Cody est certainement l'exercice le plus difficile qu'il puisse s'auto-infliger comme s'il ne le craignait pas déjà assez. Et si sa réaction devait être animée ? Et s'il n'acceptait pas qu'Adèle lui ait parlé de leur frère ? Oh, Carl voudrait disparaître dans un nuage de poussière pour cogiter davantage sur son projet mais ce n'est pas comme s'il avait une chance de se réveiller plus courageux demain. Avalant péniblement sa salive, le garçon en vient à la conclusion que foutu pour foutu, autant aller jusqu'au bout. « C'est que.. je sais pas trop co-comment amener ça. » qu'il balbutie avant de tirer sur la manche de sa chemise, réflexe ô combien connu de Carl lorsqu'il tente de combattre une montée de panique. Il convient sans doute d'enfiler des gants pour aborder la chose et c'est assez ironique compte tenu de l’endroit où il se trouve, car n'importe quel gant serait de toute façon trop grand pour lui à cet instant. « Disons que.. je sais maintenant pourquoi j'ai anéanti l'ambiance le soir du réveillon en parlant de votre frère. » Et ces premiers mots menacent de lui arracher la gorge tant il peut craindre la réaction de l'ainé Shephard sur un sujet aussi sensible. Il sait, et ignore si cela pourrait déplaire ou non à Cody. « Adèle m'a tout dit. Elle m'a montré, aussi. » Le lieu où leur frère disparu repose aujourd'hui, quand bien même il préfère ne pas le préciser. Jamais un échange avec sa petite amie n'avait été aussi éprouvant, et jamais Carl ne s'est ensuite senti aussi coupable qu'en repensant à ses maladresses envers Cody. Marquant une courte pause pour y voir clair, le garçon poursuit. « Et je m'en veux. Si j'avais seulement su que.. » qu'Ash n'était plus de ce monde, ce qu'il n'aurait en soi jamais pu deviner mais ce qu'il se reproche pourtant de ne pas avoir compris. Il aurait dû y penser, il aurait dû s'en douter ou au moins, épargner aux Shephard son insupportable curiosité. « J'aurais jamais posé la question. Ni offert cette plante stupide. J'ai eu tout faux, comme d'habitude, et je.. je.. » L'agitation le gagne, Carl doit alors poser une main à plat contre son cœur pour tenter de maitriser les réactions d'un corps échappant à son contrôle. « Je me sens super mal, vraiment. Je suis désolé d'être comme ça. » Désolé d'être un caillou dans la chaussure de celles et ceux qui l'entourent, et de vivre avec l'impression d'éternellement tout faire de travers. Carl essaie de s'améliorer, c'est juré, mais ses efforts ne sont que rarement récompensés.

09/2024 Overthrown Boxing Club, Totterdown

Cody n’est pas capable de continuer une quelconque conversation tant qu’il ne sait pas si Adèle va bien et est en sécurité ; des souvenirs douloureux qu’il préférerait laissés enfouis au plus profond de lui font surface au même moment où Carl vient le rassurer et il pousse un soupir de soulagement. Elle va bien. Chaque inquiétude le ramène des années en arrière et il ne peut qu’imaginer le pire un peu trop souvent la concernant ; il faut dire que quelques cauchemars continuent de le hanter la nuit, l’empêchant alors de se sentir complètement serein. Elle va bien, il doit se le répéter plusieurs fois mentalement pour calmer les battements rapides de son cœur. Il se sent ridicule l’espace de quelques instants et refuse que qui que ce soit ici puisse l’apercevoir dans une posture vulnérable. Alors bien vite, il remonte le masque et c’est comme s’il n’avait rien entendu, comme si ces quelques mots échangés concernant Adèle n’avaient pas existé.

Il a le visage fermé quand il conduit le jeune Carl jusque dans son bureau et il imagine bien ce que les gens autour d’eux peuvent se dire ; qu’il s’agit sûrement de quelqu’un qu’il ne porte pas dans son cœur. Ce n’est pas vraiment le cas ; Cody ne déteste ni ne désapprouve Carl, il ne le connaît pas suffisamment et ne peut pas porter de jugement clair et fondé sur ce garçon. Oui, les gaffes qu’il a pu faire n’ont pas joué en sa faveur mais de là à le détester ? Non, le problème ne vient pas de là ; il est ailleurs. Mais ça, Cody n’a aucunement l’intention de le lui dire, refusant de dévoiler une quelconque confiance avant de le connaître un peu plus ; il ne se laissera pas attendrir par un mec qui pense être amoureux de sa sœur, il lui faudra plus que quelques yeux doux et autres trémolos. Alors quand ils arrivent dans la pièce, Cody attend de lui qu’il s’explique. Après tout, il n’a pas fait le trajet et débarqué au milieu de ce club dans le seul but de regarder Cody dans le blanc des yeux, il y a forcément une raison, une motivation particulière qui l’a poussé à arriver jusqu’ici. « C'est que.. je sais pas trop co-comment amener ça.  » Le sourcil droit du propriétaire des lieux se lève, il ne sait pas vraiment à quoi s’attendre et plusieurs scénarios continuent de se bousculer dans sa tête - bien que non croyant, il n’est pas loin de prier pour que certains de ces scénarios ne se réalisent pas. « Disons que.. je sais maintenant pourquoi j'ai anéanti l'ambiance le soir du réveillon en parlant de votre frère. »

Il se souvient comme si c’était hier du jour où il a reçu ce coup de fil. C’est simple, il était ici, pas dans ce bureau directement mais dans le club. Sourire sur le visage et blague au bout des lèvres, quand le téléphone sonne il court le récupérer sans attendre une seconde - comme il le fait depuis le départ d’Adèle, laissant même la sonnerie allumée la nuit au cas-où. Face à Carl aujourd’hui, tout lui revient en mémoire jusqu’aux mots prononcés par l’agent de police. Il pourrait couper court à la conversation ; remettre le jeune homme à sa place, le pousser vers la sortie, le couper ou simplement ne plus l’écouter. Il ne fait rien de tout ça, le laissant vomir le flot de paroles qui émanent de lui, les mots coulent les uns après les autres sans qu’aucun ne vienne les empêcher. Carl en a visiblement besoin, et l’homme qui lui fait face ne se sent tout à coup pas capable de le stopper. Il ne s’attendait clairement pas à ça, il faut le dire. « Adèle m'a tout dit. Elle m'a montré, aussi. » C’est une bonne chose ; il a eu une discussion avec sa sœur à ce sujet, lui intimant de lui avouer la vérité au plus vite. C’est cocasse, quand on sait toutes les vérités que lui préfère garder pour lui - mais il dira que la situation est bien différente, bien sûr. « Et je m'en veux. Si j'avais seulement su que.. » Les mots qu’il ne dit pas résonnent autour d’eux mais Cody ne le lâche pas du regard. Faut dire qu’il est un peu impressionné devant le courage que ça a dû lui demander de venir ici pour lui dire tout ça. « J'aurais jamais posé la question. Ni offert cette plante stupide. J'ai eu tout faux, comme d'habitude, et je.. je.. » Le geste de l’irlandais ne passe pas inaperçu et le regard de Cody se pose quelques secondes sur sa main avant de retrouver ses yeux. Les traits du plus âgé sont de plus en plus adoucis, laissant peu à peu ce masque de dureté tomber. C’est pas un mauvais bougre Cody. « Je me sens super mal, vraiment. Je suis désolé d'être comme ça. » Et Carl en arrive même à le toucher.

Le silence plane quelques secondes entre eux alors que Cody laisse la conversation - le monologue - suspendue un peu entre eux deux ; il a besoin de faire sens de tout ça, de réfléchir, de laisser les mots de Carl pénétrer ses pensées les plus profondes. « C’est quoi comme ça, Carl ? » qu’il demande, et y’a plusieurs raisons à ça. La première, c’est qu’il ne peut s’empêcher d’imaginer des travers qu’il ne veut pas pour sa soeur, la deuxième c’est qu’il se sent touché par la sensibilité apparente de Carl - et même s’ils sont là les deux opposés, il ne peut pas le rejeter en bloc et lui en vouloir éternellement. Surtout qu’il ne lui en voulait déjà pas - ou plus. Il pourrait en rester à cette simple question ; tout comme il pourrait se dérider complètement et le prendre dans ses bras. Non, n’abusons pas, il se contentera de rebondir sur le sujet et de rassurer le jeune homme - sans pour autant sourire, faudrait pas tomber le masque trop vite. Et surtout, faudrait pas se laisser amadouer trop fort et trop vite, Cody a vu suffisamment d’idiots passer dans la vie d’Adèle pour ne pas accorder sa confiance ; ni maintenant, ni jamais. « Tu pouvais pas deviner. J’ai dit à Adèle que c’était une mauvaise idée de te laisser dans l’inconnu. » Mais il s’empresse de venir soutenir sa sœur malgré tout. Si en privé, il n’est pas d’accord avec sa façon de faire, en public il se rangera toujours à sa cause. « Mais c’est pas sa faute. C’est compliqué pour elle, elle a fait comme elle a pu. Tu ne peux pas lui reprocher. » Le ton accusateur dans sa voix ne peut que se faire ressentir ; il ne supporterait pas que Carl la mette dans une position de remords et de culpabilité, lui ou qui que ce soit d’autre. « T’es venu jusqu’ici pour t’excuser d’un truc qui s’est passé à Noël ? » qu’il demande finalement, un peu surpris. Sûrement qu’il vient juste de l’apprendre, que c’est tout nouveau pour lui et que ça a fait ressurgir les souvenirs de ce repas particulier ; ça n’empêche qu’il aurait pu continuer son bout de chemin sans s’enquiquiner à venir présenter ses excuses.

Passer les castings d'House of Secrets devant une flopée d'inconnus était moins intimidant que se retrouver face à Cody, c'est dire à quel point Carl redouté le moment. Le frère de sa petite amie le fait se sentir minuscule, le moindre de ses regards lui rappelle celui qu'il avait récolté ce fameux soir où il avait été un piètre invité et il n'a vraiment pas hâte de poser des mots sur la culpabilité que sa dernière discussion avec Adèle a ranimé. Il se sentait déjà mal Carl en repensant audit réveillon, mais c'est pire que tout depuis que la Shephard s'est ouverte à lui sur son paysage familial et sur ce frère qu'elle a perdu. Il fallait bien évidemment qu'il fasse cette bourde, lui et pas un autre, car c'est finalement bien son genre de glisser sur ce genre de terrain. Et à cet instant, n'est-il pas en train de faire à nouveau du mal à Cody en évoquant les éprouvantes confessions de sa sœur, n'est-ce pas même contre-productif ? Il n'en sait rien Carl, il n'a déjà aucune idée de ce qu'il fait depuis qu'il a mis les pieds dans ce club car planifier les choses et s'y tenir n'est pas vraiment son truc. Ce n'est pas le discours qu'il avait répété, les mots ne sortent pour ainsi dire pas du tout comme il les avait imaginés mais le garçon a au moins le mérite de parler avec le cœur, en se montrant aussi sincère qu'il puisse l'être et en se vendant aussi très mal auprès de son beau-frère, certes. « C’est quoi comme ça, Carl ? » Tout l'enjeu va être ici de ne pas dévoiler la (très) longue liste de défauts que le garçon peut se trouver, car il n'a aucune estime pour lui-même et reste convaincu d'être un chat noir dans la vie des autres ainsi que quelqu'un que l'univers aurait mal conçu. Maladroit, pour ne pas dire empoté. Dans la lune, pour ne pas dire complètement à l'ouest. Benêt, pour ne pas dire... « Stupide. Je suis stupide. » qu'il souffle sans même y réfléchir, persuadé d'avoir une case en moins depuis toujours et de l'avoir bien prouvé ce fameux soir chez Cody. Il y avait un seul sujet à ne pas aborder et il l'a fait, comme si c'était plus fort que lui ou comme si à trop vouloir bien faire, il récoltait finalement tout l'inverse. Oui, il portait ce jour-là un intérêt sincère aux frères d'Adèle afin d'apprendre à les connaitre mais il aurait mieux fait de s'abstenir, comme tellement de fois avant ça. « Je fais jamais rien comme il faut, je crois que c'est ça mon problème. » Et Carl n'a jamais été du genre à embellir la réalité quand il s'agit de lui, à moins qu'il ne soit surtout prédisposé à s'auto-haïr parce que son beau-père l'a conditionné comme tel. Combien de fois Hector lui a répété qu'il n'était qu'un idiot fini ? Un vulgaire parasite désormais convaincu d'en être un, et craignant plus que tout le moment où Adèle réalisera elle aussi qu'il n'est rien d'autre qu'un boulet, dans le genre bien lourd et encombrant.

Tout le monde a des défauts, mais il y a aussi tous ceux que Carl n'évoque pas. Des problèmes qu'il tente de régler à grand coup de thérapies, des tendances passées qui feraient certainement bondir Cody s'il apprenait leur existence, et qu'il ne pourrait surtout pas comprendre. S'il va beaucoup mieux, Carl a souvent le sentiment de mentir sur celui qu'il est vraiment car sa petite amie serait en droit de savoir ce qu'on lui reprochait autrefois, le genre de secret susceptible de faire un peu plus de dégâts que celui qu'elle-même a mis du temps à partager avec lui. « Tu pouvais pas deviner. J’ai dit à Adèle que c’était une mauvaise idée de te laisser dans l’inconnu. » Une part de lui est assez touchée que Cody ait songé à lui de cette manière, quand bien même il n'en veut pas à Adèle d'y être allée à son rythme avant de lui en parler. Elle n'était sans doute pas prête à lui ouvrir une telle page de sa vie, en admettant qu'il connaisse le plus important à présent. « Mais c’est pas sa faute. C’est compliqué pour elle, elle a fait comme elle a pu. Tu ne peux pas lui reprocher. » Oh, il n'en avait pas l'intention et le ton que prend Cody le pousse à vouloir le clarifier bien vite. « Je comptais pas lui reprocher, je.. je lui ai promis que je serai là pour elle et qu'elle pourrait m'en parler seulement quand elle le sentirait. » Le fait est qu'il n'a pour sa part jamais perdu un frère, et qu'il se doute qu'il ne doit rien y avoir de pire. Ce n'était pas une petite confession à lui faire, c'était le mettre dans la confidence d'une épreuve dont Adèle ne guérira probablement jamais alors non, à aucun moment Carl n'a éprouvé de déception ou de rancœur à son encontre. « Elle sait que je lui en veux pas. » poursuit-il, d'une voix un peu plus apaisée. Il a pris le temps de la rassurer à ce sujet, il lui a aussi assuré son soutien de plusieurs façons alors Adèle sait que son petit ami est entièrement de son côté et que jamais, il n'a été question de la culpabiliser. « T’es venu jusqu’ici pour t’excuser d’un truc qui s’est passé à Noël ? » La question prêterait presque à sourire, car il a effectivement laissé passer plusieurs mois avant de revenir vers Cody pour s'excuser de son comportement. C'est son échange avec Adèle qui l'a remis face à l'évidence, et ravivé en lui ces problèmes de conscience car avant ça il ne savait pas, et n'imaginait pas à quel point il avait pu se montrer indélicat et maladroit. « Oui mais.. sois pas trop surpris, je viens de te dire que j'étais stupide. » Cody marque tout de même un point : il aurait pu se réveiller un peu plus tôt, oui, puisqu'une part de sa culpabilité ne date vraiment pas d'hier. Ce qui lui a manqué était bien évidemment le courage, en plus des éléments que Carl n'a eu en sa possession que tout récemment. « Je comprendrais que t'aies beaucoup de mal avec moi depuis ce soir-là alors.. même si je peux pas changer ce que tu penses, je tenais à ce que tu saches que je voulais pas blesser qui que ce soit. J'en parlerai plus non plus si tu me le demandes. » Il peut en faire la promesse ici et maintenant, conscient que Cody n'a possiblement pas du tout envie que le nom d'Ash puisse être prononcé par lui – raison pour laquelle il n'a précisément pas mentionné son nom, jusqu'ici. Carl marque après ça une courte pause, son regard s'égarant un instant autour d'eux avant qu'un soupir ne passe la barrière de ses lèvres. « Je voudrais tellement faire les choses bien avec elle. » Ce qu'il voudrait, c'est être digne d'Adèle pour qui il redouble d'attention et de tendresse depuis le premier jour, mais qu'il s'attend à perdre le jour où celle-ci prendra connaissance de ses plus sombres secrets – et ça, il ne risque pas de pouvoir le confier à Cody pour les raisons que l'on devine.

09/2024 Overthrown Boxing Club, Totterdown

Avant aujourd’hui, le Shephard ne s’est jamais vraiment intéressé à qui peut bien être ce fameux Carl au fond de lui, ce qui peut l’animer, ce qui peut le travailler, comment il se trouve, à quoi il pense, comment il voit la vie. Jusque-là, tout ce qui pouvait l'intéresser était simplement son rapport à Adèle - la façon dont il comptait la traiter étant la priorité absolue du grand-frère. Le voir en face à face aujourd’hui sans personne d’autre pour interférer dans cette conversation vient apporter une dimension toute particulière aux yeux de Cody ; c’est simple, Carl n’est plus simplement le petit-ami d’Adèle, il est une personne à part entière avec ses qualités et ses défauts et il suffit de quelques mots timides et phrases inquiètes pour que Cody remarque qu’il y a sûrement beaucoup plus sous la surface du jeune homme. « Stupide. Je suis stupide. » C’est difficile - impossible même - de ne pas se trouver peiné face à ces mots, bien qu’il ne laisse rien paraître comme à l’accoutumée, ni surprise, ni réassurance. Il le laisse simplement parler, laissant son cerveau composer avec les différentes impressions qu’il se fait de Carl, tissant une toile sur la personne qu’il est et laissant son imaginaire combler le reste. « Je fais jamais rien comme il faut, je crois que c'est ça mon problème. » S’il a pu croiser quelques-uns des anciens petits-amis d’Adèle - et les détester -, jamais il n’avait entendu un garçon se dénigrer de la sorte de façon aussi… normale, comme s’il s’agissait-là tout simplement de la vérité la plus pure qui soit et pas simplement une mauvaise perception de soi ; comme si c’était tellement marqué au fer rouge qu’il n’y avait pas d’autre choix que celui-là. Carl est stupide et ne fait rien comme il faut, la seule vérité qui soit. N’importe quel grand-frère doté d’un minimum de compassion - et c’est son cas - se trouverait touché face à ces mots, d’une sincérité implacable et d’une tristesse infinie. Mais ça l’inquiète tout autant que ça lui fait peine, n’imaginant pas ce qu’un tel manque de confiance peut faire dans une relation, voyant déjà sa sœur batailler pour le convaincre de choses qu’il refusera de croire sur lui-même. Et très franchement, il ne sait pas quoi répondre, ne s’attendait absolument pas à recevoir de tels aveux aujourd’hui - il ne pensait même pas croiser le Flanagan. « T’as sûrement dû faire un truc bien pour qu’Adèle s’intéresse à toi. » est finalement la seule chose qu’il arrive à répondre, pas sûr de choisir le bon angle mais bien incapable de se lancer dans de plus amples explications ou réassurances - ce n’est pas son rôle, ni sa place et il ne le connaît pas suffisamment pour trouver les mots justes.

La priorité de Cody est et restera toujours Adèle, raison pour laquelle il ne peut s’empêcher de prendre son parti et de s’y tenir. Si à l’abri des regards, il n’est que très rarement en accord avec les choix de la jeune femme, il se ralliera toujours à elle et tentera toujours de faire en sorte de la protéger. Même si là n’est plus son rôle, même si elle est pleinement capable de se débrouiller seule et qu’elle n’a absolument pas besoin de lui. « Je comptais pas lui reprocher, je.. je lui ai promis que je serai là pour elle et qu'elle pourrait m'en parler seulement quand elle le sentirait. Elle sait que je lui en veux pas. » Ces mots suffisent à rassurer le Shephard et il hoche alors la tête, ne répondant rien de plus, c’est tout ce qu’il voulait entendre et le jeune Flanagan marque quelques points auprès de lui sûrement sans s’en rendre compte - non pas que Cody tienne les scores, quoi que ? « Oui mais.. sois pas trop surpris, je viens de te dire que j'étais stupide. » C’est sûrement sa façon de faire de l’humour, mauvaise bien sûr, mais une tentative qui ne fait pas rire le boxeur ; pas quand les mots sont encore un peu trop frais et un peu trop inquiétant. « Je comprendrais que t'aies beaucoup de mal avec moi depuis ce soir-là alors.. même si je peux pas changer ce que tu penses, je tenais à ce que tu saches que je voulais pas blesser qui que ce soit. J'en parlerai plus non plus si tu me le demandes. » Difficile de garder un coeur de pierre face à ce jeune homme dont les intentions sont si louables et qui semble attacher tant d’importance à faire bien autour de lui, persuadé de ne pas y arriver. Cody n’est et n’a jamais été comme ça, c’est peut-être la raison pour laquelle ça le touche particulièrement, il saurait pas vraiment l’expliquer mais y’a une petite fissure qui se fait dans sa carapace. « Je t’en veux pas Carl, et je t’en voulais déjà pas avant. » qu’il répond alors, clarifiant une bonne fois pour toutes la position dans laquelle il se trouve. Il s’approche de lui et vient poser une main sur son épaule - une grande avancée pour lui. « On a pas commencé du bon pied, c’est sûr, mais je t’en tiens pas rigueur et je ne suis pas blessé ou quoique ce soit que tu peux t’imaginer. » Malheureusement, il n’a pas le choix que de vivre avec la perte de ce frère sur les épaules chaque jour de sa vie et un petit jeune qui met les pieds dans le plat ne change pas grand-chose à son quotidien. « Je voudrais tellement faire les choses bien avec elle. » La main de Cody tient toujours l’épaule du Flanagan. « Et c’est tout ce que je te demande. » qu’il répond du tac-au-tac. « Tu prends soin d’elle, tu la rends heureuse et j’aurai aucun mal à t’apprécier. » Il explique avant d’ajouter. « Dans un futur. » petit sourire aux lèvres pour indiquer sa taquinerie. « Par contre, si tu fais un pas de travers avec elle, c’est là qu’on aura un sérieux problème. » Si sa main vient très légèrement serrer l’épaule du garçon, ce n’est en aucun cas fait exprès mais les paroles qu’il prononce sont sincères, bien qu’il n’ait pas pour but de lui faire peur, simplement de l’informer. Finalement, il lâche un rire, relâche la pression et claque une tape dans le dos du Flanagan, ajoutant dans son rire. « Attends qu’elle te parle de son troisième frère, va ! » ce qui le fait bien marrer. Il se détache enfin et se décale un peu, laissant le plus jeune respirer. Il se permet même de contourner le petit bureau pour s’y asseoir - pour lui, l’ambiance est détendue. « ça va mieux ? » qu’il demande alors, persuadé d’avoir su très bien gérer la situation.

Il n'y a pas à dire, ce n'est pas encore aujourd'hui que le garçon va briller dans l'art de se vendre comme en témoigne le portrait bien peu flatteur de lui – et terriblement réducteur, aussi – qu'il dresse maladroitement à Cody. Le résultat de nombreuses années à n'avoir rien entendu autre que ces mots que Carl a aujourd'hui pour habitude de se répéter, comme une leçon qu'il aurait apprise par la manière forte et en l'occurrence, par celle d'Hector. Alors oui, il est sûrement aussi stupide qu'il le dit car après tout, a-t-il eu tellement d'exemples du contraire au cours de sa vie ? N'est-il pas connu pour avoir pris un nombre incalculable de mauvaises décisions à son jeune âge, et n'est-il pas trop souvent dépourvu de bon sens dans ses paroles ou ses actions ? Carl ne sait de toute façon pas se voir avec d'autres yeux que ceux-là, et sa petite amie a beau croire en lui et en ses capacités, il reste de très loin celui qui en doute le plus à la fin de la journée comme s'il ne faisait pas partie de ces personnes aptes à progresser. Quant à Cody, il n'a sûrement pas signé pour l'entendre se dévaloriser à ce point et déjà, Carl regrette d'avoir laissé ses pensées intrusives retentir dans la pièce car à part avoir l'air d'un bonhomme manquant affreusement de confiance en lui, il ne sait pas bien ce que tout ça peut dire de lui. « T’as sûrement dû faire un truc bien pour qu’Adèle s’intéresse à toi. » Le regard du garçon remonte lentement vers les traits de l'ainé Shephard alors que ces mots font naitre en lui une véritable réflexion. Il a certainement fait quelque chose pour attirer l'attention d'une fille aussi incroyable qu'Adèle, oui... mais quoi ? Carl a beau chercher, il ne parvient pas à mettre le doigt sur ses qualités ou sur ce petit quelque chose qui a pu faire la différence le jour de leur rencontre pour que son match de Saint-Valentin ait eu envie de le revoir. Il sait aussi que sans une précieuse intervention du destin, leur histoire n'aurait pas forcément connu l'évolution que l'on sait alors dans le fond, le doit-il réellement à lui-même ou bien à un coup de pouce de l'univers ? « Ça m'arrive souvent de me demander comment je lui ai plu. » qu'il avoue, le regard s'égarant un instant dans le vide car s'il commence à cogiter sur la question, Carl sait qu'il n'a vraiment pas fini. C'est le genre de chose qui peut tourner à l'obsession dans un esprit comme le sien, car c'est après tout plus facile de s'en donner mal à la tête que de demander directement à sa petite amie ce qui lui a plu chez lui, n'est-ce pas. Au fond, Carl doutera de toute façon de la réponse alors à quoi bon tenter de l'obtenir, si ce n'est pour se convaincre comme toujours qu'il n'y a pas plus terne et ordinaire que lui.

Ses excuses formulées, il peut en tout cas promettre à Cody qu'il prendra bien plus de précautions à l'avenir car l'épisode du réveillon lui a semble-t-il servi de leçon, d'autant plus si cela doit depuis influencer la façon dont le frère d'Adèle le perçoit. Oh, Carl se doute des points qu'il a perdu ce soir-là et qu'il continue peut-être même à perdre, en mettant toujours les pieds là où il ne faut pas et en prouvant qu'avec lui, une maladresse en cache toujours une autre. Il est ainsi fait, ce n'est pas demain la veille que Carl deviendra un garçon habile mais il a au moins l'espoir ne pas trébucher deux fois au même endroit, si cela peut lui éviter de revenir malgré lui sur certains sujets sensibles. « Je t’en veux pas Carl, et je t’en voulais déjà pas avant. » C'est une vraie surprise de l'entendre, à tel point que le garçon doit cligner plusieurs fois des yeux pour que l'information soit intégrée de son côté. Est-ce que toute sa vie est un mensonge ? Si non, pourquoi Cody ne le déteste pas comme il devrait en principe, et pourquoi pose-t-il une main prévenante sur son épaule comme si sa démarche le touchait bien plus que le contraire ? Sur le moment, Carl croit un peu rêver et son absence de réaction traduit seulement son incompréhension, en tant que bonhomme bien trop habitué à ce qu'on lui en veuille même quand il ne fait rien. « On a pas commencé du bon pied, c’est sûr, mais je t’en tiens pas rigueur et je ne suis pas blessé ou quoique ce soit que tu peux t’imaginer. » Et bon sang ce que cela fait du bien de le savoir, le poids sur son cœur s'allège même sacrément face à ces mots qui parviennent enfin à le faire sourire, maintenant que Carl est certain de ne pas s'être trompé de réalité. « D’accord. » souffle-t-il, son regard évitant malgré tout avec soin celui de Cody car sa timidité l'emporte sur le reste, il n'était de toute évidence pas prêt à entendre que l'ainé Shephard ne lui vouait aucun ressentiment. S'il peut de son côté émettre une autre promesse, c'est bien celle d'essayer de faire les choses bien avec Adèle car ses efforts sont nombreux pour tenter d'être le petit ami qu'elle mérite, même si Carl n'a pas la prétention de croire qu'il pourra un jour honorer parfaitement son rôle. Ce qu'il voudrait, c'est qu'elle soit aussi heureuse avec lui que l'inverse n'est vrai et qu'il puisse apprendre avec le temps à la combler à plus d'un niveau, y compris ceux qu'il n'a pas encore eu la chance d'explorer à ses côtés. « Et c’est tout ce que je te demande. Tu prends soin d’elle, tu la rends heureuse et j’aurai aucun mal à t’apprécier. » Carl ne demande que ça, lui, d'être dans les petits papiers du frère de sa petite amie pour que plus jamais les repas de famille ne puissent rimer avec malaise. « Dans un futur. » La nuance a son importance mais elle le fait sourire. « Je ferai tout ce que je peux pour ça. Parce que.. je tiens énormément à elle, tu sais. » Il tient à vrai dire bien plus que ça encore à la Shephard, mais il ne peut pas avouer cela à Cody s'il ne l'a même pas encore fait face à la principale concernée. De peur, sans doute, que cela soit encore trop tôt et qu'elle ne ressente pas exactement la même chose, de son côté. « Je sais même pas ce que je serais devenu si je l'avais pas rencontrée. » Peut-être bien que si, il sait : Carl n'aurait possiblement jamais repris ses études si elle ne l'y avait pas encouragé, et puis Adèle le motive plus que quiconque à poursuivre sa thérapie en donnant une impulsion positive à sa vie après l'avoir très longtemps subie. Sans elle, le garçon chercherait certainement encore quel chemin emprunter et quoi faire de sa peau, car si peu de personnes ont bien voulu croire en lui avant qu'Adèle ne le fasse, elle. « Par contre, si tu fais un pas de travers avec elle, c’est là qu’on aura un sérieux problème. » D'un coup, la main positionnée sur son épaule vient serrer quelque peu celle-ci dans un geste qui l'intimide et lui donne l'envie soudaine de disparaître. C'est qu'il ne sait pas trop quel sens donner à ces mots, Carl ; un simple conseil amical, ou bien de véritables menaces ? « Euh oui, bien sûr.. mais je.. j’en ai pas du tout l’intention. » il balbutie, lui qui ne souhaite surtout pas avoir de problèmes avec Cody et qui ne pourrait également pas vivre avec l'idée de faire du mal à la fille qu'il aime. Ce ne serait pas volontaire, mais ce n'est pas pour autant que Carl se le pardonnerait. « Attends qu’elle te parle de son troisième frère, va ! » Le rire soudain de Cody le surprend autant que sa tape dans son dos, tandis que le garçon tente de décrisper ce corps qui s'était raidi un peu plus tôt. Est-ce que cela lui fait quand même peur ? Peut-être un peu, comme quelqu'un qui n'aurait après tout pas la conscience parfaitement tranquille. « Ça va mieux ? » Il hoche doucement la tête, esquissant un sourire pour balayer la petite frayeur qui s'est emparée de lui. « Oui, je crois. » Car malgré tout, le fait d'avoir eu cette discussion est un sacré poids en moins sur ses épaules. Il le fallait avant que sa culpabilité ne le dévore tout entier, et avant que son incertitude vis-à-vis de Cody ne le pousse à changer de trottoir en le croisant. Ainsi, au moins, les choses ont le mérite d'être dites. « Je suis content de savoir que tu m’en veux pas, j'étais tellement persuadé du contraire. » Le voilà bien plus léger à l'idée que Cody ne lui en tient pas rigueur même si en contrepartie, Carl y gagne toute de même de nouvelles peurs comme celle de faire ce fameux faux pas que l’aîné Shephard ne pourra pas lui pardonner. « Et ça me dérange pas si tu dis à Adèle que je suis venu. Je préférais juste aller au bout de mon idée avant de lui en parler, parce que j'étais pas sûr de ce qu'elle allait en penser. » Il ignore après tout si Adèle adhèrera ou non à l'idée, mais il aurait assurément préféré ne pas devoir entreprendre les choses dans le dos de sa petite amie. C'est stupide, il aurait dû lui en toucher un mot mais il n'a pas pu, certain comme toujours d'avoir les pires idées du monde. « J’espère qu’elle comprendra que j’en avais besoin. » finit-il par conclure, un bref soupir passant la barrière de ses lèvres en songeant à sa petite cachotterie pour Adèle – bien moindre, comparé au poids de ses nombreux autres secrets.

09/2024 Overthrown Boxing Club, Totterdown

C’est peut-être lui qui exagère, ça ne serait évidemment pas une surprise pour qui que ce soit, mais il ne peut que se trouver inquiet de constater combien Carl semble doué pour se dénigrer - et sûrement bien incapable de se trouver des qualités. Un homme tout à fait à l’inverse - dont l’égo surdimensionné prendrait tant de place qu’il n’en resterait plus pour Adèle - serait tout aussi inquiétant cependant. Bien que Cody sait qu’il vaut mieux un Carl qu’une énergumène incapable de voir plus loin que le bout de son nez, ces angoisses qui semblent déborder tout autour de lui ne sont pas des plus rassurantes ; et il sait déjà qu’il n’aura la conscience tranquille que quand il en aura touché à un mot à Adèle, toujours dans le but de lui épargner tout ce qui pourrait la conduire vers un mur, ou pire, un coeur brisé dont il devra recoller les morceaux à coup de t’étais trop bien pour lui façon dont il pensera chaque mot. « Ça m'arrive souvent de me demander comment je lui ai plu. » Un moi aussi sûrement trop désagréable menace de franchir la barrière de ses lèvres ; plus une habitude qu’une réelle certitude ; après tout, cette conversation lui montre des aspects qui peuvent lui faire comprendre les sentiments d’Adèle à son égard - il est touchant, et semble vouloir faire attention à ce que les gens s’entendent et à ne pas faire de faux-pas, bien qu’il ne s’agisse sûrement là que d’une maigre partie de l’iceberg qu’il doit être. « Si je peux me permettre. » Et il est clair que Cody est loin d’être le genre à ne pas se permettre, surtout face au petit-ami de sa petite sœur. « Arrête de te poser la question. » Ce n’est pas là une énième façon d’être désagréable ou de lui faire comprendre qu’il n’arrive pas aux chevilles d’Adèle - personne ne pourrait arriver à la cheville d’Adèle si on lui demandait son avis -, seulement une façon de lui intimer d’apprendre à faire cesser ces voix dans sa tête, peut-être également une inquiétude à l’idée que ces voix deviennent trop fortes et qu’Adèle finisse un jour par en pâtir ; si elle devait le rassurer encore et toujours sur la sincérité de ses sentiments, par exemple.

Lui prend néanmoins ce rôle aujourd’hui et rassure le jeune Carl quant à ses ressentis vis-à-vis de ce fameux repas de Noël ; il est passé à autre chose depuis bien longtemps et n’en veut tout simplement pas au Flanagan, aveux qui semblent le surprendre si on en croit le visage qu’il tire. N’importe qui serait touché devant ce geste - combattre ses peurs pour venir jusqu’ici présenter ses excuses - et devant sa mine surprise - bouche légèrement ouverte, yeux qui semblent ne plus trouver comment s’arrêter de clignoter. ça fait forcément sourire Cody alors que sa main vient trouver l’épaule de Carl pour appuyer ses propos. « D’accord. » Et ça suffit à clôturer le sujet. « Je ferai tout ce que je peux pour ça. Parce que.. je tiens énormément à elle, tu sais. » Même si en effet ça ne faisait aucun doute dans son esprit - rappelons que Carl s’est déplacé jusqu’ici pour parler avec lui -, c’est toujours rassurant de l’entendre et Cody ne peut qu’hocher la tête à ces mots. « Je sais même pas ce que je serais devenu si je l'avais pas rencontrée. » Encore des mots touchants ; et sûrement que le grand frère trouvera un moyen ou un autre de balancer tout ça à Adèle, utilisant peut-être un ton moqueur quand au fond, il sera simplement heureux de pouvoir transmettre tout ce qu’il lui semble ressembler à de l’amour de la part du Flanagan. Mais même si toute cette discussion le fait passer de l’inquiétude à la réassurance, incapable de savoir sur quel pied danser pendant plus de quelques secondes, il se doit de profiter de cette opportunité pour jouer une nouvelle fois au patriarche qu’Adèle et lui n’ont plus, profanant des menaces sous couvert de conseils ; une main qui se serre un peu sur son épaule avant de le relâcher comme si de rien n’était une fois que le message est bien passé.

Un rire, une tape dans le dos et le moment éclair qui vient de se passer entre les deux garçons s’évanouit tout autour de lui. « Je suis content de savoir que tu m’en veux pas, j'étais tellement persuadé du contraire. » ça ne fait en effet aucun doute, Cody se doutant donc de l’inquiétude que pouvait ressentir le plus jeune ; il est venu, a été rassuré, peut-être pas sur tous les points mais sur le principal de sa venue. « Et ça me dérange pas si tu dis à Adèle que je suis venu. Je préférais juste aller au bout de mon idée avant de lui en parler, parce que j'étais pas sûr de ce qu'elle allait en penser. » Loin de Cody l’idée d’attendre un quelconque feu vert de la part de Carl, il avait déjà bien l’intention de mentionner cette rencontre à sa jeune soeur ; il lui faudra résister à l’envie de lui téléphoner ou lui écrire un message pour pouvoir lui en parler de vive voix et voir sa réaction. D’autant plus qu’il sait déjà qu’il ne compte pas parler que de la venue de Carl mais également des inquiétudes que cette rencontre ont fait germer dans l’esprit du Shephard. Il sait d’avance que le sujet sera délicat, mais il ne peut décemment pas faire comme si de rien n’était. « Ah bah tant mieux car en effet je comptais pas lui cacher. » Il n’ajoute pas qu’il n’est pas le genre à garder des secrets auprès de sa soeur car ce serait évidemment un trop gros mensonge ; mais comme ça la concerne directement, il ne peut pas taire le sujet et n’en avait évidemment pas l’intention - tant mieux donc que le Flanagan ne soit pas contre ! « J’espère qu’elle comprendra que j’en avais besoin. » Une nouvelle fois cette inquiétude qui déborde dans la conversation et vient ajouter des questions dans l’esprit de Cody - des questions qu’il n’a pas l’intention de poser ou d’aborder aujourd’hui, laissant peu à peu la conversation se terminer. « Elle comprendra, t’inquiète pas pour ça. » Tente-t-il alors, espérant calmer un peu les inquiétudes du jeune même s’il se doute bien au travers de cette discussion que ces simples mots ne suffiront pas ; il aura le mérite d’essayer à son faible niveau.

Une dernière tape dans le dos, des remerciements pour être venu et pour cet échange et Cody ne peut que le reconduire vers la sortie ; alors que l’étrange duo attire de nouveaux les regards des autres. Ils dénotent, cela ne fait aucun doute mais si Cody serre la main de Carl avant que celui ne sorte de la salle, sûrement qu’il s’agit-là d’une façon de l’accepter et de le respecter. Il l’observe partir quelques secondes avant de retourner vaquer à ses occupations ; gardant la conversation qui tournera en boucle dans sa tête pour le reste de la journée.