you can't forget what you can't let go + aprina

you can't forget what you can't let go

@APRIL FEATHER ☆ MINA VALERIOUS

gifs by (c) stannyramirez et (c) acquaesale

Adossée au mur d’une crèche à l’allure vieillotte, Mina attendait, les bras croisés et l’air tendu. Son regard fixait la porte, qui s'ouvrait et se refermait au rythme des parents venus récupérer leurs enfants, avec une froide intensité, un mélange d’impatience et de colère non dissimulée. Ses lèvres pincées, ses épaules crispées, elle ne bougeait pas d’un centimètre, scrutant chaque silhouette féminine qui passait, chaque visage attentivement. Elle n’avait jamais rencontré cette femme, cette “April” — une étrangère sortie de nulle part, portant malgré elle l’ombre de Richard Valerious, ce père détesté qui, même mort, continuait de distiller son poison jusque dans leur quotidien. Après avoir arraché quelques maigres informations à Marlow, Mina avait traqué chaque crèche du quartier.

Elle l’avait trouvée, après plusieurs jours d’errance, de regards évasifs dans les garderies et les parcs d’enfants, comme une proie traquée — car April n’était rien de plus que cela : une usurpatrice qui prétendait mériter la moitié de ce qui aurait dû appartenir à Mina, à Marlow. Et même s’ils n'avaient jamais reçu une miette de reconnaissance de cet homme, même si cet héritage était empoisonné, même si elle aurait voulu le brûler tout entier, il lui était impossible d'accepter que cette étrangère y touche, elle qui n’avait pas été brisée sous la poigne de fer de Richard, qui n’avait pas grandi dans le sillage du monstre.

Enfin, la porte de la crèche s’ouvrit, et une jeune femme brune en sortit, un sourire fatigué mais sincère flottant sur ses lèvres. Elle semblait exhaler une sorte de douceur, une innocence qui frappa Mina avec une pointe d’ironie acide et qui n’éveilla chez elle que davantage de mépris. C’était donc elle. April. Cette April qu'elle imaginait depuis des jours, son « autre sœur ». La petite perle cachée de Richard, élevée loin des cris et des injures, bercée peut-être par une vie ordinaire, protégée. Protégée de lui. En observant son allure, la façon dont elle saluait les parents en partant, une bile amère monta dans la gorge de Mina. Comment pouvait-elle prétendre à la moindre parcelle de cet héritage, cet héritage qui pour Mina n’avait été qu’une longue agonie, une dette toxique laissée à ses enfants légitimes ?

Elle resserra sa mâchoire, réprimant la pulsion qui la poussait déjà à avancer d’un pas lourd vers cette femme qui, tout comme elle, portait dans ses veines une part de Richard, mais n'en portait pas les marques. Elle se décolla du mur, ses talons claquant contre le pavé. Les parents s’écartèrent discrètement à son passage, un peu troublés par cette silhouette qu’ils n’avaient jamais vue, trop éclatante, trop dure au milieu des allées et venues familières de la crèche. Elle avança jusqu’à se placer dans le champ de vision d’April. Elle ne laissa aucun espace, aucun mot de courtoisie. Juste une silhouette sévère, un regard où brûlait une froide détermination et la bouche s’étirait en un sourire glacial. « April, c’est ça ? Je pense qu’on a des choses à se dire. » Elle la dévisagea, peinant grandement à dissimuler le dégoût qui s’insinuait dans chacun de ses traits. Elle ne s'attardait pas sur la douceur du visage de cette sœur inconnue, sur l'étonnement et la candeur qu’elle pouvait y lire ; tout cela n'était qu'une mascarade, un voile naïf que Mina se faisait une mission de déchirer.

@April Feather

Mina sentit un frisson d'irritation parcourir sa colonne vertébrale face à la désinvolture d'April.Ce sourire forcé, cette nonchalance faussement polie... Elle connaissait ce genre de masque. Elle-même l’avait porté. Comment April pouvait-elle être si détachée, si aveugle à la tempête qu’elle venait d'ouvrir par son simple existence ? Elle inspira profondément, un geste qui semblait presque douloureux, tant la rage contenue menaçait de lui faire éclater les poumons. Elle voulait parler, expliquer pourquoi elle était là, mais les mots ne venaient pas comme elle l’avait prévu. Sa colère débordait, incontrôlable, et la présence sereine d’April ne faisait qu’attiser cet incendie. Mais elle ne pouvait pas perdre le contrôle. Pas tout de suite. Elle s'était promis de garder la tête froide, de ne pas lui donner la satisfaction de la voir exploser comme une furie. Ce qui n’était pas la promesse la plus crédible que Mina puisse se faire à elle-même. Elle décroisa lentement les bras, plantant son regard dur dans celui d'April. « Mina, » répondit-elle enfin, d'une voix sèche et tranchante comme une lame. Elle fit un pas en avant, réduisant l'espace entre elles, suffisamment près pour qu’April sente le poids de son regard. Mina n’était certainement pas intimidante par sa taille, mais par l’aura de détermination farouche qui émanait d’elle. « Ton adorable sœurette. »

Elle observait chaque réaction sur le visage d’April, guettant le moindre tressaillement, le moindre signe d'une prise de conscience. Mina n’avait pas besoin d’entendre de réponse. Elle savait qu’April avait compris. Et cela l’agaçait encore plus. Cette fille avait osé prétendre à un nom qui n’était pas le sien, à un héritage qui n’était qu’un venin qu’elle-même et ses deux frères avaient dû avaler depuis leur enfance. La jeune femme avança encore, envahissant délibérément l’espace personnel d’April, son ton devenant plus bas mais plus perçant, chaque mot chargé d'une colère froide et acérée. « Je vais être claire : tu ferais mieux de disparaître et de faire une croix sur le moindre centime. Tu n’appartiens pas à cette famille. » Ce serait une erreur de prétendre le contraire pour quelque chose d’aussi futile qu’un brin d’ADN. Oh, sorry, il n’était pas question d’aller boire un chocolat chaud en rattrapant le temps perdu. La seule pour laquelle Mina avait les crocs, c’était la justice. Sa justice. « Tu n’appartiendras jamais à cette famille… » Un éclat d'amertume vibra dans sa voix alors qu’elle prononça ces derniers mots. C'était plus fort qu’elle : le souvenir de tout ce que Richard avait détruit en elle, de tout ce qu’il avait pris, la réduisait à une boule de colère et de rancune. Elle recula d’un pas, comme pour mieux jauger la réaction d’April. Ou juger la mauvaise facture de l’entièreté de sa tenue qui rendait son apparence, et son existence, juste un peu plus pitoyables.