It's a new day #1

Deux jours plus tôt
Comme beaucoup de monde au réveil, j'ai ce sale réflexe de regarder mon téléphone alors que mes yeux ne sont même pas encore tout à fait ouverts. Ce matin, il y a des notifications qui ont le don de me réveiller d'un coup : un appel manqué de Mayra et un message vocal. Je hausse un sourcil en m'empressant d'appeler mon répondeur pour écouter le message, en espérant qu'elle n'ait pas eu besoin d'aide cette nuit parce que là ça doit clairement être trop tard si c'est le cas. Sa voix retentit dans mon oreille, hésitante mais enjouée, ses mots sont un mélanges de compliments étranges et d'idées saugrenues. Je hausse un sourcil, un peu pris au dépourvu. La sincérité maladroite dans sa voix est plutôt flatteuse même si je comprends qu'elle est sous l'effet de quelques verres en trop. Pendant la journée, je me surprends à repenser à ce message. J'imagine la tête de Mayra quand elle réalisera ce qu'elle m'a raconté, je me demande si elle va oser en parler. Encore faut-il qu'elle s'en souvienne. Pour être honnête, ça m'arrangerait pas mal qu'elle ait tout oublié et que cette histoire reste sous le tapis. Ca ne peut rien apporter de bon ce genre de choses, mis à part nous déconcentrer pendant le boulot ! Même si au fond, j'aurais bien envie de la mettre mal à l'aise pour la taquiner...

Aujourd'hui
Lorsqu'elle arrive au centre des affaires, j'ai déjà pas mal avancé sur les commandes que j'ai eu à l'avance. Il manque quelques finitions et il n'y a plus qu'à attendre les clients spontanés pour le déjeuner. - Salut Mayra. dis-je calmement avec un sourire en coin. Je garde un air détendu mais mes yeux rient un peu. J'attends de voir si elle va se confondre en excuse ou si elle va faire comme si de rien était. Quand je la vois déjà s'affairer à son travail sans que je ne lui dise quoi faire - j'aime ce genre d'apprentie, je l'observe un moment avant de briser le silence. - Bien remise de ta soirée de l'autre jour ? que je demande sur un ton neutre. Je pourrais la rassurer directement, lui dire que ce n'est rien et que j'ai compris qu'elle était bourrée, mais j'avoue que ce petit jeu commence à m'amuser, moi qui ne voulait pas être déconcentré de mon travail, c'est mal barré pour aujourd'hui.

@Mayra De Castel

Lorsqu'elle arrive au foodtruck, je remarque tout de suite qu'elle n'est pas dans son état habituel. D'habitude, Mayra est une personne énergique et qui aime parler. Là, j'ai juste l'impression qu'elle a envie de s'enfoncer dans un trou de souris. Je comprends qu'elle se souvient de son appel et que cette histoire ne restera donc pas cachée sous le tapis. Je l'observe se plonger dans ses tâches en silence, amusé. Ca fait bizarre de la voir aussi réservée, ça fait quelques temps qu'on travaille ensemble et c'est bien la première fois que je la vois comme ça. Je décide de briser ce silence inhabituel, ce qui la fait réagir directement. Je souris à sa réponse en continuant de la fixer. Je vois bien qu'elle est en plein combat intérieur, tiraillée entre l'envie de tout effacer d'un revers de main et la curiosité de savoir précisément ce qu'elle a pu dire dans ce message. - Mince, ça veut dire que je dois pas tenir compte du fait que je suis canon ? je demande, l'air amusé. Elle ne sait plus où se mettre et ça m'amuse, même si sur le moment, ce message était complètement lunaire. Je n'ai jamais regardé Mayra comme une potentielle conquête. C'est mon apprentie, et c'est tout. Bon d'accord, au début je l'ai trouvée jolie et elle l'est, on ne va pas se mentir, mais le travail reste le travail et ici elle n'est rien d'autre qu'une cuisinière. Tout est clair dans ma tête, c'est bien pour ça que je me permets de la taquiner un peu. - Il y avait aussi une histoire de légumes... Je fais mine de réfléchir un instant. - Apparemment, tu voudrais être à leur place quand je les coupe. Bon ça c'est plutôt glauque par contre. Je la regarde en haussant un sourcil en essayant de trouver ce qui a bien pu lui passer par la tête pour dire ce genre de choses. Je lui accorde tout de même le fait que j'ai ri en écoutant le message. - Le reste n'était pas trop étrange. Il y avait pas mal de compliments que j'aurais volontiers acceptés mais bon, puisque je dois pas en tenir compte, tant pis... dis-je en haussant les épaules avec un air faussement vexé.

@Mayra De Castel

Je l'observe alors qu'elle semble dépassée par la situation. Elle a les joues rouges, je perçois la panique qui grandit en elle et j'ai l'impression qu'elle ne contrôle plus ses mots. Je me surprends à aimer ce petit jeu que j'ai installé entre nous, l'ambiance est vraiment différente de d'habitude. En général, je tiens à ce qu'une ambiance professionnelle règne lorsqu'on travaille, je ne suis pas non plus un patron tyrannique loin de là, j'aime juste être sérieux quand je bosse. Quand elle laisse échapper un "si tu es vraiment canon, mais...", je me retiens de rire, étonné par la spontanéité de cet aveu. Elle s'en rend compte aussitôt et je la vois grimacer, visiblement mortifiée par ses propres mots. Elle pouffe de rire lorsque je lui raconte l'histoire étrange des légumes et d'elle qui aimerait être à leur place quand je les coupe et je la rejoins dans son rire. Je crois qu'elle commence à se rendre compte que toute cette histoire est plus drôle qu'inquiétante. - Oui oui, tu l'as vraiment dit. je réponds en la regardant. J'ai beau avoir de l'imagination, je n'aurais pas eu l'idée d'inventer de pareils propos. Il y a vraiment que l'alcool pour vous faire dire de telles choses. - Je plaisante Mayra. dis-je doucement pour la rassurer à propos des compliments. - Je t'avoue qu'avant cette histoire de légumes, je pensais que le message ne m'était même pas destiné. Je lui souris, si elle n'avait pas parlé de cuisine et qu'elle ne m'avait pas appelé "patron" à la fin du message, elle aurait pu se défendre en disant qu'elle s'était trompé de destinataire. Je secoue la tête lorsqu'elle s'inquiète d'avoir dit des choses déplacées. - Rien de déplacé, je te rassure. Juste des choses... surprenantes. Disons que je m'y attendais pas. je réponds en m'approchant du plan de travail. - Ecoute, y'a pas mort d'homme. L'alcool fait faire des trucs bizarres aux gens, je vais pas t'en tenir rigueur. Je lui souris avant d'ajouter : - On va juste essayer de faire en sorte que ça ne se reproduise pas, hein ? Je dis ça surtout pour essayer de reprendre ma casquette de patron. Mais si je devais être totalement honnête, je lui dirais que son message était plutôt flatteur et qu'il ne m'a pas laissé indifférent. C'est évidemment hors de question que ces mots dépassent la barrière de mes lèvres.

@Mayra De Castel