sweet day (Ali)

sweet day

"One day the sea will have washed away all the sand. The oceans will dry up, and the sun will go out."

@Bowie Laurier ☆ Aliyah Reeves

gifs by (c) evansyhelp et (c) just-a-pole-sir.

Avant la disparition de Mickey, de mes introspections découlait de la culpabilité, celle d’être partie alors que mon (ex)-mari était dans la tourmente, d’avoir tout simplement manqué de patience, de n’avoir plus trouvé la force de vivre dans l’angoisse. Je m’en suis voulue et j’ai tenté de l’aider à renouer avec sa fille pour me débarrasser de l’émotion à l’endroit du premier comme de la seconde. Aujourd’hui, jour de congé, alors que Lola est à l’école et que je n’en peux plus tourner en rond dans mon appartement, j’ai ramassé mes affaires, ai grimpé dans la voiture  en direction du refuge animalier et je me suis efforcée de chasser cette idée déroutante : mon époux  aura été ma principale source d’angoisse. L’imaginer fait mal, trop mal. Cette réalité m’a frappée avant que je ne quitte l’habitacle de mon véhicule. J’ai croisé mon regard terne dans le rétroviseur. Il m’a paru vide, éteint, et mes sourires de composition ne l’ont pas rallumé. Dommage, ai-je songé, m’essayant à quelques grimaces plus joyeuses. Rien n’y a fait. Mon teint de papier mâché trahira mon manque de sommeil. Aux questions je répondrai toutefois par un morceau de vérité. Si la moitié d’une pomme reste un fruit, un demi-aveu vaut-il vraiment moins qu’un entier ? Lorsque je salue mes collègues bénévoles de ma bonne humeur factice, je nous mens, à eux, à moi. Je triche parce que je refuse de croquer dans le fruit de mes remises en questions. Ma colère à l’idée d’avoir à expliquer à Lola que son père est parti, ma peur qu’il lui soit arrivé quelque chose, cette frustration de n’être importante à ses yeux que pour prendre soin de son chat, c’est l’objet d’une série d’angoisse que j’enterre quand je passe les portes du refuge. C’est autant un choix qu’une sorte de réflexe au contact des animaux, en particulier avec les chevaux. Rien ne m’aurait fait davantage plaisir que d’être assigné au nettoyage de leur boxe. Les équidés semblent doués d’une telle empathie que je me surprends souvent, quand je suis seule, à leur confier mes emmerdes. Cette fois n’aura pas servi d’exception. S’il en est une, ce sont les larmes qui ont mouillé mes paupières. Bien sûr, elles n’ont pas mouillé la paille : elles n’ont pas coulé le long de mes joues. Je me l’interdis parce que je n’ai pas le temps de m’occuper de moi. Je n’en ai que pour les autres et leur problème, les autres comme Bowie sur qui je jette un oeil depuis tant d’années que son pas comme sa voix me sont devenus familiers. Aussi n’ai-je pas sursauté quand il m’a hélée. J’ai même eu le temps d’essuyer le bord de mes yeux.  ”Ah, Bowie, tu sais comment parler à mon coeur.” lui ai-je rétorqué en déposant ma fourche contre le mur pour ensuite sortir du box. J’ai fermé le verrou derrière moi et j’ai essuyé mes mains contre mon jeans.  ”Et, je te remercie. Tu n’étais pas obligé, tu sais. Puis, comment tu savais que tu me trouverais là ?” L’habitude, sans doute. C’est elle qui nous conduit sur le muret où nous déjeunons lorsque nous bossons ensemble. ”Tu as décidé d’aider cet après-midi ou tu passais juste pour me voir ?” La possibilité qu’il soit soucieux m’a traversé l’esprit et, j’ai honte de l’admettre, ça m’aurait arrangé à défaut de me faire plaisir. M’occuper de Bowie m’aurait permis de m’éloigner de mes propres emmerdes et je me suis tancée de l’avoir pensé. L’espace d’un instant fugace, j’ai d’ailleurs déconnecté alors que j'entreprends de vider le sac de kraft entre nous deux.  ”Dans tous les cas, ça me fait plaisir. Tu vas pouvoir me faire une mise à jour sur comment tu vas, j’ai l’impression que ça fait une éternité que je ne t’ai pas vu et ça va, tu as l’air d’aller bien, même si tu as une tête de fatigué. Tu es juste fatigué ou il y a autre chose ?” ai-je fini par demander, mais cette fois, soucieuse de bien faire, soucieuse d’aider.

sweet day

"One day the sea will have washed away all the sand. The oceans will dry up, and the sun will go out."

@Bowie Laurier ☆ Aliyah Reeves

gifs by (c) evansyhelp et (c) just-a-pole-sir.

Il a raison, Bowie. Ce n’est pas la première fois que nous déjeunons ensemble au refuge. N’est-ce pas autour d’un morceau de pizza que notre amitié est née ? J’ai été à l’initiative de ce moment de partage et je n’ai jamais regretté. Outre sa bonhomie, Bowie dégage une sorte de mélancolie qui m’a intriguée d’emblée. Je me suis aussitôt demandé quelle drame l’a frappé et de quelle manière je serais susceptible de l’aider. Le temps a répondu à mes questions et, forte de notre complicité fraternelle, j’ai affronté cette vieille habitude de couver mes problèmes : je m’exprime davantage, preuve que je suis en confiance. rien ne justifie que je dérobe à son regard les conséquences de quelques heures de solitude. Avec elles viennent les questions qui demeurent sans réponse. ”Tu es adorable. Je meurs de faim en plus. J’ai pas eu le temps de manger ce matin, j’étais un peu à la bourre et puis, j’ai oublié. ai-je avoué, trahie par mon estomac. ”Alors, dis-moi tout, tu voulais me voir pour un truc en particulier ?” Maintenant attablé, j’ai sorti une des spécialités de son sac pour la lui tendre. ”Rassure-moi, tout va bien ? ” Mon instinct me souffle que, même si nous apprécions la compagnie de l’un et de l’autre,  sa démarche n’est pas anodine, si bien que je le détaille d’un oeil inquisiteur. Tout en moi hurle que je suis prête à entendre et à conseiller en fonction de ses besoins. ”Tu veux en parler un peu ? De ce qui te tracasse au sujet de ta mère ? ” Peut-être que vider son sac lui fera du bien, lui permettra de se projeter vers un avenir plus radieux parce qu’ensemble, nous aurons réussi à désamorcer une bombe au tiqueté entêtant qui l’empêche de dormir.   ”Il y a du boulot avec les chevaux, on aura tout le temps de te trouver de quoi dormir la nuit. Puis, tu sais que, quand ça arrive, tu peux m’appeler. Je laisse mon téléphone allumé la nuit.” Je suis l’idiote qui se figure encore avoir assez d’importance pour Mickey pour qu’il réalise que je me méritais mieux que son silence, mieux que cette indifférence qui blesse son enfant. Evidemment, je ne doute pas de tout ce que j’ai compté à une époque. Aujourd’hui, je ne suis plus certain de rien et c’est sa faute, uniquement la sienne et, tandis que je ressens dans mes veines le bouillonnement de la colère, je respire amplement pour me calmer et éviter les questions. Avaler une fourchette de mon plat contribue à donner le change, mais ce n’est pas suffisant visiblement. Je suis démasquée, car sonne enfin l’heure des questions que je redoutais. ”Oh. Oui. Parfait.” Vais-je le convaincre que nous pouvons rester concentrés sur lui ? Peu de chance. Je le présume alors que, levant le menton dans sa direction, il a cadenassé mes pupilles aux siennes. ”J’ai l’air fatigué, c’est ce que tu voulais dire ? Et pas dans mon assiette ? Bah…” Qu’ajouter qu’il ne sait déjà ? ”Avant-hier, je suis allée chez le vétérinaire en urgence avec le chaton de Lola. Heureusement, Tessa Mulligan est mon patron et… et j’ai pu rester là avec elle, mais je dors mal depuis cette mésaventure. Qu’est-ce que j’aurais dit à la petite si elle avait perdu le dernier lien avec son père ? je n’ai toujours pas de nouvelles et plus le temps passe, plus je suis en colère…et je ne sais pas si c’est juste ou pas. Je ne sais même pas s’il est en sécurité alors qu’il a le chic pour se foutre dans la merde. Mais, je sais pas quoi faire. Tu vois, comme toi, je suis impuissante. On fait la paire, hein ? ”