☆ Alessia & Terry • We're not friends

We're not friends

@Alessia Ruggiero ☆ Terry Mulligan

gifs by (c) Keetika et (c) Oswald

Assis dans la caravane de luxe qui me sert de loge, j’oscille entre la colère et l’hébètement d’avoir été dégagé du plateau. Moi, Terrence Mulligan, l’étoile montante du cinéma, l’acteur en vogue qui joue la fine bouche devant les propositions américaines, j’ai été viré par un réalisateur impotent. Est-ce de ma faute si je plaisais à sa gonzesse ? Dois-je porter seul le blâme lié à mes jeux de séduction parce qu’il n’est pas capable de satisfaire sa dame ? Elle a participé à la partie, l’hypocrite. Certes, elle a nié à la faveur de son couple et de sa réputation, mais je n’ai pas rêvé. : elle m’aurait suivi volontiers jusque dans mon lit si je l’y avais invitée. Certes, aurais-je appris sa liaison avec le “patron” que je me serais montré plus insistant, mais chacun ignore ma bassesse de petit con ? Je trouve la situation injuste et, comme si gérer deux émotions à la fois n’était pas déjà suffisant, l’appréhension m’a tendu la main. dans mon imaginaire, elle ressemble à Halston, Halston qui va me tuer en trois mots, qui rêvait de me castrer et qui envisagera de payer l’opération pour se débarrasser de moi et du lot d’emmerdes que je balance sur son bureau tournage après tournage. Un instant durant, je me suis figuré l’appeler, mais j’ai renoncé. Ma fierté refuse d’être tancé alors qu’elle accuse mal le choc de cette éviction. qu’elle soit temporaire me console peu d’ailleurs. Je m’en balance que le budget soit trop serré pour caster un nouveau premier rôle et pour ensuite recommencer  les prises déjà dans la boîte. Les impératifs pécuniaires ne valent rien comparé à mon égo meurtri, celui que je porte sous mon bras alors que je quitte les lieux la tête haute par défiance. Au fond de moi, je n’en mène pas large et, par réflexe et par besoin, j’ai tenté de joindre Tessa, en vain.

Bredouille, j’ai erré dans les rues de Paris durant une heure avant d’embarquer dans un train pour Londres. M’engouffrer dans un taxi vers Londres m’a rassuré. J’ai envie d’être chez moi, là où j’ai grandi, dans cette ville abritant mes points de repère. Alessia comptant parmi ses derniers, c’est auprès d’elle que je choisis de me réfugier. Nous nous connaissons depuis si longtemps que je la qualifierais par le terme d’amie si nous ne chiffonnions pas ensemble des draps de soie ou de coton selon le cas. Je me souviens que, la fatigue aidant, je n’ai pas entrepris de maquiller mes frustrations lorsqu’elle m’a ouvert la porte. Je me suis présenté à elle penaud, faible d’une authenticité crasse et, à mon sens, répugnante.”dis-moi que je ne te dérange pas” ai-je jeté au milieu de son salon. Je l’ai d’abord investi, puis sondé d’un oeil inquisiteur. Pas d’intrus : je bénis le répit à venir. ”Tu allais te coucher peut-être ? Il est tard en même temps, je sais. Mais…” Quoi ? Je n’avais pas envie d’être seul ? Ce n’est pas avouable. ”Et tu aurais mieux fait de me laisser dehors, tu as l’air fatigué. Tout va bien ?” Je l’ai supposée éreintée par une journée de travail compliquée, mais trop égoïste pour m’en soucier, je me suis avachi dans son sofa. ”Tu me servirais un truc à boire si je te le demandais gentiment ?  ” Je lui ai décoché un sourire éclatant, emprunté, de façade et je suis certain qu’elle l’aura remarqué. Pourtant, je poursuis : ”Un truc fort… ça m’aidera à digérer ce que je m’apprête à te raconter. Je te préviens, c’est du lourd, tu vas avoir autant de mal à y croire que moi. Prête ?”

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@Terry Mulligan ☆ Alessia Ruggiero

gifs by (c) Keetika et (c) Oswald

Une éreintante journée dans les pattes. J’avais pas mal de créations à faire ces derniers temps. La rentrée arrivait à grand pas et l’heure de la fin de l’été commençait à sonner. Laissant place à l’automne qui venait s’installer tout doucement. J’avais passé la journée à l’atelier à gérer toutes sortes de choses : de la paperasse, comme la compta, les calculs et moi ça fait douze. Mais, étant dans une petite structure que j’avais moi-même fondée, je n’avais pas le choix. Les factures du mois, les acomptes déjà versés et j’en passe. Énormément de paperasse logistique. Mais pas seulement, je m’étais lancée sur d’innombrables croquis. Plus d’un avaient terminé au fin fond de la poubelle. Je n’étais pas fière, ni contente de moi, pas inspirée. Plutôt perturbée mentalement par ce polichinelle dans le tiroir. Je n’arrivais, pour tout dire, à rien. Me laissant tourner sur ma chaise roulante en soufflant, et rejetant la tête en arrière désespérément. Seule, malheureuse comme les pierres, livrée à moi-même. Je me demandais ce que j’allais bien pouvoir faire de cette histoire, à qui j’allais en parler ? Mes frères ? Mes sœurs ? Cody ? Quelqu’un d’autre ? J’étais là, seule face à moi-même, limite en train de me causer toute seule. Je commençais à comprendre ce que voulait dire devenir folle.

Vingt-et-une heure passée, je regardais l’horloge qui était accrochée au mur face à moi. Je décidai alors de quitter les lieux pour rentrer chez moi à Redland. Il était trop tard et même si parfois je reste productive la nuit, là ça n’allait certainement pas être le cas. Bien vingt bonnes minutes qui suivirent, me voilà arrivée dans mon grand appartement bien vide. Sean n’était plus là et je vivais seule. C’est pourquoi, de temps à autre je me trouvais des occupations en sortant avec des amies, par exemple. C’est pour cette même raison qu’aujourd’hui j’étais dans cette superbe situation. J’avais envie de rouler des yeux et me pincer ou frapper pour vérifier que tout était bien réel. Une fois chez moi, ressentant le fait que désormais je n’étais plus seule, mais deux, avec une énorme faim de loup qui arrivait. Je saisissais cette boîte qui traînait dans le frigo et qui était destinée à être mon repas du soir. Je l’engloutissais, bien vite, comme si j’étais en train de mourir de faim. Après avoir mis assiette, verre et couverts dans le lave-vaisselle, je me retrouvais, tranquillement, j’avais décidé de me faire bouillir un peu d’eau pour prendre un thé. Je me dirigeais sur mon canapé, accompagnée de mon thé et prête à mettre mon plaid, quand soudain j’entendis frapper à la porte.

Pas très ravie d’avoir une visite surprise à cette heure-ci pour me retirer de mon seul moment de détente de la journée. Je me dirigeais sans grande motivation vers la porte d’entrée. Quelle fut ma surprise et quelle ne fut pas à la fois, quand je découvris Terry devant celle-ci qui me suppliait de lui dire que je ne le dérangeais pas. Je n’eus pas le temps de dire quoi que ce soit, qu’il se trouvait déjà au milieu de mon salon. « Terry.. » avais-je vaguement bafouillé. Il me fit remarquer qu’il était tard et supposait que j’allais me coucher, mais, ça ne l’empêchait pas de complètement s’imposer à moi. Ça ne me dérangeait pas au fond. Je préférais sa compagnie plutôt que la solitude. Il ajouta que j’aurais mieux fait de le laisser dehors car je semblais fatiguée. Il me demandait tout de même si j’allais bien. Je fermais alors les yeux en secouant la tête. « Ça va, ne t’en fais pas. » me montrais-je des plus rassurante possible. Il ne semblait pas réellement écouter la réponse, en tout narcissique tourné vers lui-même qu’il était. À la place, il s’étala dans le canapé en me demandant si je pouvais lui servir quelque chose à boire, arborant un large sourire. Ce qui me fit sourire aussi. Si je ne le connaissais pas aussi bien et si ce n’était pas lui, je l’aurais sûrement mis à la porte. Bien cordialement pour passer la soirée tranquille. Mais… c’était Terry. Il ajouta qu’il voulait quelque chose de fort, que ça l’aiderait à digérer ce qu’il avait à me dire. Je fronçais alors les sourcils en me demandant bien ce qu’il allait pouvoir me lâcher. Qu’est-ce qui pouvait être si pire que ce que MOI j’avais à lui dire ? Pour le moment, je ne voyais vraiment pas…

Je me dirigeais alors vers le meuble sous la télé et en sortis une bouteille de tequila et une autre de whisky, ainsi qu’un verre pour lui, en récupérant ma tasse de thé. « Choisis ton poison et raconte-moi tout ça » Je pris place à côté de lui en le regardant pleine de compassion, ma tasse chaude entre les mains.

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@Alessia Ruggiero ☆ Terry Mulligan

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Je n’ai pas été accueilli par un enthousiasme extatique. A peine m’a-t-elle salué de ce “Terry” qui, pourtant, n’avait rien de froid et, pour être honnête, ça ne m’affecte pas. Je ne l’ai embrassé ni sur la jour ni sur les lèvres. J’ai investi son appartement avec la désinvolture des gars sans manière. Pourquoi en ferais-je ? Elle a du caractère, Alessa. C’est une ère de famille qui,  à défaut d’être stable sentimentalement parlant, m’apparaît plus pondérée que spontanée. Elle me semble également à l’aise avec ses limites et assez franche pour me recadrer si je les dépassais. Aussi n’ai-je pas réfléchi plus avant à propos d’un éventuel souci à cette visite-surprise. Si tant est que je puisse la déranger - , j’en doute, franchement - je suis persuadé qu'elle m’aurait rencardé avec la solitude à l’instant même  où j’ai souligné cette fatigue qui lui colle au trait. La remarque n’avait rien de délicat, j’en suis conscient. Cela étant, je ne regrette pas. Je suis embêté avec ces concepts abstraits autour de la vérité. Tantôt elle prévaut sur le mensonge bien moins honorable, tantôt il convient de la taire par politesse… et, moi, ces conneries-là, elles me blasent. Elles me perdent parce que je ne dupe pas les gens appartenant à mon cercle de proches. Nous nous côtoyons depuis trop longtemps, l’Italienne et moi, pour que je m’encombre de principes désuets. Je partage ses draps si régulièrement que je trouverais idiot d’attendre une invitation en bonne et due forme pour m’installer dans son divan. Je ne suis pas un inconnu voué à montrer patte blanche pour justifier de mes intentions lorsque je débarque à l’improviste. Du moins en suis-je persuadé parce que l’inverse suggérerait qu’appartenir à son intimité relève du privilège. Or, le contraire s’approche davantage de la réalité de notre relation. C’est moi qui, un jour, l’ait honorée de mon intérêt parce qu'elle est belle, certes,  mais surtout moins niaises que la majorité des filles de mon milieu. N’ai-je pas mérité d’être à l’aise chez elle et avec elle ? N’ai-je pas gagné le droit de profiter de sa compagnie comme je l’entends ? Le cas échéant, je ne bouscule pas ses habitudes de célibataire dans l’espoir de cueillir à l’arbre du plaisir son fruit défendu. Sur l’heure, j’ai besoin d’elle pour m’entendre, pour m’écouter et pour m’aider à gérer cette frustration à l’endroit d’un réalisateur que je rêve de boxer. Alors, je réclame un verre et son oreille avec au coeur la conviction qu’elle accèdera à toutes mes requêtes. Elles ne sont pas folles, juste inhabituelles. Sauf que je suis trop fier et imbu de moi-même pour l’avouer ou mesurer l’impact de cette intrusion.  ”De la Tequila. C’est parfait.” ai-je rétorqué, remarquant avec perplexité qu’elle n’a tiré qu’un verre de son buffet.  ”Tu vas me laisser boire tout seul ? Tu es sérieuse ?” Offusqué - voire intrigué - je me suis redressé. Mon dos s’est décollé du divan, mes coudes se sont posés sur mes cuisses et je l’ai dévisagée d’un oeil inquisiteur.  ”Quel intérêt j’aurais à te raconter mes emmerdes si tu picoles pas avec moi ? Si j’avais besoin d’une psy, j’en aurais sorti une de son lit.” Inutile cependant. Je ne crois pas à toutes ces conneries sur la maïeutique. Un psychologue est un charlatan oeuvrant dans la légalité. C’est crasse, dégueulasse, pas pour moi.  ”C’est bon, sers-moi un thé, mamay. Je ne suis pas dans le mal au point d’être pathétique. Et, comme je vois que tu brûles d’impatience de savoir ce qui m’est arrivé, je te raconte. J’ai été dégagé comme un malpropre, pour deux jours, mis à pied, tu y crois, toi ? Comme si j’étais personne…” Ou un débutant qui doit faire ses preuves et qu’on arrose de pression pour le pousser dans ses retranchements.  ”Ils peuvent se brosser pour que j’y retourne, à ce tournage.”Faux. Je ferai ce qu’Halston attend de moi.  ”Surtout que, pour une fois, j’ai rien fait.” Ou pas encore. J’étais à l’heure tous les jours et c’est assez rare pour être souligné.