guess there's some that's born lucky there's some that's not (james & eli)

09/2024 Waldorf Hotel

Des scènes surréalistes, on était forcément amené à en surprendre un certain nombre lorsqu'on faisait comme lui de fréquents détours par le Waldorf Hotel, où James prêtait si souvent main forte à son épouse qu'il se fondait de plus en plus dans le décor. Il était fréquent qu'il y soit témoin de scènes de ménages mélodramatiques, d'esclandres de la part de clients levés du pied gauche ou de fins de soirées trop arrosées qui se terminaient à plat ventre sur le sol du bar. Parfois, il arrivait même qu'il surprenne des types qu'il connaissait bien, leur maîtresse au bras, essayant de se soustraire à son regard, comme si qui que ce soit pouvait échapper à son radar. Mais les moments dont James raffolait le moins, c'était ceux où il surprenait ses employés entrain de se tourner les pouces, alors que le travail ne manquait jamais au Waldorf et qu'il s'efforçait lui-même de s'y  montrer aussi strict que dans son atelier, prenant très au sérieux la réputation de cet établissement et l'importance qu'il avait pour Cristina. Et parce qu'il avait bien remarqué que leur dernière recrue avait justement quelques problèmes avec la discipline, ainsi qu'une certaine tendance à vouloir amuser la galerie, James était bien obligé de le garder à l’œil. Eli était pourtant un bagagiste efficace, un employé plutôt volontaire à qui il n'avait jamais rien eu à redire sur la qualité de son travail, et de ce que James avait déjà pu constater les clients semblaient même beaucoup l'apprécier. Sans doute sa bonne humeur et sa légèreté étaient-elles communicatives, en tout cas chez les autres. Beaucoup moins chez James, forcément, qui avait suffisamment observé le jeune homme pour savoir que dès que Cristina avait le dos tourné, il avait toutes les chances de trouver Eli entrain de faire l'idiot sur ses heures de travail. « J’te jure, la valise était remplie, j’ai même pas osé ranger ou ouvrir le reste, j’suis parti en courant. » A le voir s’époumoner de rire comme s'il était attablé dans un bar avec sa bande de copains, on jurerait qu'Eli n'avait aucune conscience de là où il se trouvait. Car loin de sursauter ou d'éprouver la moindre panique à l'arrivée de James, il parut au contraire aussi serein qu'on pouvait l'être et ça, c'était en tout point déconcertant pour le créateur. « Salut. » A peu près autant que la nonchalance avec laquelle il s'adressa à lui, valant à James de lancer un regard riche de sens au réceptionniste, qui leur faussa compagnie pour lui laisser l'occasion d'un tête à tête avec leur employé du mois.

« T'as entendu mon histoire ou j'te la raconte ? C’est à mourir de rire. » Qu'on se le dise, si à cet instant James était susceptible de mourir de quelque chose, c'était de honte bien plus que n'importe quoi d'autre. « Non merci, j'ai déjà eu droit aux détails les plus scabreux. » Et il s'en serait bien passé, mais ça il ne servait sans doute à rien qu'il le précise. Eli se fichait peut être de tout ou presque, mais il ne le pensait pas idiot et sûrement pas au point de ne pas avoir remarqué que l'époux de la propriétaire des lieux ne partageait pas vraiment son humour. Qu'en l’occurrence, avec James, ce genre de blagues potaches avaient rarement leur place et ça même s'il ne le trouvait pas désagréable, simplement beaucoup trop inconséquent. « J'imagine que ça ne vous ait pas venu à l'esprit qu'un client aurait pu vous entendre. » Il ne travaillait peut être à l'hôtel que depuis un mois, mais il devrait déjà savoir qu'ici plus que n'importe où ailleurs, les murs étaient susceptibles d'avoir des oreilles. Et qu'il représentait l'image de cet endroit lorsqu'il se comportait de la sorte ; une image que James ne tenait pas à voir écornée parce qu'on ne lui avait pas appris le minimum de discrétion à avoir. « Je savais que l'hôtel comptait un jeune pitre dans ses rangs, mais je suis bluffé de voir que je vous avais encore sous-estimé, Eli. » Le vouvoiement était encore de mise parce qu'il ne travaillait pas pour eux depuis assez longtemps pour que James se laisse aller à ce genre de familiarités, contrairement à Eli. Un sourire quelques peu sarcastique aux lèvres, malgré tout d'humeur à entrer dans son jeu plutôt qu'à lui passer un savon en bonne et due forme, James reprit. « On peut espérer une représentation publique un de ces soirs, ou vous réservez vos talents à vos petits collègues ? » Ses bras croisés sur son torse, James reposa son regard dans celui d'Eli et arqua un sourcil curieux. James savait parfois se décrisper quelques peu et faire mentir sa réputation lorsqu'on savait jouer les bonnes cartes avec lui, mais il n'en oubliait pas pour autant de serrer la vis lorsque c'était nécessaire.