(eddon #31) my greatest fear of all is losing you

octobre / 2024 S’il existaient bien des dates qu’Halston n’oubliait jamais, il s’agissait bien de celles des anniversaires des personnes qui comptaient le plus pour elle. Elle était généralement dans les premiers à les souhaiter en s’y attelant de bon matin, mais écrire des messages ne lui suffisait pas, elle envoyait également des cadeaux à ceux qui se trouvaient trop loin d’elle quand elle n’avait pas la possibilité de les donner en personne. C’était ce qu’elle avait fait pour le dernier anniversaire de son petit frère, mais cela lui avait fait mal au cœur de ne pas avoir fait le déplacement pour lui. L’américaine avait dû faire un choix entre un Sasha âgé de seulement quelques mois et lui, il avait été hors de question pour elle de l’amener dans un avion alors qu’il était aussi petit et fragile. La brune s’était excusée auprès de lui, même s’il était probablement la personne la plus compatissante qu’elle connaissait, elle lui avait promis qu’elle se rattraperait l’année suivante, ce qu’elle fit en réservant des billets d’avion. Un déplacement qui allait être une épreuve malgré que son fils soit plus âgé à présent, elle en avait conscience, mais elle avait confiance en Eddie pour qu’il s’en occupe au mieux en son absence. Elle avait démultiplié les photographies et vidéos de sa progéniture, afin de pouvoir l’admirer autant qu’elle en aurait besoin une fois qu’elle se retrouverait dans son long courrier, elle comptait bien lui parler et le voir à distance une fois qu’elle se retrouverait à Los Angeles. C’était dans des moments comme celui-ci qu’Halston était soulagée d’avoir une relation plus apaisée avec le père de son fils, duquel elle s’était progressivement rapprochée ces derniers mois. Qualifier leur rapprochement de progressif alors qu’ils s’étaient retrouvés dans les mêmes draps juste avant le début de l’été pouvait paraître étrange, encore plus lorsque l’on savait que l’expérience avait été réitérée, mais cela n’avait pas signé de réconciliation en bonne et due forme. Ils pouvaient s’avérer extrêmement proches dans l’intimité de leur ancienne chambre commune, mais ils ne l’étaient pas devant leurs proches, pas même devant Sasha et cela voulait tout dire. Ils n’avaient pas recommencé à dormir ensemble parce que cela signifierait qu’ils étaient de nouveau un couple officiel, alors qu’Halston était encore beaucoup trop perdue pour envisager cette option, elle s’était donc transformée en une funambule qui marchait sur le fil de l’ambiguïté, sans jamais aller jusqu’au bout de celui-ci.
 
L’américaine pensait qu’elle allait pouvoir remettre ses idées en ordre une fois qu’elle se retrouverait seule et au calme, ce qui n’était plus qu’une question d’heures, puisqu’elle se trouvait actuellement à l’aéroport. Elle était assise sur un banc au beau milieu des autres passagers, qui paraissaient presque tous accompagnés, parce qu’ils étaient pour la plupart en pleine discussions avec leurs voisins. Halston mentirait si elle disait que cette observation ne la faisait pas se sentir seule, mais elle savait qu’il lui serait bénéfique de ne pas avoir d’autre choix que de se retrouver avec elle-même. Les deux seules sources de distraction à sa disposition étaient son portable et le livre ouvert qui se trouvait sur ses genoux. Elle avait apporté une œuvre littéraire qui abordait la complexité de la vie de couple, comme si elle avait inconsciemment choisi de remuer le couteau dans la plaie. La brune avait été pourtant agréablement surprise par la profondeur des réflexions amenées par son roman, car elles l’amenèrent à s’interroger sur ses propres sentiments. Elle avait relevé sa tête pour mieux se focaliser sur ses pensées. Alors qu’elle s’apprêtait à se replonger dans sa lecture, une voix annonça que l’embarquement allait bientôt commencer. L’introspection de l’américaine en fut subitement avortée, elle se leva et fit rouler sa valise derrière elle et se plaça dans la file d’attente. Les voyageurs commencèrent à rejoindre la piste de vol, elle présenta son billet et sa pièce d’identité, avant de suivre leurs pas. Elle cessa de s’avancer juste avant l’ouverture de la porte automatique, lorsqu’elle crut entendre son prénom. Il avait été crié par un homme, qui fut observé par les passagers qui détournèrent leurs têtes en sa direction. Observer autant de personnes se détourner leurs regards de leur chemin, lui fit comprendre qu’il ne s’agissait pas d’une hallucination de sa part. Elle fit de même et découvrit la présence d’Eddie. Les yeux de l’américaine s’écarquillèrent, elle n’arrivait pas à croire qu’il se trouvait à côté d’elle, à bout de souffle. Il lui avait tout l’air alarmé, son rôle de mère la poussa à imaginer qu’il était arrivé quelque chose à Sasha, parce qu’il requérait qu’elle reste ici. « Que s’est-il passé ? Est-ce que Sasha va bien ? » S’empressa-t-elle de demander. Il lui pria de ne pas monter dans cet avion, ce qui la perturba davantage. Qu’est-ce qui pouvait bien se cacher contre ce souhait soudain de la voir manquer ce décollage imminent ? Elle l’encouragea à s’écarter avec elle afin de ne pas gêner les autres. « J’ai besoin de savoir pourquoi tu me parais aussi affolé. » Il avait visiblement tout donné pour la rejoindre avant qu’elle ne puisse mettre un seul pied dans l’appareil. Quelque chose s’était forcément produit, il n’était pas venu ici sur un coup de tête. « Pourquoi devrais-je rester ici ? » Alors qu’Hartley attendait son débarquement avec impatience, tout du moins c’est ce qu’elle croyait fermement. Halston se suspendit à ses lèvres, qu’allaient-elles lui dire d’assez important pour la pousser à ne pas quitter Bristol ? Elle se mit égoïstement à désirer qu’il n’était là que pour elle, pour lui délivrer une déclaration qui changerait tout, qui la ferait basculer vers une fin heureuse. La brune était loin d’être insensible à cette tentative de l’empêcher de partir à plusieurs milliers de kilomètres de là, elle cachait une grande signification, elle en était tout bonnement certaine.

octobre / 2024 Les pieds d’Halston ne foulaient quasiment plus le sol de cet aéroport, plus les années passaient et plus ses voyages se raréfiaient. La brune se souvenait de cette première année difficile en Angleterre, des doutes qui l’avaient submergés, de ce mal du pays qui l’avait consumé physiquement. Une affliction dont la propagation avait ralenti lorsqu’une personne était rentrée dans sa vie. Elle n’avait pas cru qu’il finirait par faire partie de son quotidien, encore plus après avoir disparu de son paysage pendant plusieurs mois et malgré tout, il était revenu toquer à sa porte, Eddie l’insolent. La bouche en cœur, il était venu lui demander du travail, parce qu’il manquait cruellement d’argent à cette période de sa vie, cela l’avait rendu prêt à faire autre chose que de la danse. Halston était frappée par une certaine nostalgie dès que ses yeux quittaient les pages de son livre. Ils avaient eu leurs lots de difficulté à cette époque et pourtant, la magie des débuts lui manquait. La sensation d’avoir des papillons qui s’agitaient dans son ventre, brûler d’impatience à l’idée de le revoir, de savoir si l’attirance était réciproque. Toute cette incertitude n’avait rendu la suite que plus belle, avait donné lieu à un véritable feu d’artifice lorsque l’alcool leur avait donné le courage qui leur manquait à tous les deux. Elle se mit à glousser doucement sur son siège, lorsqu’elle se rappela de la réaction de Diana lorsqu’elle débarqua le lendemain matin et comprit qu’elle avait couché avec un petit jeune séduisant, au sein dans la maison qu’elles partageaient toutes les deux. La Sadler avait été fière de son amie, alors que la Hargreeves était honteuse de ne pas avoir pu rendre cela secret, au moins le temps de remettre les choses en place dans son esprit. Halston était incrédule face au fait que plusieurs années s’étaient écoulées depuis, elle ne les avait pas vu défiler grâce aux compagnies d’Eddie et de Diana, qui étaient indéniablement ses deux piliers en Angleterre. Est-ce qu’elle devait conjuguer cette phrase au passé ? La rousse était encore indispensable pour elle, une amie sur laquelle elle pouvait toujours compter, tandis que le père de son fils était une colonne chancelante. Elle ne se voyait pas élever Sasha sans lui, mais pourrait-elle de nouveau en faire un compagnon ? Est-ce qu’elle était en mesure de lui refaire confiance ? Elle était fatiguée de se battre continuellement contre elle-même, de ne pas cesser de se demander si elle était vraiment la femme qu’il lui fallait, si avancer dans l’âge n’allait pas finir par créer un fossé qui les éloigneront. Un abîme qui n’était qu’imaginaire, les onze ans qui les séparaient ne les avaient jamais empêché de s’entendre, de se comprendre, de s’amuser. Ils étaient encore capables de rejoindre le septième ciel ensemble, malgré un corps modifié par une grossesse, mais surtout sans ressentir de lassitude, l’attraction restait forte et le plaisir incommensurable. Elle ne devrait pas se remémorer leur dernier moment ensemble avant d’embarquer dans son avion, elle secoua légèrement sa tête et fut rappelée à l’ordre par la voix de l’hôtesse de l’air qui se mit à résonner.
 
Le regard de l’américaine changea, présenter son passeport au personnel de l’avion sembla la rendre déterminée à y monter, mais le monde l’empêchait de rejoindre l’extérieur rapidement. Il s’agissait d’une véritable aubaine pour son ex-fiancé, qui avait donné tout ce qu’il avait pour la rejoindre avant le moment fatidique. Une vision qui fut troublante et inquiétante, elle ne l’avait pas vu dans un tel état depuis longtemps. Qu’est-ce qui avait bien pu se passer pour qu’Eddie - qui était constamment affairé - puisse mettre ses occupations sur pause ? Pourquoi était-elle l’objet de sa course contre la montre ? Le cœur de la Hargreeves se serra quand elle s’imagina qu’il était arrivé quelque chose à Sasha, elle décida de l’interroger rapidement sur lui. Il se portait bien, elle soupira intérieurement et quitta son regard quelques secondes, avant de s’y replonger. Il réquerit toute son attention, pour lui délivrer la mystérieuse raison qui l’avait poussé à venir ici. Elle sentit qu’il n’avait pas terminé de parler, elle resta silencieuse et l’entendit prononcer le prénom de son petit-frère. Les sourcils de la brune se froncèrent, pourquoi son cadet faisait-il partie de l’équation ? Elle n’avait même pas envisagé qu’ils seraient encore en contact, alors qu’elle lui avait fait part de sa décision de rompre les fiançailles suite à une tromperie. Halston ne remettra pas en cause son récit, elle était interloquée, mais elle savait que la bonté d’Hartley ne connaissait pas de limites, que contrairement à Hector, il ne chercherait pas à le détruire, qu’il y ait des preuves probantes de sa faute ou non. Le benjamin des Hargreeves craignait que sa mère ne complote quelque chose, elle le savait assez observateur et sensible pour saisir des choses que leurs aînés ne verraient pas. « Qu’est-ce qu’elle a fait ? » Demanda-t-elle, cette phrase lui conférait une certaine appréhension. Est-ce qu’Harriett avait causé du tort à son frère ? Est-ce qu’elle avait essayé de le mêler à quelque chose ? Il était possible qu’elle tente d’en faire sa marionnette, mais dans quel but ? Elle espérait qu’il n’était pas tombé dans son jeu. Eddie continua de délier sa langue, il lui apprit que sa mère cherchait des moyens de la faire revenir à Los Angeles. « Non. » La tête d’Halston se mouva dans tous les sens, elle n’arrivait plus à se confronter à ses yeux. Elle refusait catégoriquement de croire que sa mère était encore persuadée de pouvoir la manipuler, comme si elle était une enfant alors qu’elle allait entrer dans la quarantaine l’année prochaine. « Non. » Qu’elle répéta, humiliée qu’une telle information lui parvienne. Elle releva sa tête, elle observa Eddie et se demanda ce qu’il pouvait en penser, elle avait pourtant un indice de taille, sa venue lui indiquait qu’il croyait Harriett capable de parvenir à ses fins. Le père de son fils la sonda, est-ce qu’elle allait se fier à Hartley ? Allait-elle penser qu’il avait tissé des mensonges pour la retenir à Bristol ? Eddie ne lui avait jamais paru fourbe avant cette année, le seul coup déloyal qu’il lui avait fait était de ne pas avoir énoncé clairement à Ruby qu’il était fiancé et père. Il avait fait un mensonge par omission, mais elle ne le voyait pas en faire monté de toutes pièces, encore moins en usant du nom d’un de ses proches sans qu’il ne soit réellement impliqué, puisqu’elle pouvait facilement vérifier la véracité de ses propos. « Je te crois. » Elle se pinça les lèvres, elle jeta un oeil à l’avion et croisa ses bras. « Je ne veux pas lui donner cette satisfaction. » D’aller se jeter dans la gueule du loup en connaissance de cause. « Mais je vais m’en vouloir de ne manquer une nouvelle fois l’anniversaire de mon frère. » Elle afficha une mine abattue. « Cependant... s’il t’a parlé de tout ça... c’est... » Parce que son bonheur était plus important que tout le reste à ses yeux, cette absence d’égoïsme la touchait profondément. « Qu’il me fait passer avant lui... » Hartley était un ange, il le démontrait encore et encore. « Qu’il  croit encore en nous. » L’éternel optimisme de son cadet allait probablement rayonné sur elle. « Toi aussi, tu y crois encore, pas vrai ? Tu n’aurais pas fait tout cela dans le cas inverse. » Elle avait besoin de l’entendre, là, maintenant, tout de suite, elle devait absolument renoncer à son désir de prendre cet avion de tout son être. Halston exhortait de devenir captive de son amour pour lui, de retrouver un ancrage solide à l’Angleterre, même s’il n’avait pas été question de  la quitter plus que quelques jours. Elle ne voulait pas que cette envie ne finisse par germer en elle, réduire à néant tout ce qu’elle avait bâti ici et renoncer à lui.