(aliyah) men tell a thousand lies

20/06/1982

men tell a thousand lies

A man can tell a thousand lies, I've learned my lesson well, hope I live to tell the secret I have learned. 'til then the truth is never far behind, you kept it hidden well, if I live to tell the secret I knew then, will I ever have the chance again ? ★★

@ALIYAH REEVES ☆ @ANWAR ZEHRI

gifs @drvgonqueen & @katesgifsrp

09/2024 bridewell police station (city center)

Une très bonne manière pour Anwar de savoir à quel genre d’individu il avait affaire était de donner rendez-vous. Parce qu’on se faisait toujours une meilleure idée de quelqu’un en s’octroyant un face à face avec lui (ou elle), certes … Mais surtout, parce que les conditions dans lesquelles la personne se présentait en disait déjà long. En avance ? Stressé, extrêmement soucieux de l’image renvoyée, ou simplement désireux d’avoir le contrôle de la situation. En retard ? Très (trop) à l’aise, désorganisé ou angoissé. Pile à l’heure ? Soucieux des règles, calculateur ou inquiet à l’idée de déranger. Bien entendu, il ne s’agissait pas d’une science exacte … Mais rares étaient les occasions où cette simple observation n’avait pas été au moins un peu utile à l’inspecteur, qu’il soit question de professionnel ou de personnel. Alors que sa montre affichait onze heures moins le quart, Anwar attendait donc avec un léger brin d’impatience de voir dans quelle catégorie allait se ranger celle qu’il avait convoquée à onze heures pile au commissariat quelques jours plus tôt. Au téléphone, difficile de se faire une idée du sentiment qu’avait inspiré cette convocation à la jeune femme, après un message laissé sur son répondeur et demandant de rappeler le numéro aussi rapidement que possible. Mensonge ou sincérité, Aliyah Reeves avait en tout cas joué sans fausse note le numéro de celle qui s’attendait à obtenir des réponses en se déplaçant jusqu’au poste de police, quand c’était pourtant bien elle qui en aurait à fournir une fois qu’elle se retrouverait face à l’inspecteur Zehri.

A l’heure, en avance, en retard … L’attitude d’Anwar lorsqu’il était allé la réceptionner à l’accueil du poste de police n’aurait de toute façon pas été différente, et remerciant du bout des lèvres l’agent d’accueil qui s’était chargé de faire patienter la visiteuse, l’inspecteur lui avait présenté une poignée de main ferme doublée d’un « Bonjour Madame Reeves. Merci de vous être déplacée. » de circonstance. Pour l’occasion, les deux collègues avec qui il partageait son bureau avaient débarrassé le plancher, un sacrifice à jauger avec nuance tant les choses à faire ne manquaient pas dans un commissariat où les dossiers non résolus arrivaient plus vite que ceux clôturés ne laissaient leur place. Laissant la jeune femme ouvrir la marche, il l’avait guidée à travers les escaliers et les étages jusqu’à la porte du bureau, dont il avait refermé la porte derrière eux. « Je peux vous offrir un café ? Il est bien meilleur que celui du distributeur au rez-de-chaussée. » Pour l’heure, il tâchait de se montrer charmant – suffisamment en tout cas pour tenter de la mettre (un peu) en confiance. On n’attrapait pas les mouches avec du vinaigre, mais on ne les attrapait pas non plus en leur annonçant d’emblée que l’on comptait les écraser contre le mur. N’attendant pas la réponse, il avait attrapé un gobelet en carton dans la pile posée près de la cafetière, et avait écrasé une capsule d’espresso dans le broyeur avant de se retourner pour faire à nouveau face à son invitée. « Asseyez-vous, je vous en prie. » Était-elle aussi mal à l’aise qu’elle en avait l’air, ou bien espérait-elle seulement s’en sortir à meilleur compte si elle le prétendait ? Il faudrait à Anwar un peu plus que le temps de remplir un gobelet de café pour se faire un avis sur la question – et ce n’était même pas ce qui l’intéressait le plus.

07/03/1991

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09/2024 bridewell police station (city center)

Il est parti en me laissant son chat et une recommandation : ne pas chercher après lui. Alors, j’ai obéi, un peu bêtement, quoiqu’il ne mérite pas cet égard. Suis-je donc idiote d’être aussi docile quand il ne semble s’inquiéter de mes angoisses ? De celles de Lola ? Mille fois j’ai envisagé d’appeler la police, en pleine nuit, parce que mes insomnies sont trop régulières pour ma santé mentale. Je me suis néanmoins ravisée de justesse de crainte d’attirer des ennuis à mon mari. Le souvenir de sa balafre au visage, de sa blessure au ventre, preuve qu’il a cherché des noises au mauvais type, est encore vivace. J’ignore dans quels emmerdes Mickey s’est fourré, mais ce doit être grave pour qu’il choisisse de disparaître, assez pour que je ne mêle ni les autorités ni Rachel. J’aurais pu lui confier le récit des plaies dont j’ai été témoin. A quoi bon ? Qu’y gagnerais-je à part la culpabilité d’avoir causé souci à une dame âgée ? Je ne m’assois à sa table que pour prier avec elle, pour la soutenir, pour lui rappeler que je n’ai qu’une parole. J’ai quitté Mickey, mais pas sa famille. Elle compte toujours comme s’il s’agissait de la mienne. Aussi, ai-je dissimulé les raisons de l’appel du commissariat bien que mon téléphone ait retenti au milieu de la cuisine de l’arrière-grand-mère de Lola. A sa question : “qui était-ce ? Tu avais l’air tracassé mon enfant ?”, j’ai opté pour un mensonge de circonstances. Je déteste le manque d’honnêteté. Je n’ai pas été élevée pour les faux-semblants. Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire cependant. Pour le bien de tous, j’ai dissimulé qu’un agent de police - lieutenant, commissaire, son grade m’indiffère - me convoquait, non pas le lendemain, mais courant semaine prochaine au sujet de mon mari. Trois jours. C’est long, trois jours quand soumise à un public je n’ai pu interroger sur les causes me valant cette entrevue. C’est long quand on souffre d’une imagination fertile. Je me suis figuré le pire et, j’avoue, j’ai questionné les hôpitaux dans un rayon de 20 kilomètres, la peur au ventre de recevoir une terrible nouvelle. La peur, elle m’a donné la main de chez moi jusqu’au bureau de police. Je m’y suis présenté près d’un quart d’heure à l’avance et, dans cette maudite salle d’attente, j’ai trépigné sur mon siège. Je chahute tel un gosse pressé de rentrer chez lui, un gamin qui ne tient jamais en place faute à un trop-plein d’énergie. J’en manque pourtant. Je reste debout grâce à la force de mon inquiétude. Bien sûr, parmi mes hypothèses, certaines sont irrationnelles : c’est le principe même de cet émoi versatile qui sauve autant qu’il ne blesse. Quoi qu’il en soit, j’ai probablement bondi trop vite de mon siège quand le dénommé Zheri m’a salué d’une poignée de main. Elle est plus ferme que la mienne. ”J’aimerais répondre avec plaisir, mais… je me demande ce que vous avez à m’annoncer pour m’avoir demandé de venir. Je me dis que, si c’était grave, vous n’auriez pas attendu trois jours, mais vos urgences n’étant pas les miennes…” Point de reproche. A peine une constatation. La nervosité accentue mes bavardages. ”Et, euh… oui, je veux bien un café. S’il vous plaît. Merci.” Fausse bonne idée. L’anxiété ne se soigne pas d’une boisson chaude. Quant à la caféïne, elle n’aidera pas à me détendre. ”Je suppose que c’est au sujet de mon mari…” me suis-je enquis, m’installant sur la chaise tel que recommandé par le policier. ”Vous savez où il se trouve ?” Ma voix est empruntée à l’espoir… un espoir stupide, je le pressens.

20/06/1982

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09/2024 bridewell police station (city center)

Aliyah Reeves avait l’allure d’une élève convoquée dans le bureau du principal, et qui attendrait sans broncher qu’arrive sa sentence depuis les sièges de la salle d’attente. Elle ressemblait à ces bons élèves si peu souvent amenés à être dans le viseur de leurs professeurs que la moindre sortie de route faisait trembler leur frêle silhouette, et à la seconde où l’inspecteur avait prononcé son nom elle avait comme bondit de son siège, guidée par sa fébrilité. « J’aimerais répondre avec plaisir, mais … je me demande ce que vous avez à m’annoncer pour m’avoir demandé de venir. Je me dis que, si c’était grave, vous n’auriez pas attendu trois jours, mais vos urgences n’étant pas les miennes … » Tout cela, elle semblait l’avoir débité sans prendre le temps d’une inspiration, les mots lui échappant sans qu’elle ne puisse en contrôler ni le débit ni l’intention. Si Anwar avait encore eu des doutes quant à la nervosité qu’inspirait à la jeune femme le fait d’être convoquée dans un commissariat de police, ils auraient été balayés dans l’instant. « Rien de grave, soyez tranquille. » lui avait-il en tout cas assuré avec un sourire poli, refermant la porte derrière eux pour les couper du va-et-vient incessant prenant place dans les couloirs, et leur assurer un brin de tranquillité. « Et, euh … oui, je veux bien un café. S’il vous plaît. Merci. » Gageant donc que le gobelet qu’il était en train de préparer serait à destination de la jeune femme, il l’avait préparé avec les mêmes gestes tintés d’habitude qu’il l’aurait fait pour lui-même, et l’avait invitée à s’asseoir avant toute autre chose.

« Je suppose que c’est au sujet de mon mari … »
Il ne lui avait finalement fallu que quelques secondes pour mettre le sujet de son époux sur le tapis, sans même qu’Anwar n’ait l’aiguiller sur la question. Et lui de répondre « Vous supposez bien. » d’un ton neutre, avant de s’emparer d’un second gobelet et de lui offrir le même traitement qu’à celui qu’il venait de tendre à la jeune femme. « Vous savez où il se trouve ? » Dos à elle, il s’était permis un bref rictus et avait ajouté un sucre à son breuvage avant de faire volte-face, laissant à la cafetière le temps de terminer son travail. Bras croisés, il s’était appuyé contre le meuble dans volonté délibérée d’apparaître décontracté, et avait répondu « À vrai dire, je comptais un peu sur vous pour m’éclairer à ce sujet. » sur un ton qui pouvait presque passer pour de la boutade. Il était pourtant on ne peut plus sérieux, et se saisissant finalement de son café il avait repris « Vous devez bien avoir une petite idée sur la question. C’est votre mari, après tout. » Si l’on en croyait le trésor public, mari et femme déclaraient pourtant deux adresses différentes ; Une situation atypique, mais dont l’inspecteur Zehri lui-même était en mesure d’affirmer qu’elle pouvait s’expliquer de bien des manières. Pour autant, il préférait laisser l’occasion à la principale intéressée de s’en expliquer plutôt que de la guider dans une direction ou une autre. « Et si vous avez compris qu’il serait question de lui avant même que je vous le dise, c’est bien que quelque chose vous l’a laissé penser. » L’habitude, peut-être … Ou au moins un air de déjà vu, bien qu’Anwar espérait une réponse moins convenue que celle-ci, prévisible.

07/03/1991

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09/2024 bridewell police station (city center)

Est-ce que je me comporte comme une coupable ? Peu de chance. Je n’ai rien à me reprocher et, qui plus est - et selon la légende - ces derniers sont peu friands de spontanéité. Au cinéma, ils réfléchissent durant de longues minutes à la réponse à apporter au policier qui les cuisine. Dans un livre de Stephen King, l’héroïne compte les singes - littéralement - au lieu de tourner sept fois sa langue dans sa bouche. Moi, je babille trop pour être malhonnête. Je fais les questions et les réponses d’ailleurs. Aurais-je le droit de me détendre ? Ai-je le droit de souffler un bon coup autrement que pour refroidir le café tendu au préalable ? Peut-être. Je n’y arrive pas cependant. Je n’ai jamais eu d’ennuis, moi. Bon sang. Mickey n’était pas en odeur de sainteté. Ma colère avoisinait les quatre-vingt pour cent. Compte tenu qu’il n’est pas nécessaire d’être Einstein pour deviner que je lui dois cette convocation, elle approche le maximum désormais. Être tranquille, dans ce bureau est impersonnel relève de l’impossible. La nonchalance de mon interlocuteur ne m’aide pas non plus. Je ne prétendrais pas qu’elle sonne faux, je pense que l’abus de roman noir suppose qu’elle est surjouée et ça me tend presque autant que la déception m’accable. Il ignore où se trouve mon mari. ”Dans ce cas, vous risquez d’être déçu. Et, moi, un peu rassurée.” Il n’a pas été retrouvé mort dans une ruelle, un opinel enfoncé dans le ventre. Il ne git pas dans un lit d’hôpital, dans le coma, ce qui excuserait son silence et me culpabiliserait de l’avoir maudit. ”Sur papier, oui, il l’est toujours. Mais, vous avez sans doute remarqué que nous n’avons plus la même adresse. Divorcer est une étape difficile pour lui. Mais, ça ne signifie pas que je suis dans ses papiers… our assez pour être informé d’où il se cache. Ni même du pourquoi.” L’instinct me chuchote de ne surtout pas l’interroger sur les raisons justifiant qu’il soit recherché. Bien sûr, ça me chatouille. Je suis trop lâche malheureusement. J’ai trop peur de l’aveu éventuel qui s’en suivrait. Il est des épreuves que l’Homme préfère s’éviter quand il le peut. Je n’ai pas les reins, en ce moment, pour annoncer une terrible nouvelle à sa famille et, si je détenais des informations de ce type, je brûlerais en enfer si je les gardais pour moi. Aussi, tête basse, mes mains jouant les unes avec les autres, j’ai secoué la tête. ”Il m’a laissé son chat et il est parti. Je n’arrive pas à le joindre sur son téléphone, mais je suppose que ça, vous le savez. Vous avez dû essayer de le retrouver avec sa localisation gps ou autre. Je sais pas trop.” Je répète ce que l’imaginaire commun s’invente sur le job d’inspecteur. ”Je crains que je ne puisse rien pour vous et je suis désolé d’apprendre que vous non plus. Parce que vous me le diriez si vous saviez où il était, non ? ” ai-je demandé, un peu naïvement, lucide sur ce que l’autorité ne jouerait pas avec mes nerfs.

20/06/1982

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09/2024 bridewell police station (city center)

L’inspecteur Zehri n’en était pas encore à l’étape de la déception, laquelle aurait nécessité que la seule parole de la jeune femme suffise à le convaincre dans l’instant. Et aussi sincère semblait-elle sous ses airs de brebis égarée, mal à l’aise à la simple idée de se trouver dans un commissariat de police, il en fallait un peu plus pour convaincre Anwar, qui depuis qu’il exerçait ce métier avait vu passer son lot de menteurs et de menteuses qui, eux aussi, avaient d’abord eu l’air débordant de sincérité. En prenant le temps de l’analyser, son « Dans ce cas, vous risquez d’être déçu. Et, moi, un peu rassurée. » formulé en réponse pouvait tout aussi bien avoir l’air d’un aveu, certes voilé, quant à la volonté que la police en apprenne le moins possible sur la question. « Rassurée ? » L’était-elle de savoir que la police n’avait donc rien à lui annoncer d’irrémédiable, ou bien était-ce l’idée que même la police n’ait pas mis la main sur son époux disparu, qui la tranquillisait ? Et comment, alors même qu’un mariage et un enfant les liait encore, pouvait-elle prétendre ne pas avoir la moindre idée de l’endroit où se trouvait l’ancien boxeur ? Cela semblait trop gros pour être vrai, et malgré tout elle s’en était aussitôt défendue : « Sur papier, oui, il l’est toujours. Mais, vous avez sans doute remarqué que nous n’avons plus la même adresse. Divorcer est une étape difficile pour lui. Mais, ça ne signifie pas que je suis dans ses papiers … ou assez pour être informée d’où il se cache. Ni même du pourquoi. » Loin de l’effet qu’elle espérait probablement produire, Anwar n’avait retenu de tout cela qu’une seule et unique chose : Mickey Reeves se cachait. Ou au moins, c’était là vers où allaient les déductions de celle qui, sur le papier, était toujours son épouse. « Je vois. » s’était-il pourtant contenté de répondre, la mère de famille se montrant pour l’heure suffisamment bavarde pour qu’il n’ait pas besoin de guider plus que de raison la conversation.

« Il m’a laissé son chat et il est parti. »
Avait-elle finalement repris, tandis que l’inspecteur sous-entendait que quelques soupçons devaient bien alimenter l’esprit de la jeune femme, pour qu’elle ait immédiatement correllé sa convocation au poste de police et l’absence de son époux, qu’il soit question d’une fuite ou d’une disparition. « Je n’arrive pas à le joindre sur son téléphone, mais je suppose que ça vous le savez. Vous avez dû essayer de le retrouver avec sa localisation GPS ou autre. Je sais pas trop. » Aliyah Reeves était, au choix, très naïve ou très intelligente, en avait ainsi conclu Anwar, sans s’être encore décidé sur laquelle des deux options lui paraissait la plus convaincante. « Je crains que je ne puisse rien faire pour vous et je suis désolée d’apprendre que vous non plus. Parce que vous me le diriez si vous saviez où il était, non ? » Plutôt très naïve, donc. Ou qui avait au minimum envie de le faire croire, en tout cas. « Pas nécessairement, non. » avait-il en tout cas répondu, sans rudesse inutile, mais sans effort particulier pour enrober la vérité. « Disparaître n’est pas un crime, et une disparition n’est considérée comme inquiétante que si quelqu’un se donne la peine de la signaler. » Encore que, même dans cette configuration, si la personne évaporée se révélait être bien portante une fois retrouvée, elle n’avait aucune obligation à reparaître auprès de ses proches ni à les contacter. « Et ce qui m’interroge, voyez-vous, c’est justement le fait que ni vous ni personne n’ayez signalé sa disparition. » De deux choses l’une : soit l’évaporation subite de son époux n’était pas aussi inquiétante à ses yeux qu’elle le prétendait, soit elle craignait que d’avertir la police leur apporte à tous les deux plus d’ennuis qu’autre chose. « Vous avez une fille. » avait-il repris, d’un ton qui n’avait rien d’une question. « Si ma femme disparaissait du jour au lendemain en me laissant son chat et en abandonnant notre fille, je pense que je m’inquiéterais. Assez pour prévenir la police, en tout cas. » Le silence des proches de Mickey Reeves ne pouvait donc signifier qu’une seule chose : si aucun d’eux n’avait jugé sage de contacter la police suite à sa disparition, c’était donc qu’ils avaient tous la certitude que d’être retrouvé lui apporterait plus d’ennuis encore que le fait d’avoir disparu. « Si votre mari a des ennuis, le mieux à faire pour lui et pour vous serait de m’en dire un peu plus. On pourra réfléchir à une solution. » Sentant le café refroidir à travers le gobelet, Anwar s’en était autorisé une grande rasade ; de quoi laisser quelques secondes de réflexion à son interlocutrice.

07/03/1991

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09/2024 bridewell police station (city center)

“Mais qu’est-ce que je fous là ?” me suis-je une première fois demandée en arrivant au commissariat, une seconde dans ce bureau face à ce monsieur et une troisième lorsque ce dernier a admis compter sur moi pour retrouver Mickey. Je me suis interrogée à l’image de ces bonnes gens convoquées sans précision aucune sur l’objet de l’entrevue non désirée par l’une des parties. Alors, comme elles, j’ai supposé. Je me suis imaginé le pis comme le meilleur, celui-là plus que l’autre, puisant dans l’espoir de la force pour rester à la surface. Ma désillusion n’en est que plus grande. Elle n’a d’égale que ma perplexité d’être cuisinée comme une coupable. Je pourrais l’entendre si j’avais quoi que ce soit à me reprocher en dehors d’une contredanse toujours dûe pour stationnement irrégulier. Je suis bien trop scrupuleuse pour ne pas respecter la loi. Quant à mon mari, bien qu’il cumule défauts et maladresse, il n’a pas l’étoffe d’un malgrat. Je ne lui connais pas de problèmes avec la justice et, hormis un excès de colère justifiant une bagarre dans un bar - à ce jeu-là, il gagne toujours - je doute que l’assailli puisse avoir déposé une plainte auprès des autorités. C’est une question d’égo. Je le sais, j’ai appris mes leçons à la dure. Dès lors, qu’attend-elle de moi, la police représentée par cet individu trop hautain à mon goût ? La fatuité transpire de tout son être et je m’en renfrogne d’emblée : qu’en témoignent mes bras croisés et ma moue revêche d’être vexée par la teneur de son regard. Quelle image de moi me reflète-t-il ? Que pense-t-il ? Et, surtout, où veut-il en venir en me dispensant ce cours magistral à propos des disparitions ? Suppose-t-il qu’elle est “inquiétante” selon les lois anglaises ? Certes, je suis au quotidien pétrie par le souci, mais Mickey n’en est pas à son coup d’essaie en matière de silence. La différence, c’est la coutume et la durée. Il ne part jamais aussi longtemps et il reparaît toujours. Toujours. C’est à cette vérité que j’aurais dû me fier. Je me serais évité ces babillages jugés anecdotiques - ou presque - pour moi, mais pour moi seul. Mon interlocuteur semble y dénicher des indices et je regrette à présent. je déplore d’avoir manqué de jugeote et, par extension, d’avoir pris le risque de trop en dire. Suis-je malgré moi porteuse de secrets ? Forte de ces doutes, je ne plonge pas tête la première dans le flot de ces mots qui ressemblent à un piège. Pas cette fois. Je rassemble plutôt mes esprits et mes idées. J’analyse, recense et statue sur un “non”. Non, je n’ai absolument rien de plus à cacher que l’état de mon mariage. Or, je l’ai déjà tiré du placard, ce cadavre source de honte. Plus rien ne m’empêche de m’exprimer librement, hormis la prudence. ”Peut-être que vous connaissez la réponse et qu’elle est là, sous vos yeux. Pourquoi vous signaler qu’il est parti puisque vous ne pouvez rien faire pour nous ?” ai-je remarqué, sans défiance, mais méfiante. Le cas échéant, je pourrais m’y coller maintenant, d’ailleurs, étant donné qu’à force de nourrir le suspens, je suis en retour affamée de sérénité : seul l’anxiété demeure et s’amplifie. ”Mais quitte à jouer franc-jeu, la raison pour laquelle je ne suis pas venu déballé ma vie privée ici, même pour ma fille, c’est parce que le silence m’inquiète plus que le départ. Ce n’est pas la première fois qu’il nous laisse sans nouvelles. ça dure juste moins longtemps. Alors, comme je suis là et qu’on en parle, ça être le bon moment pour moi de vous le signaler et, pour vous, celui de me dire si vous pouvez faire quelque chose ou non.” L’évocation de Lola m’a raidie : je refuse de la mêler à cette discussion. J’ai pourtant réprimé mon mouvement d’humeur. Je n’ai pas besoin qu’un flic aux abois m’éclabousse de ces soupçons tandis qu’il certifierait devant Dieu que je manque d’honnêteté. ”Et si vous connaissiez Mickey, vous sauriez que s’il n’aime pas les ennuis, il a un don pour les attirer. C’est son mode de vie qui veut ça. Et vous le savez aussi bien que moi, non ?” Aucun toxicomane, d’hier ou d’aujourd’hui, se vanterait de passer entre les mailles du filet lancé par la poisse. Les vieilles habitudes ont la dent dure, sans quoi notre mariage n’aurait pas volé en éclats. ”Je peux faire autre chose pour vous ?” me suis-je enquis pour la forme : il croit tenir bon la barre, il ne me lâchera pas.