Tessa & Terry • In the air tonight

21/08/1990

In the Air Tonight

gifs by (c) Keetika et (c) Activist

Tout journaliste ne brille pas par son intelligence. Souvent on m’a questionné sur Paris, Rome ou Bristol afin de définir à laquelle de ces villes appartient mon cœur. Ma part égoïste répondrait sans mentir qu’il est morcelé, que chacune de ses villes détient un pan de mon histoire. L’autre, la plus instinctive, affirmerait que le morceau le plus grand est resté en Angleterre avec Tessa. Ma soeur est mon pilier, ma conscience, ma jiminy cricket. Elle accentue les meilleurs côtés de ma personnalité puisqu’à son contact, je me distingue par de l’humilité, de la bonne foi et une douceur palpable dans les gestes, dans la voix et dans le regard. Certes, cette étonnante délicatesse dépend de mon affection. J’ai néanmoins commis mon lot d’erreurs avec ma soeur. Je n’ai pas toujours été à la hauteur de ses attentes ou du rôle prédéfini du parfait grand-frère. Concentré tantôt sur ma carrière tantôt par la contemplation de mon nombril, j’ai brillé par mon absence alors qu’elle traversait d’injustes épreuves, injustes et douloureuses pour le corps, pour l’esprit. Moi, de coutume imperméable à toute forme de culpabilité, je me suis surpris, en pleine nuit, seul dans mon appartement parisien, à remettre en question mon comportement à l’endroit de Tessa. J’ai déduis de ses heures déroutantes - l’introspection est un exercice douloureux - que de ma jalousie envers Lincoln découle ma bêtise. Ma soeur ne méritait pas que je fui l’hôpital sous prétexte que je l’ai supposée capable d’organiser dans mon dos l’emménagement de l’un chez la première. N’ai-je pas déjà commis l’erreur de lui prêter des intentions, allant jusqu’à m’en convaincre et de ne pas l’écouter ? Si nous sommes sortis grandi de cette mésaventure, j’ai douté qu’une seconde fois remportait les lauriers de l’indulgence. Depuis cette nuit étrange, je me suis donc efforcé de rattraper le coup, me déplaçant plus souvent jusqu’à Bristol dans l’espoir de partager auprès de l’unique fille des Mulligan des moments de grande complicité. Je l’ai aussi invitée sur Paris à plusieurs reprises, qu’elle s’imprègne davantage de mon quotidien, qu’elle découvre avec ses yeux d’Anglaise quels sont mes bars préférés, mes lieux de prédilection dans cette capitale française. Aujourd’hui, cette visite sera un peu différente et c’est avec une impatience non dissimulée que je fais le pied de grue sur le quai de gare, engoncé dans un impair, mon regard dissimulé derrière des lunettes noires et une casquette vissée sur la tête. Je piaffe comme un cheval avant une course parce que j’ai hâte de l’emmener à l’avant-première d’un film qui, je le suppose, lui plairait beaucoup. Je le suppose autant que je l’espère avec une pointe d’angoisse. Je redoute l’éventualité où elle se sentirait mal à l’aise au milieu de ce monde qui est devenu le mien et que je rêve de lui faire découvrir. Ma nervosité est traduite par mon talon qui bat la mesure imposée par mon coeur palpitant trop vite dans ma poitrine, par mon empressement à bondir de mon banc tandis que les premiers passagers posent leur pied sur le quai. Nul besoin de scruter les visages : j’ai reconnu l’attendue. Le pas alerte, j’ai cheminé dans sa direction, je l’ai enlacée quoique ça me ressemble lorsqu’il s’agit du quidam, et je l’ai libérée de son sac sans préavis. ”Je suis content que tu sois venue. Normalement, on va passer une bonne soirée.” Normalement, parce que je ne suis pas pleinement serein, parce que je me mets la pression sans que ça ne soit nécessaire. N’ai-je pas tout simplement besoin de me racheter comme si mes excuses n’étaient pas suffisantes ? ”Je nous ai réservés une table pour ce midi. Je me suis dit que tu aurais faim. C’est un petit bistro, pas trop guindé, mais c’est un peu différent de ce qu’on a l’habitude à Bristol..” Là où, si je ne suis pas anonyme, les Anglais se comportent avec flegme et discrétion. Je suis l’enfant du pays et, hormis quelques exceptions, mes compatriotes respectent mon intimité… C’est rassurant puisque je me moque des preneurs de clichés qui m'épient, me poursuivent et vendent leur photo aux plus offrants. Plus on parle de moi, mieux je me sens. ”Tu as fait bon voyage ? Comment tu vas ?” Question non rhétorique, ça m’intéresse vraiment et alors que nous entrons dans le parking où j’ai stationné ma voiture, j’ai jeté dans sa direction un regard inquisiteur. ”Et Link ? ” me suis-je enquis, réalisant que je pose rarement la question. Peut-être pourrais-je lui adresser un message. Peut-être pourrais-je aussi envisagé d’écrire à Zoya d’ailleurs. Peut-être, oui. On verra.

05/02/1993

In the Air Tonight

@Terry Mulligan

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septembre 2024
Paris (France)

La jeune femme avait déposé Hemingway chez Cody à défaut de pouvoir le confier à Lincoln comme elle avait l’habitude de le faire dès lors qu’elle prenait la poudre d’escampette et qu’elle n’avait pas la possibilité de l’embarquer avec elle. Pour lui avoir retiré une belle écharde du pied, la vétérinaire s’était promis de lui ramener un petit quelque chose de Paris et elle ne faillirait pas à cette promesse faite à elle-même ! Rassurée elle avait pu préparer son sac et valider ses billets avant de prévenir Terry de son heure d’arrivée. Habituée du trajet, la jeune femme avait rejoint Saint Pancras bien avant l’heure du départ prenant soin de se commander un latte Macchiato et l’une de ses douceurs bourrées de sucre qu’elle s’était empressée de dévorer pour combler la faim qui lui tenaillait l’estomac. La faute à sa mauvaise gestion de temps du matin qui l’avait empêchée de prendre un petit déjeuner consistant. Ce n’est qu’une fois posée dans le train la menant vers Paris que la jeune femme s’empresse d’envoyer un message à son jumeau ajoutant un joli selfie pour lui faire comprendre qu’elle aussi avait décidé de prendre le large avec Bristol l’espace de quelques jours et même si elle se doutait que sa destination le ferait sûrement pincer les lèvres, la jeune femme n’avait pas l’intention de lui cacher son petit séjour à Paris malgré les tensions entre les deux frères. Dans un monde idéal, elle aimerait que ces tensions s’envolent et que chacun comprenne qu’il est aussi important pour elle et qu’ils n’ont pas à se battre pour obtenir d’elle un peu d’attention.

Lorsqu’elle débarque, la foule l’opresse une seconde, ça fourmille de partout, les gens se pressent et la bousculent au passage sans pour autant s’excuser. Elle ne s’en offusque pas, même si ça l’agace un peu et elle espère que Terry sera là et qu’elle n’aura pas à l’attendre seule ou pire prendre un taxi pour le rejoindre. Alors quand elle le reconnait, un sourire franc vient s’afficher sur ses lèvres illuminant son visage, et c’est avec un soulagement non feint qu’elle vient le serrer dans ses bras, ravie de le voir en chair et en os, lassée des appels visios qu’ils ont pu avoir à défaut de se croiser plus souvent. ”Je suis content que tu sois venue. Normalement, on va passer une bonne soirée.” Le normalement la fait sourire, même si elle ne peut s’empêcher de sentir une certaine nervosité chez Terry qu’elle n’arrive pas à expliquer. « ”Je nous ai réservé une table pour ce midi. Je me suis dit que tu aurais faim. C’est un petit bistro, pas trop guindé, mais c’est un peu différent de ce qu’on a l’habitude à Bristol..” Il fourmille déjà, traduisant cette vie à cent à l’heure qu’il mène à ses yeux. « Différent dans quel sens ? En tout cas, tu as lu dans mes pensées, je suis affamée et il n’y avait que des snack à bord. » Et si elle n’a rien contre ça, il lui tarde surtout d’avaler quelque chose de plus consistant, son dernier vrai repas remontant à la veille.

”Tu as fait bon voyage ? Comment tu vas ?” Lui emboitant le pas dans le parking, l’anglaise s’apprête à lui répondre quand il ajoute. ”Et Link ? ” La question la surprend un peu, mais elle ne fait rien pour le lui faire remarquer. « Ca a été oui, ma voisine était une petite grand-mère qui venait à Paris pour la première fois, elle était touchante. Et je vais bien, je suis contente de passer du temps avec toi. Je te cache pas que je stresse un peu pour ce soir. » Est-ce qu’elle est un peu nerveuse ?! sans aucun doute, elle craint de faire un faux pas ou de ne pas être à la hauteur des choses. Ce n’est qu’une fois installée dans la voiture qu’elle s’empresse d’ajouter. « Et Lincoln va bien, il est du côté de Charleroi aux dernières nouvelles. Il devait partir vers les Pays Bas ensuite ou l’Allemagne, il n’avait pas encore bien défini son prochain point de chute. » Elle est contente pour lui, même si son éloignement a forcément créé un vide dans son quotidien, elle comprend son besoin de se retrouver. « Tu as vu, j’ai pensé à faire ma manucure... au cas où. » La jeune femme ne peut s’empêcher de laisser un rire passer alors qu’elle met en avant ses ongles manucurés pour l’occasion alors que la voiture sort du parking et commence à s’engager dans les rues parisiennes. « Comment tu te sens ? » Sous-entendu : est-ce qu’il est stressé, angoissé ? Elle l’imagine nager dans son élément, pour autant elle ne peut s’empêcher de se dire qu’à sa place, elle serait incapable d’être sereine.

21/08/1990

In the Air Tonight

@Tessa Mulligan ☆ Terry Mulligan

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Mon enthousiasme est sincère et l’accolade est la bienvenue. Auprès de Tessa, je renoue avec des émotions d’une simplicité à mille lieues de mon quotidien et, quoique les heures trop paisibles m’ennuient et m’effraient, ça fait du bien, de temps en temps, uniquement si ma compagnie m’est agréable ou attendue depuis longtemps. J’étais pressé à l’idée de passer ces quelques jours avec ma cadette. Alors, j’ai fait les choses bien. Je n’ai pas réservé dans un de ses restaurants chics qui proposent en plat du jour du foie gras poêlé. J’aurais été forcé de me consacrer à des salamalecs au détriment de mes promesses et j’aurais regretté. Aussi ai-je opté pour un bistro au cœur d’un Paris méconnu des touristes. ”Peu de tables, mais on aura la meilleure parce que la serveuse en pince pour moi, mais pour moi, parce qu’elle n’a pas l’air de m’avoir reconnu Puis, le quartier est peu fréquenté… à l’échelle de Paris. Disons qu’il ne fait pas de l'œil à ceux qui rêvent de la Tour Eiffel et des Champs.” Suis-je fier de mon choix ? Evidemment. Ma nervosité ne dépend ni de cette arrivée ni de ce déjeuner. Ce sont les conversations qui nous attendent qui troublent la quiétude… et peut-être un peu l’enjeu de cette soirée. Mon angoisse est-elle palpable ? Prend-elle le pas sur ma joie d’entendre mes anecdotes de son voyage ? Je l’écoute religieusement, d’ailleurs, et à l’évocation de sa passagère, mon sourire s’est agrandi : ”Tu vois. Tout le monde aime Paris. Il n’y a que toi qu’il faut supplier pour venir.” l’ai-je taquinée sans méchanceté. ”Heureusement que je suis tenace. Un autre aurait abandonné, même si tu avais toutes les excuses du monde pour ne plus lui donner de nouvelles. J’ai tes escarpins dans mon coffre. Les récupérer a été un jeu d’enfant, mais j’accepte ta reconnaissance éternelle pour saluer tout le mal que je me suis donné.” J’ai ponctué d’un clin d'œil à notre échange de sms par un plus réel. J’ai supposé que le cadeau la ravirait autant que la privatisation du Louvre pour deux soirées, peut-être autant que mon intérêt pour le pèlerinage de Lincoln. ”S’il est en forme et qu’il kiffe, c’est le principal.” Je le pense, honnêtement. Néanmoins, m’interrogerait-elle sur mon sentiment que j’admettrais mon incompréhension face à cette volonté d’éviter la capitale.. à moins qu’il y fait une halte en secret. Qui sait… NOtre relation est plus érodée qu’une roche vieille de mille ans perdue au milieu de l’océan.

Tessa m’a sorti de mes pensées de la plus jolie des façons : elle a agité sous mon nez ses ongles vernis et, cette fois, j’ai éclaté d’un rire sonore. Le parking me l’a renvoyé en écho et il m’a surpris. Tout à mes ambitions, j’oublie parfois que se détendre implique le lâcher-prise et que ce n’est pas interdit. ”Très joli.” ai-je sifflé à l’instar des malappris. ”Je vais finir par croire que tu as entendu mes conseils, que tu vas lâcher Tinder et enfin sortir de ta zone de confort. Tu sais que si tu as l’intention de trouver un Parisien qui craquera à cou sûr pour ton accent, mon prétendant favori sera là ce soir. Tu n’as qu’un mot à dire. Je te le présenterai avec plaisir. Il est sain, celui-là, promis, juré.” J’ai levé la main droite avant d’ouvrir la portière et de l’inviter à s’installer. J’ai coulé sur elle une oeillade curieuse de sa réaction. Puis, arrivé à la sortie du parking, je me suis avisé de la circulation pour mieux l’affronter. Elle est dense, mais j’aime l’effervescence des grandes villes. Concentré sur la route, j’ai tout de même analysé mes sensations au profit de la sincérité. ”Faut le répéter à personne, pour ma réputation, mais j’avais oublié ce que c’était que d’avoir le trac. Le réalisateur a été génial. Il m’a laissé tourner quelques scènes et c’est un sacré coup de pouce d’être crédité pour ça sur son film. Je resterai pas acteur toute ma vie. J’ai des choses à dire moi aussi.” Parfois, je suis lassé d’emprunter les mots des autres pour rendre leurs idées concrètes. ”Puis, je me suis pris la tête avec Haslton récemment. Double pression, du coup. Je ne peux pas me louper ou elle va me tuer… pire, elle va ordonner qu’on me castre.”ai-je plaisanté en partie. Mon agent n’a pas le pouvoir de l'exiger, mais elle peut me virer et ce serait dramatique.
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05/02/1993

In the Air Tonight

@Terry Mulligan

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Tessa n’a jamais rechigné à retrouver son frère, et cela même s’il a cette impression parfois. Il est vrai qu’elle ne se donne pas toujours les moyens pour venir, qu’elle se trouve parfois des excuses, mais sa vie est à Bristol et il n’est pas toujours aisé pour elle de tout lâcher sans avoir à s’organiser, que ce soit pour la clinique ou alors pour gérer Hemingway. Pour autant, elle ne cache pas son enthousiasme à la vue de son ainé, elle compte profiter de chaque moment qu’il daignera lui accorder et si cette soirée la stresse un peu, elle préfère ne pas trop y penser pour le moment. « Tant qu’on y mange bien et qu’on ne vient pas te demander des autographes à tout bout de champ, ça me va ! Tu es à moi Terry Mulligan et je refuse d’avoir à te partager, c’est non négociable. » Elle a envie d’être un peu égoïste et de l’avoir uniquement pour elle, comme lorsqu’il n’était qu’un quidam, elle lui adresse un clin d’oeil complice avant de secouer la tête. « N’abuse-pas, à t’écouter je ne viens jamais te voir ! » Pas autant qu’elle le pourrait c’est vrai. « Et puis... j’adore Paris, enfin certaines choses de Paris ! » Elle n’aime pas les parisiens, trop pressés, trop mal aimables et bien trop peu avenant à son goût. Il n’y a qu’à voir le collègue de son frère pour se rendre compte. Et c’est d’ailleurs non sans une certaine surprise clairement affichée que Tessa regarde son frère essayant de détecter si oui ou non, il était sérieux. « Vraiment ?! J’étais certaine qu’il les avait gardés ! Il a accepté de te les rendre comme ça ? » La jeune femme vient embrasser la joue de son frère, loin d’être matérialiste pourtant, bien au contraire, mais pour le coup elle y tenait. « J’irai pas dire que tu es le meilleur pour des raisons évidentes, mais tu as mon admiration pour avoir été affronter le fétichiste ! » A son tour, elle lui adresse un clin d'œil pour le taquiner. Et ça n’a rien à voir avec un classement qu’elle ferait entre ses frères. « Tu lui as parlé un peu récemment ? » Elle lance une bouée, même si au fond, elle reste persuadée que la tranchée qui sépare ses frères est bien plus large qu’elle ne l’espère. Aussi, elle ne compte pas insister à outrance s’il botte en touche.

Le rire de Terry, d'une contagieuse légèreté, emplit le parking, tandis que la jeune femme continue de mettre en valeur sa manucure impeccable. Elle n'a pas oublié l'idée d'une rencontre possible, mais c'était avant tout pour être parfaitement apprêtée pour la soirée à venir qu'elle avait pris soin de se préparer avec autant d'attention. Désireuse de ne pas nuire à l’image de son frère. « Tu ne pourras plus dire que je ne t’écoute jamais ! » Qu’elle rétorque en battant des cils. « Et pour ton français, je veux bien le rencontrer... Si et seulement si, on convient d’un code pour que tu me sortes d’un guêpier. » Elle n’a pas envie qu’il joue les entremetteurs avec elle, mais pour dire vrai, Tessa désespère de trouver l’homme qui saura se projeter dans un avenir commun. Elle sait que ça ne l’engage à rien, au pire des cas, ça serait un échec de plus et dans le meilleur des cas, elle gagnerait une motivation de plus pour venir à Paris. Son visage se tourne vers celui de son frère, trop concentré sur la route pour remarquer son air sérieux, elle aurait cru qu’il aurait enjolivé les choses, mais sa sincérité lui plaît. « J’ai hâte de voir ce que ça va donner. Je suis certaine que ça va bien se passer ce soir. » Elle le lui souhaite en tout cas et elle apprécie sa franchise. Son sourire s’agrandit alors qu’elle s’apprête à en rajouter une couche. « Et promis je compte lire le générique jusqu’au bout, du moins si je ne me suis pas endormie avant. » Elle le taquine, bien décidé à se libérer du stress et à tenter de lever la pression chez lui également en détournant l’attention. « C’est pourquoi cette fois ? » Tessa est curieuse de son allusion, elle pourrait très bien ne rien demander, laisser couler, mais ça l’intéresse de savoir si elle pourra le sermonner ou non. « La prise de tête ? Qu’est-ce que tu as bien pu faire pour qu’elle menace de t’émasculer au juste ? »

21/08/1990

In the Air Tonight

@Tessa Mulligan ☆ Terry Mulligan

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”Et je serai ton dévoué, mais néanmoins illustre, serviteur pour toutes cette journée et les suivantes puisqu’en effet, tu ne viens pas assez… du moins à mon goût.” ai-je corrigé d’emblée étant donné que je suis celui parti à la conquête du cinéma européen. Tous les Mulligan sont installé à Bristol et d’aucuns, jusqu’ici, n’a quitté ce douiller berceau de façon durable. Parfois, quoique je sois heureux de ma condition enviable et que mes allers retours soient réguliers, la maison de mon enfance me manque terriblement, en particulier ces soirs où l’ennui me gagne et où ma solitude me pèse. Ce sentiment-là, je ne l’aime pas beaucoup. Il implique des remises en question sur mes choix ou sur mes comportements. La balance penche trop rarement en ma faveur pour que j’apprécie l’exercice. Il est inévitable cependant. D’apparence, je suis un fieffé égoïste. J’en joue d’ailleurs : ça fait partie du personnage et de la couverture. Ma spécialisation dans l’art de la suffisance ne m’épargne ni d’être un homme détestable aux yeux de beaucoup ni d’être ébranlé par les regrets. Au pire, je suis égotiste, mais Stendhal n’en a-t-il pas fait sa marque de fabrique ? L’a-t-on condamné sans accepter sa part sensible ? Aucun artiste ne brille de talents s’il est dénué de cœur. Je conclus sans prétention avoir les deux. Je le cache simplement plus ou mieux que mes congénères à moins d’avoir montré patte blanche ou, plus d’actualité, d’être détenteur de mes secrets d’enfants, de mes angoisses adolescentes, de ce que recèle ma nature profonde. Dans ces conditions, soigner aux petits oignons l’escapade de ma soeur sur Paris relève de l’évidence. ”Tu peux donc mettre ton coeur à l’aise : on mangera bien et on ne sera pas dérangé. Quant à tes escarpins, je ne lui ai pas demandé son avis. Je me suis fait invité et je les ai récupéré dans son dressing. Une chance que je te les ai offertes. Je ne sais pas si je les aurais trouvées au milieu de sa collection. C’était assez flippant pour être honnête. Et, je suis désolé de te l’avoir mis entre les pattes. J’en savais rien ou j’aurais évité.” Le sourire est mi-figue mi-raisin. L’aîné protecteur regrette d’avoir joué aux entremetteurs pour finalement lui présenter un type dérangé, un canard boiteux moins net qu’une vitre salie par la pluie. J’aurais mieux fait de m’abstenir… tout comme d’évoquer Link. Si, de prime abord, ma politesse ou l’ inquiétude fraternelle n’a pas découlé sur la curiosité de Tessa quant à l’état de ma relation avec son jumeau, le sujet nous file désormais. Il nous talonne. ”Qui ? Lincoln ?” ai-je formulé, non pour gagner du temps, mais parce que je suis surpris, hésitant quant à la réponse à offrir à ma cadette. ”Il est en Belgique. A 3h30 d’ici. Je suppose qu’il a prévu de passer par Paris. C’est un incontournable. Tu crois pas que c’est à lui à m’appeler ? Pour me proposer de me voir ? Si ça tombe, il est déjà venu ici et je ne le sais même pas. ” J’ai ponctué d’un hochement de tête par la négative, dépité, prêt à renvoyer la balle à Tessa d’un “est-ce qu’il a envie de me parler ?” A quoi bon ? Elle n’est responsable de rien et notre mésentente pèse déjà trop sur ses épaules tassées par sa maladie. A choisir, je préfère lui présenter le français par les mots le Français qu’elle rencontrera de visu durant ce week-end. ”Peut-être que ça devrait être ça, le code : Charleroi. Qu’est-ce que tu en penses ? Je t’aurais bien dit Paris, mais ça pourrait porter à confusion.” ai-je proposé, heureux d’être interrompu parles manoeuvres de la voiture et, plus globalement, par la circulation. Les coups de klaxon embêteraient quiconque ne seraient pas à sa place dans les grandes villes. J’ai donc coulé une oeillade discrète vers la passagère. Elle semble à l’aise, toujours aussi contente d’être avec moi et prête à écouter l’étalage des tracas d’un acteur ambitieux qui ne joue pas sa carrière ce soir, mais bien un avenir dans une discipline qu’il convoite. ”Tu auras pas besoin de le lire jusqu’au bout. ça devrait être écrit en assez gros pour être mis en évidence. Ce qui est assez étonnant, mais j’ai un super agent et le réal était plutôt content.” En d’autres temps, j’aurais ajouté “impressionné”. Je me suis retenu de peur que ma soeur ne me trouve pas à la hauteur le moment venu. ”J’ai eu une altercation avec un autre réalisateur sur un plateau, pour le nouveau film que je tourne, et qui est presque fini d’ailleurs. J’ai été obligé de m’excuser alors que je l’ai pas touchée, sa copine. Je l’ai draguée, oui. et, il l’a appris. Il s’est emballé, il a voulu se bagarrer et ce qui devait arriver, arriva. Mais, vois, je n’ai rien. J’ai été déjà dégagé avant que ça dégénère. ” Halston prétend que c’est une chance que les faits n’aient pas filtrés sur le net. Il aurait été à l’origine d’un scandale qu’elle n’aurait peut-être pas eu envie de laver. Pas cette fois. Le pire aura au moins été évité. ”Et toi, du coup ? Le cabinet ? Et… ta santé ? En général, je veux dire ?” Nul besoin de la réduire à sa pathologie, mais demander m’est nécessaire : j’ai besoin de savoir, ça m’inquiète encore.

05/02/1993

In the Air Tonight

@Terry Mulligan

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« Fait attention tu sais, je pourrais prendre goût à ça ! » A ce côté normalité qu’il lui promet. Tessa n’a jamais été très friande des mondanités et encore moins de la célébrité, bien trop à l’aise dans l’ombre pour espérer un jour briller dans la lumière. Elle lui laisse volontiers tout ça, lui qui semble nager dans cet univers tel un poisson dans l’eau. Quant à son allusion pour ses voyages parisiens, la jeune femme préfère ne pas se lancer dans ce débat, elle aime être ici, mais pas autant qu’être chez elle. Bristol est sa maison et même si elle aime voyager, elle ne s’imagine pas partir comme l’a fait Terry. Elle comprend son besoin de s’éloigner, qu’elle soit liée à son travail ou son besoin de faire son nid ailleurs, mais en ce qui la concerne, c’est à Bristol qu’elle s’imagine construire sa vie. Tessa s’est déjà imaginée cette maison avec jardin, des rires d’enfants et un homme avec qui elle partagerait sa vie. Jusqu’ici ses plans sont juste en stand-by, et si l’anglaise a un peu de mal à se projeter, elle sait qu’un jour elle l’aura cette vie. Un sourire vient illuminer son visage à ses mots, rassurée, elle se doute que le risque zéro n’existe pas, mais l’effort est là et l’anglaise saura s’en contenter. « J’ose même pas imaginer ce qui lui passe par la tête à ton gars lorsqu’il regarde son placard à fantasme ambulant ! Le malaise ! » La jeune femme secoue la tête en imaginant son frère planté devant l’armoire et la vérité c’est que ça l’amuse plus qu’autre chose. « Et dire que tu disais de me méfier des timbrés qui peuvent être sur cette appli de rencontre. » Est-ce qu’elle est en train de le charrier ouvertement ?! Clairement et elle ne compte pas arrêter de sitôt. Tessa ne lui en tiendra pas rigueur, l’homme en question ne lui avait rien fait après tout et si ce n’est ce détail, il avait plutôt été gentil avec elle.

”Il est en Belgique. A 3h30 d’ici. Je suppose qu’il a prévu de passer par Paris. C’est un incontournable. Tu crois pas que c’est à lui à m’appeler ? Pour me proposer de me voir ? Si ça tombe, il est déjà venu ici et je ne le sais même pas. ” Tessa le sait, le sujet sera toujours tendu malgré ses efforts. « Il n’est pas passé sur Paris à ma connaissance. » pour être franche, la vétérinaire n’est pas certaine que la capitale française soit au programme de son road trip. Elle préfère évincer le sujet délicat par crainte d’éveiller la jalousie latente qui règne entre ses frères. Tess n’aura pas l’indécence de parler plus encore de son jumeau quand elle lui a demandé d’être à 100% avec elle sur ces quelques jours. « Va pour Charleroi alors ! » Elle se demande si l’idée est bonne dans le fond, elle n’est même pas certaine d’être prête à rencontrer quelqu’un, pour autant elle ne souhaite pas se fermer de porte. Qui sait, Terry avait peut-être vu juste : ce Français pourrait bien lui plaire, finalement. « Alors je vais faire l’effort de tenir. » Avec un clin d’œil complice et une touche de malice, elle lui témoigne son soutien. En réalité, elle ressent déjà cette fierté, la même qu’elle a toujours éprouvée face à ses réussites professionnelles. « Il me tarde de voir ça ! Les parents sont fiers de toi tu sais. » Optimiste dans l’âme, elle lui souhaite sincèrement cette réussite, même si elle comprend le trac et la réserve qu’elle peut lire au travers de ses mots.

« Tu sais un jour, la chance ne sera pas de ton côté… » Elle sait comment il est avec la gent féminine, ce petit jeu auquel il joue sans cesse. L’anglaise secoue la tête, loin de cautionner ce versant de la personnalité de son frère. « Pourquoi tu joues avec le feu comme ça, tu te doutes bien que ça se terminerait comme ça non ? Enfin, tu réagirais comment si un goût tournait autour d’une fille à laquelle tu tiens vraiment ? » Et il est de notoriété publique que ce genre d’affaire fait les choux gras de la presse à scandales. « Je sais qu’on dit que toute presse est bonne à prendre, mais évite de te retrouver dans des trucs à la con… tu vaux mieux que ça Terry ! » Bien mieux que l’image qu’il se donne à outrance ! Le regard perdu ici et là, elle redonne sa pleine attention à son frère dans un petit haussement d’épaule. « Ca se maintient, mon dernier rendez-vous était plutôt encourageant dans le sens où ça n’a pas évolué. » En bien ou en mal et elle s’en contente pour le moment, tant que ça ne vient pas impacter son quotidien. « J’envisage de reprendre un collaborateur pour la clinique. Depuis qu’Adrian est parti, c’est un peu galère et je cours un peu, tu me connais. » Elle avait été attristée par son départ, mais après sa séparation avec Lincoln, elle n’avait pas vraiment été surprise. Quant à elle, toujours sur tous les fronts, elle a bien souvent des difficultés pour lever le pied, et il faut bien souvent que la fatigue se rappelle à elle pour qu’elle daigne ralentir le rythme.

La circulation parisienne vaincue, elle suit son frère jusqu’à ce fameux petit restaurant. Le quartier lui semble bien plus calme que certaines rues bondées et ça lui va. Ce n’est qu’une fois installée qu’elle vient sourire à son frère, de ce petit air mutin, laissant clairement penser qu’elle a de la suite dans les idées. « Alors c’est elle qui en pince pour toi ?! Tu n’as pas peur qu’elle s’imagine que tu me dates ?! Ah moins que ça soit ton plan, la rendre jalouse pour qu’elle s’intéresse à toi ? » Est-ce qu’elle vient battre des cils en le fixant ? tout à fait ! « C’est la fille « intéressante » de Tinder ?! »

21/08/1990

In the Air Tonight

@Tessa Mulligan ☆ Terry Mulligan

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”Et c’est peut-être mon but.” lui ai-je rétorqué du tac au tac, le ton emprunté au sien, à cette différence près que je l’épice du sel de la gravité. Je suis juste assez sérieux pour qu’elle comprenne l’allusion quand un néophyte ne l’aurait pas remarqué. Lui, il se serait contenté de rire à cette blague, conquis par mon panache, par cette verve trop théâtrale pour être pleinement honnête. Au contraire, j’insisterais sur mon plaisir si elle s’installait sur Paris, avec moi, à mi-temps, comme moi. Je déraille moins quand ma soeur est à mes côtés. Je ne brasse pas de la merde avec le bâton de ma superbe. Je réfléchis mieux parce que tessa a l’opportunité de me doucher sous un jet de conseils ou d’avertissements. Elle est le Gemini Cricket du pantin narcissique que j’incarne à merveille. Si elle n’était pas souffrante de façon durable, je lui téléphonerais à chaque fois qu’il me pousse une idée à la con. D’ailleurs, sur un thème bien différent, je profiterais de ce tête à tête pour lui confesser mes projets pour Chloé. Je manque de cran cependant. Je redoute l’éventualité d’une querelle qui pourrirait l’ambiance chaleureuse de nos retrouvailles. Ne sont-elles pas prometteuses ? Ne jurent-elles pas que ces quelques jours seront à la hauteur de notre complicité ? Que nous construirons ensemble des souvenirs qui prêteront à rire lorsque nous serons frappés par la nostalgie? J’argue, dans cette voiture, que la vérité mérite d’être respectée dans sa part d’ombre. Alors, je me tais. Je choisis de me répandre en moqueries au dépens du fétichiste que je lui ai collé dans les pattes. ”C’est moins ce qu’il pense que ce qu’il ferait qui le rend ridicule et infréquentable. J’ai oublié son prénom dès que j’ai refermé la porte derrière moi.” Pour sûr, il ne creusera pas dans mon quotidien un fossé de solitude à combler à tout prix. Il est déjà bien assez profond entre mes erreurs de père et mon entêtement en tant que frère Ling et moi naviguons à des années-lumières l’un de l’autre et quelquefois, ça me désole. Suis-je l’unique responsable si notre relation est réduite à une peau de chagrin ? Non ! Je recense un nombre considérable de maladresse, mais jamais je ne l’ai méprisé au point de l’éviter lorsque je gravite autour de Bristol. Je lui adresse toujours un message, alimentant l’espoir qu’il brisera la glace le premier en me proposant un café. A défaut, nous nous rencontrons chez nos parents : le terrain est neutre, l’entente est cordiale, la conversation, fluide et tout semble alors plus facile. C’est exactement ce dont nous avons besoin pour maintenir entre nous un semblant d’équilibre, mais, certainement pas pour nous retrouver. Force serait donc d’admettre que je ne miserais pas un kopek sur la possibilité qu’il me sonne lorsqu’il foulera Paris. ça arrivera, c’est indiscutable et qu’importe les présomptions de Tessa pour l’excuser. Les circonstances évoquées n’atténue en rien la douleur d’être ignoré : elles ne valent pas tripette. ”Et je doute qu’il te le dise si c’était le cas.” Il préféra un mensonge au péril d’écorner son image aux yeux de sa jumelle. Je ne l’aurais pas fait moi-même et je dénie l’hypothèse que son aîné soit plus noble que la mienne avec la fermeté d’un parent courroucé. Plutôt crever que d’y songer. Plutôt mourir que ce laisser-aller à des confidences sur ce traité d’armistice perpétuellement reporté. Je concède donc à ma sœur l’intelligence de sa transition. J’enregistre le mot de passe en acquiesçant, profitant de l’occasion pour changer définitivement de changer. ”Mais je suis certain qu’il ne sera pas nécessaire. Lui, c’est vraiment un mec bien. Il n’a pas d’appli chelou sur son téléphone.” l’ai-je taquinée en référence à Tinder. ”Par contre, hors de question de rentrer avec lui, même si tu avais un coup de foudre. Faudra revenir pour un rencard. Quand je ne suis pas en ville, de préférence. Je promets qu’en retour, je garderai mes yeux dans mes poches ce soir et les jours qui viennent. Deal ?.” Big deal. Pas de concession. Elle ne traverse pas la Manche assez souvent pour que je la cède pour quelques heures. J’ai lâché le volant d’un main pour la lui tendre, qu’elle acte ce serment en claquant sa paume contre la mienne. En réalité, je détourne notre échange de la source de mon trac réputé rare, mais qui existe : je suis bon comédien. ”Fiers ? Vraiment ?” me suis ensuite enquis, les pupilles vibrantes de satisfaction. Mes sacrifices n’ont pas été vains : j’ai aspiré à ce qu’il parle de moi avec leurs amis avec, dans la voix et dans le regard, cette arrogance détestable tandis qu’il liste mes récompenses professionnelles à défaut de pouvoir s’enorgueillir de mes prouesses d’ordre privée. Je suis un éternelle célibataire, un père démisionnaire, un fieffé dragueur peu conscient des limites du tolérable. Combien de femmes ai-je éconduit après une nuit d’amour ? Combien ai-je charmé alors qu’elles étaient prises, les poussant dans les tranchées de l’infidélité ? Combien de bagarres n’ai-je pas évité à l’aide de pantalonnade ? Je suis le tartuffe de l’amour au grand désespoir de ma petite soeur. ”Et qu’est-ce que tu veux qui m’arrive ? On me cassera le nez et on me le réparera. ça fera mal, mais c’est un moindre mal, crois-moi.” Nul doute que Tessa s’est figurée en train de m’étranger avec le cordon de mon câble USB. ”Et pourquoi pas ? Qu’est-ce qui m’en empêche ?” Je déjoue le piège de sa question avec une réponse de Normand : une interrogation pour une autre. Sauf que je me sens dégueulasse de noyer le poisson. Ce traitement, je peux le réserver à la terre entière, mais pas à ma soeur. ”J’en sais rien. Peut-être parce que je m’ennuie. Je le fais pas pour qu’on parle de moi, Plus maintenant. Je n’ai plus besoin de ça… enfin, pas pour le moment. Je le fais parce que je sais pas comment je pourrais réagir puisque je tiens jamais à quelqu’un assez longtemps pour ressentir de la jalousie amoureuse. Tu sais, cette peur de perdre l’autre qui te font faire des choses complètement stupides, voire ridicules ? Je connais pas. Je vais chercher l’adrénaline à la place, l’interdit, c’est excitant, tu sais. ” J’ai soupiré longuement et profité d’un carrefour pour me dérober à son regard. ”Tu entends quoi par ton truc à la con ? ” Des plaintes pour agressions sexuelles ou autres joyeusetés dont je suis incapable ? ”Tu sais que j’ai des limites, pas vrai ? ” ai-je demandé, la détaillant sans ambage, heureux d’être arrivé au restaurant, à l’arrêt dans son parking privé.

Il n’existe pas mille explications pour justifier mon empressement à sortir de la voiture. La petite brune, répondant au prénom froid, mais qui sonne bien, de Sophie n’y est pour rien non plus. Je n’ai pas plus hâte de la voir que je ne suis curieux du jugement de ma sœur sur mon attitude avec les femmes ou les hypothèses sur les dangers qui me pendent au nez. C’est ça, que je fuis, car je déteste me sentir comme un gosse à recadrer. J’appréhende autant ses hypothèses que les nouvelles de ses médecins. Bien sûr, je suis soulagé que sa pathologie soit en statu quo. J’ai toutefois toujours à cœur qu’elle me suive outre-atlantique pour s’enquérir d’un second avis qui, j’en suis persuadée, lui changera la vie. Dois-je lui avouer que les années n’ont pas entamé ma motivation ? Que mon téléphone contient le numéro d’un spécialiste qui travaille sur des essais cliniques supposés alléger le quotidien des personnes atteintes du même mal que celui de ma benjamine ? Peut-être, oui. Peut-être que le moment est venu d’être sincère. Peut-être aussi - sans doute - aurais-je réfliéchir au concept de douceur avant de l’ouvrir. Je jure qu’elle s’est décomposée alors qu’elle s’intéressait encore à ma vie “non-amoureuse”. Ma culpabilité est immense. ”On n’est pas obligé d’en parler longtemps, voire pas du tout même. Je te demande juste de me dire oui ou non. ” De répondre par un adverbe à cette question simple : “as-tu changé d’avis ?” ”Après, je te promets que je te raconte avec Melryl. la fille de Tinder. C’est plus fun que la serveuse.” Celle qui, les menus à la main, s’avance vers nous, tout sourire, sourire mignon au demeurs, mais bien trop niais pour mes critères.