L'écho de la peur (Mac Kelly)

L'écho de la peur (Mac Kelly): Elle l'a fui il y a un peu plus de vingt ans. Elle ne pensait jamais le revoir. Il vient raviver en elle cette peur effroyable... la confronte aux démons de son passée. S'en sortira-t-elle indemne?

**

Je m’attendais à passer une excellente journée, comme toutes les autres d’ailleurs. C’est temps-ci, j’étais sur un véritable petit nuage. Il fallait dire que ce nouvel emploi à l’université me comblait de joie et me remplissait de fierté. Pour une fois, la routine avait un goût réconfortant. Un large sourire illuminait mon visage, alors que je verrouillais la porte de mon appartement.

Je pris place dans mon véhicule, modeste et suffisant. Je n’avais aucun intérêt pour ces grosses cylindrée tape-à-l’œil, véritables symboles ostentatoires. Non seulement je n’avais pas les moyens et/ou le désir de m’en offrir une, ces machines bruyantes me semblaient dangereusement imprudentes.

En roulant entre les rangées de bâtiments alignés, leurs façades arborant une palette de couleurs variées, je pris un instant pour savourer ma chance. Mon fils et mon avions trouvé ici un cadre de vie chaleureux et sécuritaire, un refuge où le quotidien, même dans sa simplicité, offrait une paix d’esprit incomparable.

Soudain, un bruit sourd retentit sous le capot. Le moteur s’éteignit brusquement et la voiture ralentit progressivement. Je mis les feux de détresse et tournai le volant pour me ranger sur le bas-côté. D’un geste pressé, je fouillai dans mon sac à main, un cadeau de mon fils pour mon quarantième anniversaire, à la recherche de mon téléphone. Ce sac, fidèle compagnon de mes journées, renfermait tout un fatras : ma tablette, mes cigarettes, ma trousse de maquillage... et bien sûr, mon téléphone.

Après avoir composé le numéro de mon assureur, qui incluait un service de remorquage, un dépanneur arriva une vingtaine de minutes plus tard. Ce dernier chargea mon véhicule sur son plateau et m’emmena dans un garage voisin, le Mi:motors, niché au fond d’un cul-de-sac, un endroit qui était parfait pour une partie de cache-cache.

Une fois arrivée, je descendis et me dirigeai vers l’accueil. Je fis tinter la clochette sur le comptoir, mais personne ne vint. Après quelques minutes dans l’attente, je décidai d’explorer et poussai la porte ouverte menant à l’atelier où ma voiture venait d’être déposée.

« Bonj... »

Et c’est là que je le vis.

Mon souffle se bloqua. Lui. Le fantôme de mon passé, celui qui m’avait détruite, physiquement et psychologiquement. Mon bourreau. Celui que j’avais fui des années auparavant, avec l’espoir de ne jamais recroiser son chemin. Je restai figée, l’esprit en ébullition. Comment était-il possible qu’il se trouve ici, à seulement quelques kilomètres de chez moi? Était-ce une coïncidence... me surveillait-il?

Mon fils, notre fils. Est-ce qu’il l’avait déjà croisé? Lui avait-il déjà parlé? Connaissait-il seulement son existence? Toutes ces questions tourbillonnaient dans ma tête, alimentant une panique grandissante et incontrôlable. Mes jambes tremblèrent violement et je dus m’accrocher au montant de la porte pour ne pas m’effondrer. Mon cœur battait à tout rompre, comme s’il allait éclater dans ma poitrine. Lentement, sans quitter des yeux cette silhouette qui me glaçait d’effroi, je commençai à reculer. Chaque fibre de mon corps était en alerte, chaque instinct me hurlait de fuir. Mais où? Qu’allait-il faire? Était-il ici pour me faire du mal? Pire encore... pouvait-il en vouloir à ma vie? La peur m’envahit entièrement, viscérale... étouffante.

**

@Mac Kelly

Je pensais en avoir terminé avec cette peur. Après tout ce temps, je croyais être passée à autre chose, convaincue qu’il n’avait plus aucune emprise sur moi. Contre toute attente, son visage avait ravivé l’impossible. Les yeux fixés sur sa silhouette, je le laissai approcher sans un mot, pétrifiée, prisonnière d’une stupeur qui refusait de me quitter.

Lorsque ses doigts effleurèrent ma peau, je fermai les yeux et me crispai en un réflexe instinctif. Ses caresses, autrefois pleines de douceur et de tendresse, s’étaient transformées en gifles, en coups, en marques indélébiles. D’une certaine manière, il avait tué l’ancienne Miranda, et je lui en voulais terriblement pour ça. Pourquoi m’avoir sauvée ce jour-là, pourquoi m’avoir éloignée de cette explosion... si c’était pour mieux me briser ensuite? À quoi bon?

« Tu... je... c’est pas... c'est personne... personne m’envoie. Ma... ma voiture… » Balbutiai-je.

Ma voix tremblante se brisait au fil des mots. Les larmes roulaient sur ses joues, se mêlant à l’huile noire sur ses doigts.

Mon regard accrocha le sien, mais je ne lisais rien. Rien d’humain, rien de sincère. À l’époque, je croyais comprendre ses silences, ses expressions. Les années m’avaient enseigné une dure vérité : je ne savais rien de cet homme. Il n’était qu’un étranger, un étranger auquel je m’étais abandonnée trop vite. Aveuglée par une passion naïve, j’avais laissé cet inconnu s’emparer de mon cœur avant qu’il ne le réduise en miettes.

Mon souffle se raccourcit. Je sentis une vague de panique s’emparer de mon corps, mais je la repoussai, lentement, douloureusement. Je ne pouvais pas rester immobile. Je pensais à Ollie, à la vie que nous avions bâtit. Mon regard glissa autour de la pièce, cherchant désespérément quelque chose pour me défendre. Du bout des doigts, je tâtonnai le comptoir. Quand ma main rencontra la clochette qui ne m'avait précédemment servi à rien, je m’en saisis d’un geste vif et sans réfléchir, je la lui abattis sur le côté de la tête.

« Ne me touche pas! Plus jamais! »

Ma voix fendit l’air, forte, déchirante, libératrice. Je n’en revenais pas. J’avais hurlé. Mieux : j’avais agi. Pour la première fois, je m’étais défendue. Je redressai les épaules, m’efforçant de dominer la peur qui tambourinait encore dans mes veines.

« Tu as perdu ce droit depuis longtemps! Dois-je te rappeler pourquoi? » Crachais-je, la voix tramblante de colère.