if you ran away, come back home (lou & ezra)

if you ran away, come back home

@Lou Addams Stewart ☆ @Ezra Buckland ☆ Timothy Dunham

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De retour à Bristol depuis le début du mois d’octobre, environ, Tim avait pris son temps avant de retomber dans son confort d’avant. C’est qu’il avait l’impression d’avoir perdu ses repères, de ne plus savoir comment réellement faire ancrage dans cette ville. Trois ans, ça peut paraître court, mais dans sa tête à lui, il avait eu le temps de s’inventer mille et une vies ailleurs qu’ici. Il ne savait plus trop s’il appartenait à cet endroit. Et si cet endroit l’accueillait à bras de briques grands ouverts. Il savait, Tim, qu’il suffisait de poser les pieds dans ses endroits préférés d’avant et, surtout, de renouer avec celles et ceux qui avaient rythmé son existence. Lou et Ezra les premiers. C’était pourtant bien simple. Il aurait alors l’impression, à nouveau, de compter pour quelque chose, pour quelqu’un. Force est de constater qu’il avait surtout peur, Tim, peur de reprendre sa vie à Bristol mais que ça se fasse sans Adèle à ses côtés, dans son décor quasi-quotidien. Il pensait être passé par-dessus ses sentiments, en trois ans il avait été avec d’autres femmes, en trois ans il s’était fait d’autres scénarios, dans lesquels son coeur ne battait plus pour elle. Il pensait vraiment être parvenu à chasser ces sentiments. C’est en remettant les pieds ici qu’il réalisait que non, qu’il s’était menti à lui-même, qu’il suffisait d’errer dans les mêmes rues qui avaient accueilli leurs pas égarés, pour comprendre qu’Adèle avait encore le monopole de son imagination florissante. Cependant, après près de deux semaines à dormir dans son bateau, avec le froid qui se faisait de plus en plus sentir, Tim s’était rendu à l’évidence : il lui fallait soit repartir, soit s’établir. Et comme il n’aurait plus su où aller, en prenant le large, ses pas l’avaient conduit jusqu’ici aujourd’hui, à la tombée du jour : son ancien logement, celui qu’il avait occupé avec Lou et Ezra. Il n’était peut-être pas parti comme un voleur en ne laissant que des traces de son passage ou de son départ, mais c’était tout comme. Il était parti en quelques heures, ne leur laissant même pas le temps d’avaler le morceau, à ses deux amis de longue date. De toutes les personnes autour de lui, c’est sans doute Lou et Ezra qui risquaient le plus de le reprendre dans leur vie sans trop questionner, sans trop le réprimander, mais il avait quand même la boule au ventre alors qu’il se tenait devant la porte close. Il baissa les yeux vers ses souliers, prenant une grande inspiration. Cela devait bien faire trois minutes qu’il était là, debout, raide, ne tremblotant que de ses mains incertaines. Puis, il avait levé sa main droite, rassemblant ses doigts en un poing, et il avait toqué à la porte. Son visage s’était relevé, il ne savait pas sur qui il tomberait d’Ezra ou de Lou, ou d’un parfait étranger qui sait. Quand ce fut dans le regard de la blonde que ses yeux se verrouillèrent, une fois la porte ouverte sur lui, sur eux, un flot d’émotions contradictoires le submergèrent. Il était plus qu’heureux de la revoir. Mais ça le replongeait dans son état d’il y avait trois ans, quatre ans. Des souvenirs douloureux et des souvenirs doux-amers. Il esquissa un sourire, ses lèvres frémissantes. « Hi, Lou. » Qu’il lâcha.

Ça fait trop d'heures que je suis enfermée dans la pièce qui nous sert de studio d'enregistrement. Et de salle de montage. Et de salle de réunion. Et de salle de planification. Elle a plusieurs rôles, mais elle est centré sur nos projets : Le Podcast et la chaîne YouTube. Dès que nos idées se sont mises en place, on savait qu'il nous fallait un endroit spécifique pour que notre ébauche de plan devienne quelque chose de concret et que ça ait l'air professionnelle. On a vidé la chambre des maîtres et on en a fait quelque chose de fonctionnel, de charmant — pour recevoir les futurs invités — qu'on a agrémenté de matériel digne de ce nom : caméras, micros, ordinateurs. Ça nous a coûté un bras, une jambe et probablement une couille et un ovaire aussi, mais l'investissement en a value peine, parce que grâce à ça, on avait un produit fini intéressant à présenter. Ça fait maintenant presque quatre ans qu'on a lancé les différents projets sur toutes les platforms et honnêtement, notre communauté grossit de jour en jour et c'est une grande fierté autant pour Ezra que pour moi.

J'étire mon corps ankylosé à force de rester dans la même position. Mon cou craque, alors que je le bouge de droite à gauche. J'ai enfin presque terminé le montage de notre prochain épisode qui devrait sortir cette semaine. Pour celui-là, j'ai choisi un vieux crime de 1994. L'histoire d'Alison Botha est terrorisante et fascinante en même temps. Comment on peut survivre à autant de sévices ? À ce stade, c'est définitivement un miracle.

Mon ventre interrompt le fil de mes pensées alors qu'il grogne avec force. Je réalise que je n'ai pas bouffé depuis hier soir et là, j'ai faim. Je dévorerais un éléphant. « Eeeeeeez, mon amouuuuuuuur. » Je l'appelle avec ce ton qui l'exaspere parce que j'adore l'embêter.

Il arrive quelques secondes plus tard, dans l'entrebaillement de la porte. Je l'attire à moi et l'oblige à m'enlacer, juste parce que je le peux et que sa présente me ravigore pour continuer à travailler sur le montage de cet épisode, qui aujourd'hui me semble sans fin. J'inspire un grand coup, dans son cou, m'enivrant de son odeur. Ça sent doux, ça sent lui, ça sent la maison. Et ça fait du bien. J'y dépose un petit baiser avant de soupirer. « Peux-tu aller me faire un truc à manger, j'y suis presque, mais j'ai l'impression de m'auto-digérer. S’il-te-plaît. »

Il abdique puis me laisse, alors que je me renconcentre sur ma tâche. J'y reste encore une dizaine de minutes avant qu'on toque à la porte. Je me lève pour aller répondre, parce que je sais que Ezra est occupé. Et j'ai besoin d'une excuse pour lever mon popotin avant qu'il ne soit incruster dans le siège.

J'enfile un des cotons ouaté d'Ez qui traînait sur le divan, alors que je me rend à la porte. Je l'ouvre et... je bugue. « Hi, Lou. »

La voix, les yeux, le visage. Non, non, ce n'est pas un bug dans la matrice. Je froncees sourcils. « Tim ?! » Je secoue ma tête, parce que, merde, il a disparus comme un ch'veux su'a soupe, ne donnant plus nouvelles ou même signe de vie depuis pratiquement trois ans.

« Qu'est-ce que... Qu'est-ce que tu fais là ? »

« Eeeeeeez, mon amouuuuuuuur. » Cette voix et ce ton.. c'est automatique. Je soupire roulant presque des yeux. L'truc c'est malgré tout ça .. j'vais tout de même être le petit ami dévoué. J'débarque dans notre de travail, t'laissant me serrer dans tes bras. J'sais pas si t'essaies de me convaincre de quoi que ce soit, mais t'as pas vraiment besoin de te dévoué pour la cause - j'étais déjà convaincu. Ouais c'bon, mais t'auras un truc avec l'inspiration du moment. J'sais même pas c'qu'on a dans dans le frigo. Probablement vide. M'enfin j'pose un baiser sur ton front avant de disparaître dans la cuisine et m'occuper.

J'fouille un peu dans le frigo, trouvant des trucs ici et là pour cuisiner des pâtes. Bon ce sera pas un repas gastronomique, mais ça fera l'affaire et ça remplira le bid de la blondinette. Je met met à la tâche puis j'relève le mentons entendant des voix malgré la musique j'ai mis en arrière plan. J'nettoies mes mains puis m'avance dans l'appart.  « Hi, Lou. » C'qui ça ? J'fronce les sourcils, curieux. « Tim ?! Qu'est-ce que... Qu'est-ce que tu fais là ?»Tim ? C'est une blague ? Je passe ma main au-dessus de Lou plus petite que moi et pousse la porte. J'sais pas y'a pas de répondre et j'suis curieux d'entendre la réponse. En même temps j'vais pas lui laisser le temps d'en placer une. S'plus fort que moi. Putain un revenant. C'pas drôle mais tout ceux et celles qui me connaissent savent que j'peux pas m'passer de commentaire parfois désagréable. T'as fait quoi de tes sacs ? .. Ah non attends. D'vait être trop pressé de revenir et t'les as oublié.   C'est certainement gratuit, mais franchement comment j'dois réagir ? J'attends certes des excuses et des explications. J'sais pas si Tim aura .. mais en tout cas s'il veut entrer dans cet appartement il devra m'dire la vérité.

J'croyais pas avoir un petit caca sur le coeur, mais voilà. J'en ai un. On était ami, du moins on l'es encore - j'crois. Pourquoi comme ça du jour au lendemain t'a foutu le camps en nous avertissant à la dernière minutes que t'allais partir. J'sais pas quand je fais les maths y'a aucune chance que j'excuse ton geste. Encore moins de la façon dont tout cela c'est passé. Le truc c'est que malgré tout ça - je suis prêt à t'entendre - te laisser une toute petite chance. Je le fais pour moi, mais aussi pour Lou. Parce que bien que surprise, je sais qu'elle est contente de te voir là. Non pas que je ne le suis pas. En fait j'voudrais t'serrer dans mes bras comme un ami .. mais j'suis un mec avec un peu d'orgueil t'vois. J'pousse la porte et tire Lou avec moi pour t'inviter à entrer. S'tu veux entrer.. ou t'expliquer dans le couloir en sachant que les voisins écoutent .. s'toi qui voit. Que je lance finalement en jetant un coup d'oeil à Lou pour voir sa réaction.

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On aurait dit qu’elle venait de voir un fantôme, Lou. C’était probablement l’effet que ça lui faisait. Il aurait pu être mort, Tim. Après tout, il avait été malade longtemps, dans les dernières années de leur colocation. Le cancer l’avait d’abord grugé silencieusement, s’insérant insidieusement en lui, créant fatigue et douleur dans ce corps autrefois en santé. Puis, la maladie l’avait attaqué de plein fouet et les traitements avaient achevé le peu de lumière qu’il lui restait dans les yeux. On aurait pu croire qu’une fois sorti du bois, en rémission, tout serait rentré dans l’ordre. Surtout quand ça avait été le cas pour Adèle aussi, avec qui il avait traversé la tempête. Pourtant, ça avait été là, le point de rupture. Quand ils auraient pu, tous les deux, reprendre contrôle sur leurs propres vies. Tim avait décidé de s’en aller, de fuir, laissant tout son monde derrière. Ezra et Lou avaient été les seuls, avec sa famille, à être mis au courant. Cela n’avait pas empêché Tim de ne pas leur donner signe de vie depuis. Un fantôme, il en était un oui, en quelque sorte. Tim n’eut pas le temps de répondre à la question de Lou, qu’une main apparut au-dessus de sa tête, ouvrant un peu plus la porte. Ezra se tenait là tout d’un coup, derrière elle. Tim leva les yeux vers lui. Il soupira, très silencieusement, quand son ami le qualifia de revenant. Il méritait tout ça. Il méritait tout le sarcasme de l’homme. « Toutes mes choses sont encore sur mon voilier. J’voulais pas arriver ici avec mes sacs et prendre pour acquis que … » Qu’ils le reprendraient sans rien dire ? Qu’ils pardonneraient ces années de silence, alors qu’ils étaient amis depuis tellement longtemps ? Tout ça. « Je suis de retour depuis quelques jours. J’suis pas venu vous voir avant, je savais pas … je savais pas trop comment m’y prendre. » Ezra tira un peu plus Lou vers lui, pour dégager l’entrée, pour laisser à Tim un passage alors qu’il ouvrait la porte au complet cette fois. Une vague de soulagement traversa son corps. Au moins, ses deux amis lui laissaient une chance de s’expliquer. « Non, non, en-dedans, c’est bien. » Tim entra dans l’appartement et regarda rapidement autour, s’imprégnant à nouveau de ce lieu qui avait autrefois été son safe space, auprès de deux personnes qui comptaient tellement pour lui. C’était encore le cas. Il espérait que ce ne soit pas devenu unilatéral, la colère et la déception prenant le dessus sur leur amitié. Il aurait compris, Tim, évidemment. Mais il en aurait été anéanti. « On peut aller s’asseoir ? » Maintenant, ce n’était plus ses mains qui tremblaient, c’était ses jambes qui étaient comme des feuilles à l’automne, accrochées à pas grand-chose d’autre qu’un maigre courage sur le point de s’envoler.

Je suis encore sous le choque quand une présence derrière mon dos ouvre la porte un peu plus grand. J'ai l'impression de voir un revenant, d'ailleurs Ezra fait honneur à mes pensées alors qu'il qualifie Tim comme tel.

Parce que revenant, il l'est. Quand il a eu son cancer, j'ai compris au début, pourquoi il nous l'avait caché, j'ai été déçu et un peu blessée de son silence, mais j'ai compris. D'autant plus en voyant Clara agir de la même façon avec Marlene. Mais malgré l'amerturme de son silence, autant Ez que moi, on a essayé d'être là pour lui, de prendre soin de lui comme on pouvait, dès qu'on l'a su . D'être des bons amis, dans les moments les plus difficiles. Parce qu'on l'aimais — l'aime — Tim. Mais, son départ précipité, ça a été un peu comme un coup de poignard. Qu'il parte précipitamment, d'accord, ça je peux accepter. Mais qu'il parte sans même nous donner des nouvelles, sans se retourner foutant toutes ses années d'amitiés aux oubliettes, ça fait mal.

Je sens Ez aussi amer que moi, alors qu'il lui lance une de ses piques sarcastiques dont il a le secret. J'aurais trouvé ça drôle, honnêtement, si je n'avais pas cet arrière goût amer sur la langue.

Tim ne relève même pas le commentaire de mon tatoué, y répondant platement. « Toutes mes choses sont encore sur mon voilier. J’voulais pas arriver ici avec mes sacs et prendre pour acquis que … » Il ne termine pas sa phrase, comme s'il n'osait pas aller au bout de sa pensée. « Je suis de retour depuis quelques jours. J’suis pas venu vous voir avant, je savais pas … je savais pas trop comment m’y prendre. » Je hoche la tête. Parce que même si je suis blessée, je veux savoir. J'ai besoin de comprendre. Comment un gars que je connaissais depuis l'adolescence, avec qui j'ai vécu toute ma vie d'adulte, à pu nous rayer de sa vie aussi rapidement, sans un regard en arrière. J'ai besoin de savoir pour calmer toutes les suppositions qui tourbillonnent dans ma tête. Parce que même si je suis blessée, je l'aime quand même l'imbécile. Et quelque part, j'ai espoir que notre amitié existe encore. Que tout ce qu'on a vécu au travers des années, ça a valu quelque chose à ses yeux.  

Ezra me tire vers lui pour lui laisser plus d'espace pour entrer dans notre appartement. Son appartement.

Il entre puis on referme la porte. Il demande à aller s'asseoir. Pas une mauvaise idée. Je sens que je vais en avoir besoin. Parce que pour le moment, j'hésite entre le prendre dans mes bras et l'envie de lui foutre une baffe. « Tu devrais te souvenir du chemin vers le salon... »

Ezra déteint sur moi, parce que j'ai beau avoir eu envie de le dire doucement, j'ai été plus sec et sarcastique que voulu. « À moins que ça aussi tu aies voulu le rayer de ta vie...»

C'est sortie tout seul, mais merde. Je lui en veux, probablement plus que ce que je ne le pensais... et je me suis inquiétée. Il venait d'avoir un cancer. J'ai été terrorisée de le perdre. Et au final, je l'ai perdue quand même.

On s'installe dans le canapé alors que Tim  prend le siège juste dans l'angle.

« Toutes mes choses sont encore sur mon voilier. J’voulais pas arriver ici avec mes sacs et prendre pour acquis que … Je suis de retour depuis quelques jours. J’suis pas venu vous voir avant, je savais pas … je savais pas trop comment m’y prendre. Je ris un peu - j'suis doué pour créer des malaises - disons que c'est un peu ma spécialité. D'autant plus que de voir la tête des quand y'a malaise ça m'plait bien. C'est surtout jamais vraiment méchant, mais comme laisser échapper toutes les remarques possible s'plus fort que moi .. bah ça crée des malaises.Hm, j'vois. L'truc c'est que t'es là avec l'espoir que .. s'pareil. » Je m'attends à recevoir un coup dans les côtes de la part de Lou. On en a souvent parlé que tu pouvais aussi revenir.  L'histoire c'est que j'vais tout de même te laisser croire qu'il y ait possibilité qu'on ne te reprendra pas - comme si c'était une petite vengeance personnelle alors que j'ai aucune raison de ne pas te reprendre. Le fait est que j'ai besoin d'abord d'entendre ce que t'as à dire, parce que tu nous dois des explications. Surtout parce qu'on n'a rien compris à cette démarche.

J'invite notre colocs - ami à entrer. J'ai pas envie de discuter dans le hall d'entrée. J'veux dire nos histoires ça n'regarde personne qui vit autour. Bien que je sois capable de créer un malaise, j'voudrais pas que tu te sentes pris au piège à être exposé devant tout le monde. Ça nous regarde et pas les autres - j'suis parfaitement capable de te dire ce que je pense sans pour autant le faire devant tout le monde. M'enfin, je suis les deux blondinet jusqu'au salon. « Tu devrais te souvenir du chemin vers le salon... À moins que ça aussi tu aies voulu le rayer de ta vie...» Un petit rictus sur le coin de mes lèvres à la remarque de Lou - heureusement personne ne m'voit sourire puisque je suis derrière eux. Sauf que l'idée de l'élève qui apprend bien du maître, ça m'plait bien. J'dis rien, pas besoin Lou l'a fait à ma place. J'crois même qu'elle ait encore plus dans la gorge ton départ que moi. Je m'laisse finalement tomber sur le sofa tout près de Lou. Mon bras qui s'pose sur le dossier. Je fixe notre ami et pince les lèvres. Je suis prêt à t'écouter. Alors .. j'espère que t'as passé un beau voyage. Que je finis par lancer en avalant un peu de travers.

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Il avait raison, Ezra. Avec ou sans son sac, Timothy se tenait quand même au pas de la porte de son ancien logement, encore occupé par ses deux amis, par ses deux colocataires de sa vie d’avant. S’il était ici, c’était bel et bien parce qu’il aurait bien voulu reprendre au moins cette partie-là de son ancienne vie. En revenant à Bristol, Tim comprenait que plus rien n’était pareil, mais il aurait au moins voulu que ça, ça le redevienne. Ezra et Lou lui manquaient. Il espérait, égoïstement, qu’ils ne soient pas passé à autre chose. Qu’ils n’aient pas réalisé qu’au fond, la vie à deux, en couple, c’était bien mieux que d’avoir un ami toujours un peu dans les pattes, même s’il ne prenait pas beaucoup de place, Tim. « T’as raison. Ça revient au même. » Admit Tim, haussant tout légèrement les épaules, capitulant. Le revenant expliqua à ses amis qu’il était de retour depuis quelques jours, mais qu’il n’était pas passé avant, faute d’avoir trouvé les bons mots à leur dire. Il se rendait compte qu’il ne les avait pas davantage, les bons mots, aujourd’hui. Il entra quand même dans le logement. C’était trop tard pour reculer, maintenant. S’il faisait son lâche et qu’il s’en allait, ça signerait probablement officiellement la fin avec Lou et Ezra. C’était pas ce qu’il voulait. Il voulait sincèrement se rattraper. Ce ne serait juste pas facile. Mais il le savait déjà, ça, Tim, que ce ne serait pas facile. Il aurait fallu être pas mal délirant pour penser pouvoir foutre le camp pendant trois ans et s’attendre à être accueilli avec des fleurs. Il entra dans son ancien appartement, le coeur serré de retrouver cet endroit qui avait été le sien, son safe space, face auquel il était maintenant étranger. La remarque cinglante de Lou le fit légèrement grimacer. « Je m’en souviens, ouais. Ça devrait aller. » Qu’il lâcha sans animosité, juste avec une pointe de tristesse et de culpabilité, aussi. Il s’installa sur le canapé, d’abord silencieux, regardant un peu autour de lui, puis plantant son regard sur Lou et Ezra, assis pas loin, ensemble. Il se râcla discrètement la gorge après qu’Ezra l’ait invité à débuter. « C’était pas vraiment un voyage. C’était plus … une fuite, j’dirais. » Commença-t-il. « Mais pas de vous. J’vous jure, c’est pas vous. Je comprends ton impression, Lou, que j’ai voulu vous rayer de ma vie. J’ai pas donné de nouvelles et ça, c’est inexcusable. Et j’pourrais même pas correctement le justifier, j’le sais. » Lui-même ne se l’expliquait pas. Il avait pourtant donné de rares nouvelles à Hadès, prenant du même coup des nouvelles de ses colocataires. Pourquoi Hadès et pas eux ? Il l’ignorait, Tim. Ça avait été plus facile, sans doute, parce qu’Hadès n’attendait rien de plus. « Mes dernières années à Bristol ont été, vous le savez … assez difficiles. J’ai eu besoin de faire une coupure avec tout ce que j’avais vécu, avec certaines personnes avec qui j’ai traversé ça, aussi. J’avais l’impression que j’pourrais plus jamais aller d’l’avant, continuer à avancer, sans ça … » Ça ne faisait sûrement pas bien de sens, mais si Tim avouait avec clarté que c’était pour fuir ses sentiments vis-à-vis d’Adèle, qu’il avait foutu le camp, ils ne comprendraient pas.

On avait déjà eu la discussion avec Ezra. C'était hypothétique bien sûr. Parce que même si au début, quand Tim est partie, on a eu espoir qu'il revienne, les jours, les semaines, les mois ont fini par défiler rendant cette possibilité peu probable, improbable même. Mais on en avait quand même parlé. Si Tim revenait hypothétiquement sur le pas de notre porte, qu'est-ce qu'on ferait. Pour l'un comme pour l'autre c'était clair. Autant Ez que moi, sommes fidèle en amitié. Avec de bonnes explications, on serait prêt à passer outre. Mais... je réalise que maintenant que ça arrive pour de vrai, maintenant qu'il est là, installé sur notre fauteuil d'angle, mal à l'aise, je ne sais pas comment réagir. J'ai envie de le prendre dans mes bras. Je l'aime quand même. J'ai envie de comprendre. J'ai besoin de comprendre. J'ai envie de lui pardonner son départ. J'ai envie qu'on reprenne notre amitié là où elle a été laissé. Mais d'un autre côté, je réalise que ça me faisait plus mal que ce que je pensais. Sa présence est comme un coup de poignard dans mon coeur. Parce que s'il est là, s'il est ici, repentant, c'est que j'avais raison de ressentir toute cette merde. Ça me prouve que j'avais raison de ressentir tout ça.

J'ai vu que mon commentaire l'avais affecté. Je ne suis pas dû genre méchante. Je n'aime pas provoquer ce genre d'émotion chez les gens que j'aime. Et je réalise que la situation ne fait pas ressortir le meilleur de moi. La blessure est bien vive dans mon coeur. Beaucoup moins profondément enfouie que ce que croyais.

Ez l'invite a parler, l'encouragent à entamer cette conversation qui risque d'être émotive pour tout le monde. Je glisse ma main sous la cuisse de mon tatoué. Pour me donner une contenance, pour calmer mon anxiété. J'ai peur de la suite. D'une certaine façon, sa présence réveil mon deuil de notre amitié. J'ai tellement perdu de personnes en qui je tenais, son départ, ça a été comme un coup de massue sur mon coeur. J'avais tellement eu peur de le perdre les mois précédents, avec son cancer, et dès qu'il avait été mieux, il avait foutu le camp. Prenant le poudre d'escampette. Partant pratiquement comme un voleur. Nous rayant de son existance. « C’était pas vraiment un voyage. C’était plus … une fuite, j’dirais. Mais pas de vous. J’vous jure, c’est pas vous. Je comprends ton impression, Lou, que j’ai voulu vous rayer de ma vie. J’ai pas donné de nouvelles et ça, c’est inexcusable. Et j’pourrais même pas correctement le justifier, j’le sais. »  Mon coeur se sert, parce que c'est vrai que j'ai du mal à l'excuser. Mais je me garde de commentaire, serrant mon point sous la cuisse d'Ez. « Mes dernières années à Bristol ont été, vous le savez … assez difficiles. J’ai eu besoin de faire une coupure avec tout ce que j’avais vécu, avec certaines personnes avec qui j’ai traversé ça, aussi. J’avais l’impression que j’pourrais plus jamais aller d’l’avant, continuer à avancer, sans ça … » Je sers les lèvres. Blessée ? Soulagée ? Je ne sais pas. Mon coeur tergiverse entre les deux. Ce n'est pas nous, mais on était de trop. Il s'excuse de ne pas nous avoir donné de nouvelles, mais il voulait nous couper de sa vie... Ma tête balance. Parce que quelque part, je le comprends d'avoir voulu avancer. Ce qu'il a vécu, ce n'est ni facile, ni simple et son envie de prendre le large n'est pas inconcevable. C'est même plutôt... Naturel ? Normal ? Alors, cette partie je la comprends. C'est la façon dont il l'a fait que je ne m'explique pas. Que je ne comprends pas. Je tourne ma langue sept fois dans ma bouche avant de parler. Je n'ai pas envie d'être amer, même si tout au fond, je le suis. « Écoute... j'espère que t'as trouvé ce que tu cherchais. »

J'essaie vraiment d'être compréhensif, mais je dois avouer que le départ de Tim m'a aussi affecté. Nous laissant d'abord dans la merde un peu financièrement parlant, mais aussi parce que j'ai eu l'impression d'être trahis. Comme si notre amitié n'avait pas été assez forte pour qu'on arrive à se parler bien avant son départ. Je me lance donc sur le sujet tentant malgré tout de passer outre cette tension. C'est difficile, c'est palpable et je sens Lou encore plus sous le choc de cette rencontre. Enfin, je peux ressentir sa frustration de par notre connexion.  « C’était pas vraiment un voyage. C’était plus … une fuite, j’dirais. Mais pas de vous. J’vous jure, c’est pas vous. Je comprends ton impression, Lou, que j’ai voulu vous rayer de ma vie. J’ai pas donné de nouvelles et ça, c’est inexcusable. Et j’pourrais même pas correctement le justifier, j’le sais. » Je glisse ma main dans les cheveux de Lou et la regarde du coin de l'oeil comme pour voir sa réaction. J'peux même sentir sa main se serrer sous ma cuisse. Ça va aller. « Mes dernières années à Bristol ont été, vous le savez … assez difficiles. J’ai eu besoin de faire une coupure avec tout ce que j’avais vécu, avec certaines personnes avec qui j’ai traversé ça, aussi. J’avais l’impression que j’pourrais plus jamais aller d’l’avant, continuer à avancer, sans ça … » Je soupire et réalise qu'en vrai .. J'suis mal placé pour juger.

Je regarde ma copine, mon ami et hoche la tête. J'peux comprendre ce besoin d'évasion - je l'ai aussi. Mettre tout derrière et recommencer - sauf que moi j'recommence jamais. Je m'engourdis et tente d'oublier - sauf que ça ne s'oublis pas. « Écoute... j'espère que t'as trouvé ce que tu cherchais. » Mes doigts se posent sur l'épaule de Lou et la serre. J'suis là. J'écoute.  J'sais par contre pas trop comment je devrais réagir. Ni même quoi dire - j'suis pas doué avec les mots. La seule chose que je peux comprendre c'est ce besoin d'évasion - à quel point on peut se sentir brisé. Et c'était la façon la plus logique pour toi ? Je fixe mon ami. T'pouvais pas juste dire, ou même l'écrire. Les mecs j'dois partir .. Nah, t'es parti comme ça, sans explications. Nous laissant dans le néant, dans la merde. Et si cela t'étais arrivé ? J'veux dire la situation avait été inversée. Tu l'prendrais comment ? Met toi à notre place Tim. On est là d'vant toi à tenter de comprendre .. Et t'as de la chance parce que la porte est là. T'as de la chance parce que je t'aime vraiment et que c'est pareil pour lui. Sauf que de savoir que Lou est peine, j'pourrais t'sortir avec un coup de pied dans l'cul direct.  Faut pas s'en faire - je sais comment faire. J'reste de glace, tentant plutôt de rester dans la neutralité - j'ai pas envie de me disputer. Étrangement j'suis pas en colère, je suis plutôt calme, mais mes questions s'font censées - enfin je crois.

J'essaie vraiment d'être le plus rationnel, mais j'croyais qu'on était ami, que le lien de confiance était là. J'croyais que tu étais en mesure de te confier à nous. Nous parler parce que t'sais que les amis c'est pas que pour faire la fête. On se soutient, on s'apprécie et surtout on s'fait confiance. On est là l'un pour l'autre. À ce niveau j'crois pas être en mesure d'être plus explicite. C'est comme ça que je le ressens, puis je suppose que c'est pareil pour Lou. Je t'en veux pas, en fait si un peu mais probablement pas autant que tu peux le croire. C'est juste que j'aurais voulu être là pour toi quand c'était le temps. J'aurais voulu être digne d'être ton ami, mais t'es partie t'exiler, n'donnant de nouvelle à personne.  Et maintenant qu'on sait pourquoi t'as foutu l'camps sans rien dire.. tu t'attends à quoi d'nous ?   Pourquoi t'es là ? Que pour venir t'excuser, nous dire que t'es de retour en ville ?

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@Lou Addams Stewart ☆ @Ezra Buckland ☆ Timothy Dunham

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Ils ont toujours été plutôt fusionnels, Lou et Ezra, et encore à ce jour Timothy le remarque. La main de Lou glissée sous la cuisse d’Ezra. La main d’Ezra dans les cheveux de Lou. Les regards à la dérobée qu’ils se lancent, sondant l’énergie de l’autre, sondant les pensées de l’autre. Ils étaient sur la même longueur d’ondes, par rapport au départ puis au retour inattendu de Timothy. Ce dernier avait merdé, et il le ressentait dans chaque geste et dans chaque regard échangés entre ses anciens colocataires. Il avait beau tenter de s’expliquer, il avait l’impression qu’il avait brisé leur trio, qu’il ne restait plus qu’eux, et lui, au loin. Il ignorait s’il était possible de recoller les morceaux, si leur amitié était réparable. Mais il avait franchement envie d’essayer. Autant il s’était montré si lâche en quittant Bristol sur un coup de tête, autant aujourd’hui il avait envie de puiser tout le courage qu’il avait en-dedans de lui pour se racheter auprès de ses amis. Qu’ils n’acceptent pas de le reprendre comme colocataire, Tim pouvait faire avec, c’était qu’un logement et il pourrait en trouver un ailleurs. Qu’ils ne veuillent pas le reprendre dans leur vie, ce serait un coup trop difficile à encaisser. Il pouvait habiter Bristol sans Adèle. Il était convaincu d’y arriver un jour. Mais habiter Bristol sans Lou et Ezra, ça, c’était inconcevable. Eux trois, ça remontait à trop loin pour qu’il puisse continuer sa vie sans leur présence, au moins à quelque part, si ce n’était pas entre ces murs.

C’est Lou qui décida de rompre le silence la première, après ma tirade probablement vide de sens. Son affirmation me fit baisser les yeux, hausser discrètement les épaules. « Je ne sais pas. Pas vraiment. » C’était ce qui était le plus douloureux, au fond. De réaliser qu’il avait tout foutu en l’air et pour quel résultat ? Rien n’avait changé. Il était de retour à Bristol et son coeur avait aussi mal qu’il y a trois ans. Il pensait aller mieux. Ce n’était pas le cas. Il releva les yeux vers Ezra quand il lui demanda si c’était la manière la plus logique de procéder, pour lui. Il l’écouta, ne l’interrompant pas, le laissant vider tout ce qu’il avait sur le cœur. « J’pouvais pas mettre les raisons sur papier, encore moins vous les dire en face. C’était tellement mêlé dans ma tête. J’y trouvais pas vraiment le sens, moi non plus. J’avais pas envie que vous cherchiez à trouver d’autres solutions, que vous cherchiez à m’raisonner. Je sais que j’vous ai sorti cette bombe-là, le matin-même, sans vous donner le temps de réagir ou d’poser vos questions. Je sais que c’était injuste, égoïste et lâche. Mais j’savais que si j’prenais le temps, je risquais de ne pas partir … Mais je le voulais. » Expliqua Tim. Lui aussi tentait d’être rationnel, mais cette conversation était tellement émotive, tous les trois étaient aux aguets face à cette spirale de sentiments. « Vous êtes mes amis. Ezra, Lou, vous êtes mes meilleurs amis. » Précisa-t-il avec fermeté dans la voix. « Vous me connaissez. Mieux que n’importe qui. Vous savez que j’ai du mal à parler d’moi, à parler de c’qui va pas. C’est pas que j’ai pas confiance. Je sais que vous m’auriez écouté, que vous m’auriez soutenu. Je sais juste pas comment faire ça. » Admit-il. La seule personne avec qui il avait réussi à faire cela, et seulement à propos de sa maladie d’ailleurs, c’était Adèle. Parce qu’elle le vivait aussi. Parce qu’elle comprenait. « J’ai pas vraiment d’attente. J’viens juste vous dire que je suis là, que je vous aime, que j’vais essayer, à tous les jours, de me rattraper. Par tous les moyens que vous voudrez bien accepter. » Il n’osait pas demander, Tim, s’il y avait toujours une chambre de libre pour lui. S’il avait toujours sa place ici avec eux. Ça lui semblait bien trop précoce, actuellement, de se projeter jusque-là.

Tim baisse les yeux, hausse les épaules. Il nous dit qu'il ne sait pas. Pas vraiment. Mais en même temps, ça ne me surprend pas vraiment. Comment on peut trouver des réponses dans la fuite ? Comment on peut trouver quelque chose alors qu'on me ferme pas les autres chapitres de sa vie convenablement ? La réponse est simple, on ne peut pas. On restera toujours avec des questions sans réponse. Avec des remords et des chapitres incomplets. Il manquera toujours un truc. On peut totalement partir pour aller mieux. Mais là fuite n'est que très rarement la solution.

Comme s'il lisait dans mes pensées, Ezra met des mots sur ce que je ressens. « Et c'était la façon la plus logique pour toi ? T'pouvais pas juste dire, ou même l'écrire. Les mecs j'dois partir ... Nah, t'es parti comme ça, sans explications. Nous laissant dans le néant, dans la merde. Et si cela t'étais arrivé ? J'veux dire la situation avait été inversée. Tu l'prendrais comment ? Met toi à notre place Tim. On est là d'vant toi à tenter de comprendre. J'essaie vraiment d'être le plus rationnel, mais j'croyais qu'on était ami, que le lien de confiance était là. J'croyais que tu étais en mesure de te confier à nous. Nous parler parce que t'sais que les amis c'est pas que pour faire la fête. On se soutient, on s'apprécie et surtout on s'fait confiance. On est là l'un pour l'autre. Et maintenant qu'on sait pourquoi t'as foutu l'camps sans rien dire... tu t'attends à quoi d'nous ? »

J'écoute les paroles de Ez qui résonnent avec ce que j'aimerais arriver à dire. Parce que les mots sont encore bloqués dans ma gorge. Les sentiments sont encore un tourbillon dans ma tête. Je suis triste, en colère et blessée. Tout ça se mélangeant à mon amour pour Tim. À mon amitié pour lui. À mon soulagement de le voir en chair, en os, en un seul morceau et relativement bien portant.

Toute ma vie, j'ai construit des relations qui me sont précieuses. Si je te donne mon amour, je te le donne sans concession. Avec toute ma confiance. Toutes mes trippes. Je te le donne en étant prête à remuer ciel et terre pour toi. Mais... c'est justement pour ça que la situation avec Tim me broie les entrailles. Je l'aime et j'ai eu une terreur bleu de le perdre... Mais lui, il est juste partie. Balayant presque quinze ans d'amitié. Juste... comme ça. Comme si ça n'avait pas compté. Comme si on a avait pas traversé toute notre adolescence et notre vie d'adulte aux côtés de l'autre. Comme si tout ce soutien, toute cette confiance, tous ces moments, ça n'avait pas vraiment eu d'importance a ses yeux alors que ça en avait eu aux miens. Que ça en avait vraiment eu aux miens.

Je sers encore plus mes doigts sous la cuisse de Ez. Alors que sa main effectue une petite pression rassurante sur mon épaule. Il me dit qu'il est là. Qu'il ne me lâche pas.

J'attends la suite. J'attends la réponse de Tim. Quelque part, j'ai espoir qu'il démente toutes mes peurs. Qu'il nous dise les bons mots. Je sais qu'on le reprendra. Je ne pourrais pas le laisser là. Il est là. Je ne le laisserai pas filer. Mais j'ai besoin d'entendre de sa bouche les bons mots, même si je sais pas encore lesquels ils sont.

Il fini par se lancer lui aussi. Laissant s'exprimer ce qu'il a en dedans. « J’pouvais pas mettre les raisons sur papier, encore moins vous les dire en face. C’était tellement mêlé dans ma tête. J’y trouvais pas vraiment le sens, moi non plus. J’avais pas envie que vous cherchiez à trouver d’autres solutions, que vous cherchiez à m’raisonner. Je sais que j’vous ai sorti cette bombe-là, le matin-même, sans vous donner le temps de réagir ou d’poser vos questions. Je sais que c’était injuste, égoïste et lâche. Mais j’savais que si j’prenais le temps, je risquais de ne pas partir … Mais je le voulais. Vous êtes mes amis. Ezra, Lou, vous êtes mes meilleurs amis. Vous me connaissez. Mieux que n’importe qui. Vous savez que j’ai du mal à parler d’moi, à parler de c’qui va pas. C’est pas que j’ai pas confiance. Je sais que vous m’auriez écouté, que vous m’auriez soutenu. Je sais juste pas comment faire ça... J’ai pas vraiment d’attente. J’viens juste vous dire que je suis là, que je vous aime, que j’vais essayer, à tous les jours, de me rattraper. Par tous les moyens que vous voudrez bien accepter. »

On écoute sa tirade. On écoute ses mots. J'écoute chacun d'eux. Les laissant s'imprégner. Les laissant mijoter. J'ai besoin de quelques secondes pour placer mes émotions. Pour que ça prenne un sens sans ma tête. Je mords ma lèvre inferieur, nerveuse. Je prends une grande inspiration, essayant de chassez le trémolo dans ma voix, sans vraiment y arriver. « Je... » Je cherche mes mots. J'ai tellement de chose à dire et en même temps, j'ai du mal à aligner mes idées. Mais je sais que c'est mon tour. Ezra le laissera jamais revenir si je ne dis rien. La boucle ne sera jamais boucler, je le sais. Mais je sais aussi qu'une fois lancé, ça va être pire qu'une powergastro. Je pourrai pas arrêté avant d'avoir terminé. « Je t'aurais jamais empêché de partir. Même si tu nous l'avais dit. Quelque part, je comprends ton besoin d'avoir foutue le camp. Cette partie là, je la comprends. C'était dernière minute. C’était pas prévu.  Mais ça, ça va. Je le comprends. Ce que moi, j'ai dû mal a accepter, c'est l'absence de nouvelles. T'aurais pu, au pire, juste nous envoyer une foutue lettre. Hey les copains, je suis pas mort. Je bronze au soleil. Je vous redonne des nouvelles plus tard. T'étais même pas obligé de nous expliquer. Justement, on te connais, on le sait que t'as du mal à parler de tes émotions et on t'aurait jamais poussé si tu ne le voulais pas. Notre amitié n'a jamais été comme ça... Mais, non. T'as juste disparus du radar. Balayant notre amitié et tout ce que je pensais qu'on avait construit, comme si c'était rien sous le tapis. Imagine-toi à ma place deux secondes Tim. Tu connais mon histoire. Tu sais que ma mère est morte. Que Gloria est morte. Que mon père est mort. Et maintenant que Clara est morte. Tu sais que j'ai une peur bleue de perdre les gens que j'aime et là, tu as un cancer. Je suis terrorisée a l'idée que tu crèves toi aussi. Comme tous les autres. Mais je reste avec toi, je suis forte, pour notre relation, parce que je t'aime... et puis... je te perds quand même. Tu disparaîs. Sans te retourner. Sans nouvelle. T'aurais aussi bien pu avoir une récidive, ou pire, être mort, on aurait été les derniers à le savoir. J'étais morte d'inquiétude. Au début, j'ai espérer que tu reviennes. J'ai espérer que tu nous donnes des nouvelles. Mais au bout de la deuxième année, j'ai arrêté d'y croire, et j'ai commencé à faire le deuil de toi. De notre amitié.  De notre relation. Et honnêtement,  je pensais que mes émotions étaient moins vives. Je pensais que j'avais fait la paix avec tout ça. Mais en te voyant sur le pas de notre porte, j'ai compris que ce n'était définitivement pas le cas. Je suis encore blessée. Même si je t'aime encore. En te voyant, je savais pas si j'avais envie de te baffer ou de te sauter dans les bras. » Je reprends mon air, parce que je réalise que je n'ai pas vraiment respiré tout au long de ma tirade. « Maintenant que ça, c'est dit. T'as encore une chambre. T'es encore le bienvenue. Mais j'te jure, si tu nous refais un truc du genre, je coule ton foutu bateau avec toi dessus, c'est clair ? » Je me lève du sofa, les larmes au coin des yeux et je vais le serrer fort, probablement trop fort, dans mes bras.