(harlan) hold yourself steady, whenever you're ready.

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@Harlan Jeffries ☆ Reed Donnelly

gifs by (c) harley et (c) sappheire

09/2024 University of Bristol

Les rentrées universitaires n'étaient peut être pas aussi imprévisibles que des expéditions archéologiques sur le papier, mais elles s'accompagnaient toutes du même sentiment d'inédit pour Reed, qui bien que n'en étant plus à prendre ses marques sur le campus se sentait encore certaines fois comme un poisson hors de l'eau. Enseigner lui plaisait profondément et sur ce point, il n'avait pas le moindre doute sur le fait que cette reconversion lui corresponde. Mais il lui était encore facile certains jours de se sentir dépaysé lorsqu'il se comparait à certains de ses confrères, pour qui ces lieux et ces réunions interminables n'avaient plus le moindre secret et étaient même sans doute dénués de la moindre surprise, quand une part de lui ne pouvait lutter contre le sentiment d'avoir encore beaucoup de choses à intégrer même au bout de sa quatrième rentrée en tant que professeur. Avoir Harlan à ses cotés était un luxe que Reed savourait au quotidien, l'idée de partager son lieu de travail avec l'un de ses amis les plus proches étant déjà rassurant à plus d'un titre, mais plus encore quand tout ça était indéniablement plus familier pour Harlan que pour lui. Dieu seul sait s'il ne serait pas encore entrain de se repérer maladroitement dans les couloirs ou s'il n'aurait pas continué d'appeler la jeune femme de la bibliothèque par le mauvais prénom s'il n'avait pas été là pour lui faciliter les choses à son arrivée. Harlan était devenu une constante à l'université en même temps qu'il était redevenu une constante dans sa vie, et mesurer la chance qu'il avait eu de renouer avec lui après ces quelques années de silence lui faisait apprécier encore davantage de partager une rentrée de plus avec son ami. Et ça, pas seulement parce qu'ils n'avaient généralement besoin que d'un regard pour se comprendre et pour partager le fil de leurs pensées, notamment lorsqu'une réunion tendait à s'éterniser et que la perspective qu'elle touche à sa fin viendrait presque leur mettre du baume au cœur. Une chose est sûre, rarement Reed avait été aussi soulagé de pouvoir se lever d'une chaise et se dégourdir les jambes.

« C'est qu'une impression ou la réunion de pré-rentrée est un peu plus longue chaque année ? » Il souffla avec un brin d'amusement dans la voix lorsque la salle commença à se vider, une fois certain d'être suffisamment à l'écart des autres pour ne pas risquer qu'une oreille indiscrète intercepte cette partie de leur échange. Il y avait des choses qu'il partageait avec Harlan que Reed serait incapable de partager avec la plupart de leurs collègues, tout simplement parce qu'il ne les connaissait pas depuis autant d'années ni même assez pour pouvoir anticiper leurs réactions. Et ça ne lui disait trop rien, d'être subitement vu comme celui qui allait à contre-sens du reste du groupe simplement parce qu'il était encore plus habitué au concret du terrain qu'à la théorie pure. Il n'avait enfilé le costume de professeur que depuis une poignée d'années et avait encore souvent le sentiment de devoir y faire ses preuves, alors ça lui allait bien mieux de se faire oublier la plupart du temps ou de passer pour le type docile qui n'avait jamais vraiment d'avis sur rien. « Je vais finir par croire que le doyen s'est ennuyé de nous pendant ses vacances. » Il fallait reconnaître qu'il dépensait une énergie considérable pour faire en sorte qu'aucun point ne soit jamais oublié lors de ces réunions, ce qui était peut être une part du problème mais forçait malgré tout son respect. « J'espère que Selim et toi vous avez profité des tiennes comme il se doit. » Il reprit dans un sourire, loin d'ignorer que le jeune garçon prenait encore ses marques chez Harlan et que son arrivée avait forcément bouleversé un certain nombre de choses dans le quotidien de son ami, mais qu'il avait aussi été synonyme d'un grand bonheur pour ce dernier. Ce n'était pas sa fille Jade, qui n'avait pas manqué de sympathiser avec Selim au gré de leurs rencontres et par le biais des adultes qui dirait en tout cas le contraire. « Quant à nous, on irait pas boire un verre pour se remettre un peu les idées en place ? » Les tirades du doyen lui avaient donné un léger mal de crâne et tout ce dont Reed rêvait à cet instant, c'était de trouver un endroit sympa où oublier qu'ils étaient loin d'être au bout de leurs peines et où se raconter leurs vacances et tout ce qu'ils avaient respectivement raté. Il était même prêt à lui laisser choisir l'endroit, faisant confiance au jugement d'Harlan pour ça comme pour absolument tout le reste.

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@Harlan Jeffries ☆ Reed Donnelly

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09/2024 The Fisherman's Friend

On ne pouvait pas leur reprocher d'éprouver moins d'enthousiasme face à l'interminable discours du doyen qu'à l'idée de retrouver leurs salles de cours et leurs élèves, et ça même si ces réunions de pré-rentrée faisaient partie du package chaque année. « De nous je ne sais pas, mais du fait d’avoir une audience ? C’est certain. » L'idée prêtait à sourire alors qu'en vérité, il éprouvait une certaine admiration pour cet homme pour qui tout ça devait être aussi répétitif que pour eux. Quitter l'amphithéâtre leur offrait en tout cas l'occasion d'aborder des sujets qu'ils étaient impatients de mettre sur le tapis après ces vacances prolongées et alors que c'était une autre de leurs coutumes, de rattraper ce qu'ils avaient manqué. « On a passé un bel été, oui. Mes neveux sont venus passer deux semaines avec nous, et on a passé quelques jours à Paris au moment de les ramener … Darius a pu avoir des places pour le rugby à sept aux JO. » Reed s'attendait à ce que l'été d'Harlan et Selim ait été rempli et il n'était pas déçu, au contraire attendri à l'idée que son ami ait pu profiter de ces moments privilégiés avec le jeune garçon. Ses confessions lui tirèrent un sourire chaleureux. « Je me demandais si tu en profiterais pour rendre visite à ton frère, je suis content de voir que vous avez pu vous organiser. » Il savait qu'Harlan lui rendait visite dès qu'il en avait l'occasion, malgré tout il pouvait imaginer que ce voyage-là avait eu un goût particulier. « Paris en pleins JO, ça devait être bondé de monde, non ? Enfin, l'ambiance devait être incroyable, vous avez du vous amuser. » La seule idée de se retrouver dans une ville aussi vaste et remplie de monde lui aurait sans doute filé quelques angoisses, à lui. « Et toi ? Tu as réussi à rassembler toute ta tribu ? Je suis sûr que Lucas a encore pris dix centimètres depuis la dernière fois que je l’ai vu. » Il va sans dire que son fils grandissait trop vite à son goût, il ne serait pas celui qui irait dire le contraire. « Ça a demandé un peu d'organisation, mais on a pu se prévoir quelques jours tous ensemble, oui. Lucas déborde d'énergie et ne jure que par les ballons depuis des semaines, je suis sûr que ça lui ferait plaisir d'avoir un autre compagnon de jeu que moi à l'occasion. » Une façon pas si subtile de lui proposer de passer à la maison pour voir Lucas et, bien évidemment, de venir accompagné du jeune Selim si ce dernier était partant.

« Tu sais qui a beaucoup grandi, aussi ? Le fils de Sloane, c'est incroyable à quel point ils poussent à toute vitesse à cet âge. » Le petit Benjamin avait eu six ans et pour Reed qui le voyait grandir au rythme des dîners familiaux qu'il avait toujours à cœur d'organiser – et qui étaient toujours l'occasion de se familiariser avec la nouvelle famille de sa première épouse – ça avait quelque chose de précieux d'en être le témoin. A présent qu'ils prenaient la direction de l'extérieur et pouvaient mettre cette réunion interminable derrière eux, les deux amis avaient tout le loisir de faire des projets pour le soir-même, projets qui s'annonçaient un peu plus amusants que l'heure qu'ils venaient de passer. « J’avais déjà prévenu la nounou, je savais que ça finirait au bar. » A croire qu'ils se connaissaient tous les deux un peu trop bien pour ne pas avoir pressenti qu'ils termineraient la soirée dans un pub, Reed ayant lui-même confié Lucas à ses parents pour la soirée. « Je reconnais bien là ton coté prévoyant. » Non pas que ce programme ait grand chose d'inattendu lorsqu'on les connaissait un peu, même si la donne avait changé pour Reed depuis maintenant quelques mois. Il faut dire que sa dernière soirée du genre lui avait laissé un goût pour le moins troublant. Un goût qu'il essayait justement d'oublier.

« Le Fisherman’s ? Au moins on peut y aller à pied. » Ainsi, et alors qu'il avait réussi à s'enlever ces pensées de la tête, voilà qu'il se repassait le film de ce qu'il considérait toujours comme un immense point d'interrogation. « Oh, tu voulais... aller du coté d'Harbourside ? » Le quartier n'avait aucune importance, en réalité, et il avait effectivement l'intérêt d'être tout près. C'était l'endroit en lui-même, c'était tout ce qu'il représentait de troublant pour lui. « Enfin, là ou ailleurs si tu préfères … Tant qu’ils ont une bière sans alcool potable, tu sais bien que je suis pas difficile. » Et comme si ça ne suffisait pas, Harlan avait perçu son trouble et s'imaginait maintenant qu'il avait un contentieux avec cet endroit, ce qui l'amena à bredouiller une réponse à la hâte. « Non, non, le Fisherman's c'est très bien, je... j'avais juste peur que l'ambiance empire mon mal de tête, mais ça devrait être plus calme en semaine. » Et puisqu'il n'avait trouvé que cet argument pour expliquer que son visage ait changé de couleur, il s'empressa d'ajouter. « Ça ira très bien. » Il était hors de question qu'Harlan conserve le moindre doute et que ça finisse par peser au-dessus de cette soirée, alors Reed attendit à peine qu'ils se mirent en route pour demander, pressé de noyer le poisson. « Au fait, tu sais que je compte sur toi pour avoir amélioré ton français pendant l'été. Tu reviens de Paris, tu dois bien avoir appris au moins une ou deux injures, non ? » Il le taquina d'un sourire amusé, à peu près certain qu'il avait d'autres priorités pendant son voyage en France que de combler ses lacunes en français. Leurs pas les rapprochant pour de bon du Fisherman's, c'est lorsqu'il aperçut la devanture du pub que Reed sentit sa gorge se nouer. C'était idiot, ça n'était jamais qu'un pub où les collègues sortaient décompresser après une journée de boulot, ça ne devrait pas le mettre dans tous ses états. « On s'installe au bar ou on se prend une table ? » Puisqu'il n'avait aucune idée de l'option qui l'aiderait à calmer ses angoisses avant que celles-ci saisissent la première occasion pour ressurgir, il aimait autant lui laisser le choix.

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09/2024 The Fisherman's Friend

« Il n’y avait que des touristes et aucun français, Paris n’a jamais été aussi agréable, ah. » Une pensée qui lui arracha un rire bref, lui qui avait pourtant côtoyé assez de français au cours de sa carrière d'archéologue pour savoir que ces clichés se vérifiaient pour certains et beaucoup moins pour d'autres. Ce qu'il en pensait, lui, c'est qu'il n'y avait jamais de fumée sans feu mais que tout ce qui n'était pas vérifiable par des faits scientifiques ou historiques resterait à jamais contesté par un parti ou par l'autre. « Tout le monde a du vous paraître étonnamment courtois et civilisé. » Alors il s'en amusait parce que le sujet restait léger et qu'après une réunion comme celle-ci, il prenait tout ce qui lui permettait de se changer un peu les idées. Les voyages d'Harlan en France étaient toujours prétexte à des discussions agréables et dépaysantes. « Tu sais bien que tu m’as eu au mot “ballon”. » Finalement, rien ne savait mieux lui donner le sourire que d'évoquer ses enfants et les nombreux souvenirs qu'ils avaient pu se créer au cours de l'été, avant que la rentrée ne mette fin à cette parenthèse enchantée que son fils ne se serait sûrement pas plaint de prolonger rien qu'un peu. « Qu'est-ce que tu crois ? Je te connais bien. » Et c'est pour ça qu'il savait qu'il n'en faudrait pas davantage pour que Harlan se sente investi de la mission de servir de compagnon de jeu à son fils à l'occasion. « Et avec sa mère … comment ça se passe ? » Ses traits jusqu'ici souriants montrèrent cette fois des signes de nervosité, preuve que le sujet restait sensible parce qu'il était à la fois la dernière personne à pouvoir ignorer que la situation n'avait rien d'évidente et la première personne à vouloir trouver des excuses à tout le monde, Gigi la première. « Pas trop mal, je suppose, si on considère qu'on revient d'assez loin Gigi et moi. » Il confessa dans un sourire peu convaincant, incapable de cacher à son ami que tout ça le travaillait beaucoup malgré tout. « C'est loin d'être parfait, mais je sais qu'elle fait des efforts. Qu'au fond elle veut vraiment être plus présente pour Lucas. Et moi je demanderais rien que de mieux. » Alors même s'il restait du chemin à faire, même si Gigi avait encore besoin de prendre confiance en son rôle de mère pour s'autoriser à passer plus de temps avec Lucas, lui voulait croire qu'ils avançaient dans la bonne direction. Il était bien inutile qu'il lui précise, entre deux confessions optimistes, qu'il avait pour sa part dépassé toutes les limites qu'il s'était fixé en recouchant avec son ex-épouse. Non, définitivement, ça n'était pas le genre d'aveu qui avait sa place à ce moment précis s'il ne voulait pas avoir à en discuter toute la soirée. « Quel âge ça lui fait déjà ? Cinq ans, six ? » - « Six ans. Je réalise à peine à quel point le temps passe vite. » Que Sloane puisse refaire sa vie et avoir d'autres enfants avait toujours été une possibilité et Reed ne lui souhaitait rien de moins, mais il lui avait fallu quelques temps pour totalement intégrer l'idée qu'ils avaient leur propre petite famille mais continuaient également d'en former une grande, tous ensemble.

S'il était évident pour les deux amis qu'ils passeraient la soirée dans un bar à évacuer les tensions qui allaient de paire avec chaque pré-rentrée, le choix du bar en question valut à Reed de se crisper quelques peu, sans probablement parvenir à le cacher suffisamment bien pour que ça ne provoque pas le début d'une suspicion chez Harlan. « Si on voit qu’il y a trop de monde une fois là-bas on se mettra en quête d’un plan B, deal ? » Acquiesçant fébrilement, Reed tâcha de ne rien montrer qui pourrait faire comprendre à Harlan que le problème ne résidait ni dans l'ambiance, ni dans le nombre de clients potentiels, en réalité. « Deal, oui. » Sans forcément aller jusqu'à espérer qu'ils en viendrait à considérer ledit plan B, l'idée qu'il en vienne simplement à exister dans l'hypothèse où les lieux seraient pris d’assaut par le tout Bristol était quelques peu rassurante. Et ça même si en vérité, il lui paraissait assez peu probable que le bar soit plein à craquer en semaine et à cette heure-ci. « Oh mais je parle français … sous la torture. » Il disait toujours ça, Harlan, mais il ne pourrait pas éternellement échapper à un interrogatoire en bonne et due forme, rien que parce que Reed paierait cher pour entendre son accent français. « Pas à moi. Je suis sûr qu'il y a toujours tout un tas de jolies françaises pour se porter volontaires pour combler tes lacunes. » Après tout, on disait bien qu'il n'y avait pas beaucoup de villes plus romantiques que Paris et nul doute que le charme du brun devait faire se retourner quelques têtes lorsqu'il s'aventurait dans la capitale française. Non pas que Reed cherche à le caser avec une française, cependant : il aurait un peu trop de raisons de considérer l'idée de s'installer là-bas et autant se le dire, il ne tenait pas à perdre l'un des rares amis qu'il soit parvenu à garder toutes ces années – si on mettait de coté celles où ils s'étaient justement perdus de vue. « Cela étant dit, j’ai l’impression que mon frère et ma belle-soeur comprennent la moitié de ce que racontent mes neveux à table, ça doit être un truc de génération Z ou de … c’est quoi celle d’après, Alpha ? Bref, un truc de jeunes. » Oh, voilà une conversation qui résonnait chez le père de famille, dont le rire amusé trahissait en réalité un certain désespoir. « Tu t'attends vraiment à ce que j'ai la réponse à cette question ? » Il s'amusa, soulignant comme si c'était encore un secret qu'il était lui-même très loin d'être à la page pour ce genre de choses. Et ça, alors même qu'il était pourtant directement concerné. « Je suis pas plus doué pour déchiffrer le langage de ma fille de dix-neuf ans que pour comprendre celui de ma fille de huit ans. Je crois qu'en réalité, c'est un truc de parent de se sentir largué face aux codes des jeunes générations. » Et c'était d'autant plus vrai quand on avait l'impression d'avoir grandi à une époque si lointaine que la plupart des codes modernes avaient quelque chose de déstabilisants. On pourrait croire que sa plus petite différence d'âge avec son aînée leur vaudrait de se comprendre d'autant mieux, mais ce serait mal connaître Reed et sa capacité à se laisser perturber par un rien.

A leur arrivée sur place, Reed comprit que les lieux n'étaient pas aussi fréquentés qu'il l'avait d'abord redouté, ce qui tendait à la fois à le rassurer et à lui compliquer la tâche pour justifier qu'il continue d'être un peu trop tendu pour que ce soit parfaitement naturel. « Le bar c’est le repère des célibataires qui attendent une invitation, et j’suis pas sûr de rentrer encore dans le costume que j’avais à ton dernier mariage, alors m’en veux pas de préférer une table … On cherchera la nouvelle Madame Donnelly la prochaine fois, uh ? » Des mots qui lui arrachèrent un sourire amusé, personne n'ayant jamais eu son pareil pour ironiser sur sa situation que Harlan, qui savait depuis le temps qu'il pouvait se permettre ce genre d'humour avec lui. « Bien tenté mais je tiens pas à battre un triste record alors je crois que ce serait pas une mauvaise idée de rester loin de la mairie pendant... disons, les vingt prochaines années ? » A son tour de plaisanter sur la question, après tout ça ne faisait jamais de mal de rire de soi-même et le moins qu'on puisse dire, quand on regardait sa vie sentimentale d'un peu plus près, c'est qu'il donnait matière bien malgré lui. « Ici ? » - « Oui, c'est... ce sera parfait. » Et puisqu'il ne serait pas beaucoup plus détendu quel que soit l'endroit du bar que son ami pourrait choisir, il songeait qu'au moins cette table près de la baie vitrée serait plutôt tranquille. Malgré tout, et parce qu'il ne parvenait pas à s'enlever de la tête sa dernière soirée au Fisherman's Friend et plus particulièrement son absence de souvenirs précis la concernant, il faudrait beaucoup plus qu'une place stratégiquement choisie pour lui changer les idées. Et ça, ça n'avait visiblement pas échappé à Harlan. « Bon vas-y, accouche. » Son regard jusque là occupé à balayer l'ensemble de la pièce comme s'il tentait d'y retrouver la moindre pièce manquante au puzzle qu'il désespérait de rassembler, ce sont finalement deux yeux injectés de panique qu'il reposa sur son ami. « Quoi ? » La dernière chose qu'il voulait, Reed, c'était attirer l'attention d'Harlan. Il devrait pourtant savoir que rien n'échappait vraiment à son coté observateur. « T’as la même tête que les élèves quand ils espèrent ne pas se faire pincer en train de tricher, alors prend une chaise et crache le morceau. Je paye ma tournée ensuite. » De toute évidence, cette histoire de migraine n'avait pas franchement convaincu son ami, qui fatalement le connaissait un peu trop bien. « Oh, tu dis ça à cause de ma réaction de tout à l'heure... non, c'est rien je t'assure.  » Il pouvait toujours tenter de s'en convaincre à défaut de probablement en convaincre Harlan. « Vraiment, Harlan. » Il avait beau insister, pourtant, le regard qye sib ami avait reposé dans le sien semblait vouloir lui indiquer qu'il n'était pas dupe. Qu'il sentait que quelque chose le tracassait et que ça n'avait rien à voir avec un mal de crâne. Alors, la gorge nouée par l'appréhension, il bredouilla finalement. « Bon en fait, je... vais peut être simplement te suivre et miser sur le sans alcool pour ce soir. La dernière fois je suis pas sûr que ça m'ait tellement réussi. » Bien conscient que ces quelques mots suffiraient à ce qu'Harlan flaire doublement quelque chose, il s'empressa d'ajouter. « Rien de grave, mais disons que j'ai peut être... » Mais il ne pouvait pas aller plus loin sans être horrifié à la seule idée de mentionner une hypothèse, une infime possibilité qu'il ne s'était même pas autorisé à regarder en face un seul instant. Il ne pouvait pas verbaliser des doutes qui ne faisaient pas le moindre sens, et encore moins prendre Harlan à témoin d'une chose qu'il ne saurait même pas nommer lui-même. « ...montré un peu d'intérêt pour une collègue mariée, hm. Et tu me connais assez pour savoir que j'ai pas l'intention de saboter les mariages des autres simplement pour me sentir un peu moins seul dans le clan des divorcés. » Alors il opta pour une solution à laquelle il n'avait que rarement cédé au cours de sa vie : le mensonge, parce que c'était encore plus commode que d'énoncer la vérité et que cette éventualité-là, au moins, n'ouvrait pas la porte à une crise existentielle qu'il n'avait pas l'énergie de traverser ce soir.