(leyang) until it all becomes ashes

07/2024 Maison Weatherton

La vie reprend déjà son cours à Bristol, comme s’il n’avait pas participé au plus célèbre Gala de charité il y a à peine deux mois à New York et effectué une percée toujours plus folle dans le monde de la mode. Son premier Met, Eddie ne risque pas de l’oublier et sa reconnaissance envers James se trouve être éternelle, car les opportunités n’en finissent plus de tomber du ciel depuis la signature de ce fameux contrat dont il était bien loin d’imaginer la portée. La prochaine étape, le jeune père est même incapable de prédire ce qu’elle sera mais il n’a comme qui dirait pas vraiment le temps d’y songer, car beaucoup de choses n’attendent pas ici non plus. S’il doit repasser à Weatherton au cours de la semaine, ce sont pour le moment ses projets au théâtre qui y retiennent Eddie alors que les répétitions pour le dernier grand show de la compagnie s’intensifient. Le disco est à l’honneur comme en témoignent les différents décors et l’immense boule à facettes que l’on installe encore, celle-ci ne manquant pas de capter son œil lorsqu’il s’octroie un court moment à l’extérieur pour y contacter sa sœur. Callie garde Sasha aujourd’hui et il tient à s’assurer que tout se passe pour le mieux, la confiance accordée à la benjamine Yang par son ex-compagne restant au moins inchangée à côté de tout ce que le mois de janvier a pu leur arracher. Eddie ne cessera jamais de faire de son fils une priorité, particulièrement soucieux que ce dernier ne souffre pas d’une situation ô combien compliquée car ses parents vivent toujours ensemble, oui, mais le bonheur qui caractérisait autrefois la petite famille n’est pas une chose que Sasha peut encore pleinement ressentir. Et tandis qu’il grandit de jour en jour, Eddie s’inquiète du modèle qui lui sera donné ainsi que des questions qu’il finira par leur poser, tout autant de craintes et de doutes partagés à Callie dont la voix cherche déjà à le rassurer depuis l’autre bout du fil. Un soupir passe après ça la barrière de ses lèvres lorsqu’il met fin à l’appel, s’apprêtant à repasser les portes du théâtre sans imaginer que l’imminence d’une rencontre va l’en empêcher. Il ne perçoit rien du danger qui s’invite, pas plus qu’il ne voit venir ce type à l’allure imposante dont les pas déterminés semblent tout droit de diriger vers lui. Eddie a alors tout juste le temps de saisir la poignée qu’une force inédite le tire à deux mètres de là, sans qu’il ne puisse y opposer l’ombre d’une résistance. « Hey oh, doucement. » Il n’a pas la moindre idée de ce qui peut se tramer mais pense avant tout à son costume, dans un ordre des choses prouvant bien qu’Eddie n’est pas du genre alarmiste ni franchement habitué à se retrouver malmené ainsi.

L’inconnu dont il découvre enfin le visage lui agrippe fermement le bras avant d’attraper son cou, bousculant le danseur assez fortement pour que son dos heurte le mur et pour que sa chemise se déchire au niveau de son col, jusqu’à faire voler les sequins qui ornaient l’encolure de sa veste. « Écoute-moi bien. » Le type vient aussitôt planter un regard noir dans le sien et l’intensité de ses yeux est certainement une chose que le jeune père n'est pas près d'oublier. Qui est-il au juste, un déséquilibré ou bien quelqu’un aux sombres intentions qui a à l’inverse toute sa tête ? Tout ceci est en tout cas très nouveau pour le grand pacifiste qu’est Eddie, lui qui a toujours rejeté la moindre forme de violence par principe car ce n’est pas ainsi que l’on règle un problème selon lui. Face au type, il garde par ailleurs le silence en ne pouvant pas tellement nier que sa puissance et son allure lui donnent envie de s‘écraser, son regard se chargeant de questionner celui-ci quant à ce qu’il peut lui vouloir ou bien encore lui reprocher. Et sa réponse, Eddie ne tarde pas à l’obtenir. « Tu la regardes plus et tu lui adresses plus la parole, t’as compris ? Qu’on vienne surtout pas me raconter que tu t’es encore permis de l’insulter. » Oh, des menaces ou tout du moins ce qui y ressemble. Il n’y est pas le moins du monde sensible en temps normal mais cette fois, Eddie évitera d’y répondre avec toute la contradiction qui est la sienne car ce mec est sérieux, il lui suffit de l’écouter comme de l’observer pour s’en convaincre. « Parce que tu sais très bien de qui je veux parler. » À cet instant, non, pas vraiment pour ainsi dire. S’il a bien quelques inimitiés dans cette ville, le jeune père ne voit pas qui peut l’avoir à ce point mauvaise contre lui. Ça ne peut pas être Halston, il n’y croit pas une seule seconde et c’est pourtant bien le seul nom qui lui vient en tête, c’est dire. « La prochaine fois j'hésiterai pas à éclater ta jolie petite gueule, t’es prévenu. » Et il le croit, jusqu’à même s’étonner que le type se soit contenté de le bousculer avant de déguerpir et ce, même si son dos est plus douloureux qu’il n’oserait l’avouer. Son bras aussi, à moitié tordu par l’approche tout sauf délicate de l’inconnu et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas le seul que tout ceci a pu choquer. Une collègue sortie elle aussi pour une pause cigarette accourt vers lui, témoin indirecte d’une scène qu’on ne voit franchement pas souvent par ici. « Tout va bien Eddie ? C’était qui ce type ? » Un dingue, c’est la seule chose qu’il sache présentement en dire car son visage ne lui a pas évoqué l’ombre d’un souvenir. Eddie n’a pas le sentiment de le connaître mais ils semblent être liés par une même personne, dont l’identité lui reste encore à découvrir. « J’en sais rien mais mon costume est fichu. » il déclare dans un soupir de plus, tentant comme il le peut de cacher que cette rencontre l’a sérieusement secoué alors que sa voix fait aussi de son mieux pour ne pas trembler. Il ne dirait pas qu’il a eu peur ou disons, pas pour lui car c’est à son fils qu’Eddie a songé en se demandant dans quel état il serait amené à le retrouver. Son cœur peine à renouer avec un rythme normal tandis que son ventre se tort face à tant de zones d’ombre, et dire qu’il pensait jusqu’ici que sa tranquillité au travail était la seule qu’on ne pourrait pas lui enlever.

Comment ce type a d’ailleurs su où il pourrait le trouver, c’est un mystère qu’Eddie se jure d’élucider durant les heures qui suivent avant qu’un autre collègue ne s’emploie à le rejoindre devant la machine à café. Il prétend connaître l’homme qui l’a agressé et pour cause, celui-ci aurait autrefois revendiqué une certaine notoriété et c’est le premier indice que le danseur se charge de récolter avant de poursuivre cette petite enquête lui-même. Tout devient alors de plus en plus clair et c’est notamment le cas pour la fameuse connexion qui lui manquait, lui permettant d’établir un lien concret entre cette brute épaisse et une jeune femme qu’il savait sadique, oui, mais tout de même pas à ce point. Il n’est pas du tout un fin connaisseur en matière de boxe Eddie mais d’autres n’ont apparemment pas manqué l’heure de gloire du dénommé Reeves, et c’est assez drôle de fouiller l’instagram de cet ancien champion pour y découvrir les commentaires mielleux au possible d’une certaine Lewis – pathétiques s’il osait même dire, mais là n’est pas le sujet. Le voilà donc, son lien avec ce type puisque c’est de toute évidence la maudite photographe qui l’a missionné de lui tomber dessus. A-t-elle aussi demandé à ce qu’il le bouscule et le menace ? Tout ça, Eddie le saura bien assez vite car tandis qu’il s’est accordé un petit temps pour se renseigner selon un conseil avisé de sa meilleure amie, deux jours après c’est décidé : il va avancer sa venue à Weatherton pour confronter Zoya, refusant de remettre cette histoire à plus tard alors qu’elle a incontestablement dépassé les bornes ainsi que la ligne rouge qu’il ne pensait pas avoir besoin de tracer. À la première heure ce matin-là, Eddie est déjà en route et on ne l’a sûrement jamais vu dévaler les couloirs de la Maison de Haute-Couture d’un pas aussi vif, prenant sans attendre la direction du studio photo où il espère bien la trouver. Et bingo, se dit-il. « T'es allée beaucoup trop loin cette fois, Lewis. » il annonce en se fichant bien de l’interrompre et lui prend même son appareil des mains pour éloigner ce dernier, sous-entendant qu'elle ne pourra pas prétexter travailler pour éviter cette discussion qui s’impose. Il n’est pas d’humeur à plaisanter ni disposé à subir ses intimidations sans broncher, alors au diable les paroles de ce type qui lui interdisait de lui parler comme de la regarder. « C’était ton œuvre avant-hier, je le sais. » Lui, accuser sans preuves ? Au contraire, bien trop d’éléments jouent actuellement contre elle. « Envoyer ton mec pour m’agresser et me menacer, c’est vraiment à ça que tu veux jouer ? » Il n’a rien dit lorsqu’il pouvait se sentir observé et cela à plusieurs reprises depuis le début de ce conflit l’opposant à la Lewis, tout simplement incapable de prédire que celui qui l’a probablement surveillé de près finirait par se montrer aussi frontal et agressif. Toutes les connexions ont enfin le mérite d’être faites et Eddie ne l’entend évidemment pas de cette oreille, car qui croient-ils être tous les deux ? Il pourrait porter plainte et l’envisage peut-être même, aussi bien contre lui que contre elle. « T’es quand même au courant qu’on est pas dans un film ? Je sais pas à quel moment t'as pu te dire que c’était normal. » Ça ne l’est pas de mêler une autre personne à leurs histoires, et ça l’est encore moins d’envoyer celle-ci régler ses comptes avec lui à sa place. En plus d’être sacrément lâche, Zoya est encore plus mesquine qu’il ne l’avait cru au départ alors cette fois, Eddie ne sera peut-être pas celui qui parviendra à rester calme. Et tout ça, en ignorant que le malotru s’est de son côté déjà fait la malle à l’autre bout du pays car en voilà assurément un autre, de lâche.

07/2024 Maison Weatherton

Ca va, Zoya? T’es sûre ?T’as l’air fatiguée, tu devrais aller prendre une pause. Ou la, toi, tu as passé une nuit compliquée !. Les commentaires vont bon train, tout comme les interrogations face à une Zoya presque limpide, ce qui ne lui ressemble en rien. A Weatherton, elle est celle qui passe bien plus souvent pour l’explosion d’émotions, dans ses meilleurs jours comme le rayon de soleil qui vient égayer une longue et pénible journée de shooting et dans ses plus mauvais, des éclats de voix qui, même s’ils laissent perplexe, peuvent amuser au vu du caractère bien trempé de la Lewis. Aujourd’hui, pourtant, elle n’a rien de tout cela, totalement éteinte, faisant preuve d’un calme que personne ne lui a encore jamais connu. Pourquoi? Ca, tous l’ignore et ce n’est pas elle qui leur fera part de ce qui la rend aussi morne parce qu’elle ne souhaite pas en parler. Ce fut pénible pour elle de faire le chemin jusqu’ici, se demandant à plusieurs reprises si elle ne ferait pas mieux de se faire porter pâle. Mais ses proches l’ont incité à aller travailler pour ne pas broyer du noir alors que son chagrin est immense.

Quarante-huit heures ou deux jours, voilà le temps qui s’est écoulé depuis qu’elle n’a plus eu de ses nouvelles. Un simple bout de papier laissé là, sur la table de son salon, pour lui expliquer qu’il partait et qu’il ne fallait surtout pas qu’elle le cherche, voilà la seule explication à laquelle elle a eu droit de sa part alors qu’il a décidé de prendre la fuite. Elle ignore pour quelle raison, elle ignore s’il est parti par sa faute, elle ignore s’il a des ennuis. Tentant de le joindre à de bien trop nombreuses reprises, tous ses appels et ses messages sont restés sans réponse encore à ce jour. Il faut qu’elle se fasse une raison, Mickey est parti pour de bon et, des nouvelles de sa part, elle n’en aura plus mais c’est quelque chose qu’elle refuse. Encore ce matin, en se réveillant, ses pensées n’étaient que pour lui et elle n’a pu résister à l’envoi d’un énième sms dans l’espoir qu’il finisse par céder. En vain. Pourtant, c’est un cri du coeur qu’elle lui a livré, lui disant qu’il lui manquait et qu’il ne pouvait pas la laisser après tout ce qu’ils ont vécu et traversé ensemble. Elle l’a même supplié, encore et encore, lui signifiant à quel point elle avait besoin de lui et n’a pas manqué aussi de lui rappeler que lui-même avait besoin d’elle. Parce qu’ils sont devenus dépendant l’un de l’autre, s’apportant, à ses yeux, le meilleur et une stabilité sur laquelle ils ne comptaient plus respectivement dans leur vie et c’est tout ça qu’il balaye d’un revers de la main en un rien de temps, ayant pris cette décision, seul, comme un égoïste. Pourtant, s’il réapparaissait à cet instant, elle serait prête à oublier sa fuite et lui pardonner, mais il est certain qu’elle s'agrippait à lui telle une sangsue pour ne plus jamais lui permettre de disparaître.

Ses pensées sont parasitées par lui et son départ, au point qu’elle ne prête aucune attention à la furie qui arrive droit sur elle. C’est à peine si elle se rend compte que son appareil photo lui est arraché des mains, la preuve, elle n’a presque aucune réaction, se retournant vers celui qu’elle ne peut normalement pas se voir en peinture.  « T'es allée beaucoup trop loin cette fois, Lewis. » Prise au dépourvue et surtout dans l’incompréhension la plus totale, Zoya sort toutefois de sa léthargie, ses sourcils se fronçant alors qu’elle tente en tendant le bras de reprendre son appareil des mains d’Eddie Yang. “De quoi tu parles, Yang?!” « C’était ton œuvre avant-hier, je le sais. » Avant-hier? Elle ne se souvient de rien en particulier qui aurait pu se passer ou, du moins, qu’elle aurait pu faire pour le rendre visiblement aussi cinglé qu’il ne peut l’être d’habitude et, à nouveau, elle tente de reprendre son appareil “Fais pas chier, je sais même pas de quoi tu parles, rends-moi mon appareil”. Si d’habitude, elle est celle qui se donne en spectacle en surréagissant et lui qui, pourtant, est le premier à lui faire la leçon de morale parce qu’il n’est pas correct d’afficher leurs différents entre les murs de la célèbre maison de couture, il semblerait qu’aujourd’hui, il fasse exception à sa propre règle. Que James ne vienne pas lui dire que c’est elle la fautive, cette fois.  « Envoyer ton mec pour m’agresser et me menacer, c’est vraiment à ça que tu veux jouer ? » Elle se fige. Zoya se fige dès l’instant où Eddie prononce ton mec, cessant d’essayer de récupérer son appareil et plantant son regard dans celui du soi-disant mannequin. « T’es quand même au courant qu’on est pas dans un film ? Je sais pas à quel moment t'as pu te dire que c’était normal. » “Quand est-ce que tu l’as vu? Et où?”. Ce sont les premières questions qui lui viennent à l’esprit, ne cherchant même pas à savoir ce que Mickey aurait pu faire ou ne pas faire à Eddie car voilà bien qu’elle s’en contrefout. Pour l’heure, il n’y a que le sort de son petit-ami qui l’intéresse. “Et qu’est-ce qu’il t’a dit?”. Est-ce qu’Eddie sait quelque chose qu’elle ignore? Est-ce que c’est parce qu’il a été trouvé Eddie qu’il a décidé de partir? Les questions sont nombreuses dans sa tête et à défaut de pouvoir les poser au principal intéressé, c’est au Yang qu’elle les pose - il n’y comprendra sûrement rien d’ailleurs. “J’espère que tu as pas été le balancer aux flics!” Et cette fois, son air se veut plus menaçant et d’ailleurs, elle avance d’un pas, brandissant son index comme un avertissement qu’elle lui donne, le sommant de répondre par la négative parce que si elle apprend qu’il a pris la fuite à cause d’une quelconque interaction avec le Yang, elle l’étripe sur place.