I feel the rush ※ EDDON #30

06/2024 202 Henley Grove, Redland

Si les mois écoulés depuis l’explosion d’une partie de sa vie ont fini par laisser place à un semblant d’accalmie, la frustration qui le guette chaque fois qu’il rentre chez lui est en revanche restée la même. Celle de vivre aux côtés d’une femme qui ne désire plus rien partager avec lui ou juste de brefs moments pour leur fils, face auquel leur couple parvient encore à s’accorder même si cela rappelle un peu trop à Eddie que leur ultime connexion est celle-ci. Parfois, le jeune père aimerait que ces sentiments dont il reste prisonnier puissent au moins s’envoler pour rendre cette cohabitation un peu moins difficile, mais force est de constater qu’Halston éveille encore bien trop de choses en lui pour qu’il se résolve à conjuguer tout ce qu’ils ont vécu au passé. Il se l’interdit, et refuse de passer à autre chose comme un homme résigné le ferait malgré les sollicitations de sa mère lui rappelant souvent qu’il est de nouveau célibataire – toujours très subtile quand il s’agit d’intervenir dans sa vie amoureuse. C’est Halston et ce sera toujours elle, s’efforce-t-il à chaque fois de répondre comme s’il détenait encore la moindre chance d’obtenir le pardon de l’américaine, une persévérance que même sa sœur peine parfois à comprendre. Eddie s’accroche même s’il ne sait lui-même pas toujours très bien à quoi, et ce sentiment de doute est ce qu’il s’emploie à combattre une fois au théâtre car plonger la tête la première dans sa passion est le meilleur moyen de ne pas songer à ce qui l’attend chez lui. Danser pour oublier, mais aussi pour se punir quand il ne sait pas dire stop et inflige un rythme presque trop intense à son corps. Eddie se fiche d’avoir mal, tout comme il se moque des regards curieux pesant sur lui aux quatre coins de la Northlight depuis son apparition dans la presse à scandales. Il faut bien alimenter les ragots autour de la machine à café, c’est ce qu’il se répète pour ne pas donner d’importance à une image qui n’a de toute façon jamais été parfaite dans les couloirs de cette compagnie. Un lieu d’autant plus propice à lui valoir des jugements qu’il en avait fait le cadre de sa demande en mariage, de quoi rendre depuis chacune de ses montées sur scène un peu plus éprouvante et amère. Une autre chose qu’Eddie tente de noyer dans une pratique excessive de la danse depuis déjà plusieurs mois, et ce n’est pas encore ce soir que son corps aura droit à la moindre clémence de sa part car le spectacle qui approche n’est désormais plus qu’une excuse pour gagner le droit de s’abîmer sur ce parquet.

Si les courbatures ne sont plus vraiment un problème pour un artiste de son niveau, une bonne douche chaude n’est tout de même pas de refus pour détendre des muscles qui ont été durement sollicités durant sa journée. Le chemin emprunté à son retour est alors toujours le même : Eddie vient embrasser son fils lorsqu’il est le dernier rentré avant de rejoindre la chambre d’ami qu’il occupe depuis janvier, pour se défaire des vêtements dans lesquels il a intensément transpiré. Il profite ensuite du fait de trouver la salle de bain libre pour s’octroyer la fameuse douche promise, mais ne semble pas toujours avoir le réflexe d’en fermer totalement la porte comme en témoigne aujourd’hui son oubli. Rien qui n’ait été calculé, et rien dont Eddie ne s’attend non plus à devoir se justifier alors que ses faits et gestes ne sont plus censés intéresser la femme vivant à ses côtés. Une fois sa douche prise, le jeune père se positionne face au miroir dont il efface la buée avant de s’y observer, et cela en laissant son corps sécher à l’air libre. Se couvrir n’est pas un besoin à cet instant, pas alors qu’il se croit seul dans cette salle de bain où il est très loin d’avoir froid et où le bruit d’un objet tombant au sol le détourne de toute pensée qu’il pouvait jusqu’ici avoir, l’amenant à tourner subitement la tête vers l’entrebâillement de la porte. « Halston ? » il questionne tandis qu’il détecte sa silhouette à quelques pas de là ainsi qu’un vêtement entre ses mains, qu’elle semble être en train de ramasser. L’ouverture laissée est alors assez grande pour qu’un contact visuel ait lieu et Eddie tourne lentement sur lui-même pour faire face à la porte, sans effectuer encore le moindre pas vers elle. « Tu peux entrer, je vais avoir terminé. » Il n’a pour ainsi dire qu’à s’habiller avant de lui céder la pièce, mais cela n’a pas l’air de constituer une véritable priorité pour lui – car Halston le sait, il préfère bien souvent attendre que son corps ne sèche tout seul même si cela signifie rester dans le plus simple appareil. Réalisant que la mère de son fils ne l’a pas vu ainsi depuis des mois, Eddie finit par se demander si cette vision offerte de lui n’a pas quelque chose d’incommodant pour elle, tout en espérant à vrai dire secrètement le contraire. « Je peux passer une serviette si tu préfères. » Ce n’est pas dans ses habitudes mais le temps où il pouvait déambuler parfaitement nu devant elle semble lointain, ce qui ne l’empêche pas de remarquer les joues quelque peu colorées de l’américaine. Face à elle, Eddie ne prend pas la peine de dissimuler quoi que ce soit à commencer par son entrejambe, qu’il ne couvrira que si elle le lui demande. Et si l’impression d’avoir été observé un peu plus tôt n’était pas le fruit de son imagination, et si… non. Eddie prendrait certainement ses rêves pour la réalité si ce corps faisait encore un minimum d’effet à son ex-fiancée, des pensées que le danseur préfère balayer avant que cela ne puisse à son tour le troubler. « Ou tu peux me donner celle qui est accrochée à la porte. » il reprend alors, désignant d’une main la serviette en question que l’américaine est libre de lui envoyer avant qu’il ne nuance ses paroles d’un « Là encore, si tu veux. » presque murmuré. C’est comme s’il lui laissait la possibilité de continuer à le voir dénudé ou de lui demander de se rhabiller, mettant ainsi entre ses mains toutes les cartes pour définir de quoi les prochaines minutes seront faites.

En s'accordant un instant pour y réfléchir, Eddie réalise qu'il aurait du mal à définir ce qui lui est passé par la tête lorsqu'il a laissé cette porte en partie ouverte : était-ce un simple oubli de sa part motivé par l'habitude d'errer sans véritable gêne dans cette maison, ou bien un acte inconscient accompli dans l'espoir d'attirer l'attention de la mère de son fils ? Il pourrait jurer ne pas s'être arrangé avec lui-même pour rendre sa présence remarquable quelques minutes plus tôt, mais il ne se plaindra pas d'obtenir enfin un regard d'Halston après des semaines et même des mois à n'avoir eu droit qu'à son indifférence et ses passages en coup de vent. Elle semble enfin prête à considérer qu'il existe, et le jeune père n'est au fond de lui pas mécontent de pouvoir l'interpeller en espérant toutefois que l'américaine ne prendra pas la fuite. Ce qu'elle ne fait pas, au grand soulagement du danseur qui l'invite dès lors à le rejoindre s'il s'avère qu'elle désire disposer de cette salle de bain après lui. Mais pour ça, il faudrait déjà qu'Eddie daigne enfiler quelque chose et cela ne semble pas exactement au programme, dans une démarche pour le coup très consciente ici. Il n'est pas pressé de se rhabiller, c'est vrai, et il n'éprouve pas non plus l'once d'un embarras lorsqu'il suggère à Halston de lui tendre une serviette pour dissimuler tout ce qu'on imagine. Un corps qu'Eddie ne se donne pas la moindre peine de cacher malgré l'absence d'intimité que revendique leur couple, si tant est qu'il puisse encore le nommer comme tel. Ce qu'il n'a en revanche pas anticipé, c'est que l'américaine entreprendrait de l'essuyer elle-même en apposant une première fois ladite serviette sur ses épaules, un geste inattendu qui lui rappelle combien ses mains en action sur lui ont le don de lui manquer. Un court soupir s'échappe même d'entre ses lèvres en constatant qu'Halston n'a rien perdu des réflexes qu'elle pouvait autrefois avoir, lorsqu'un certain séjour à Paris n'avait pas encore considérablement assombri leur vie à deux. La culpabilité n'a pourtant pas sa place dans cette salle de bain aujourd'hui, pas alors qu'une agitation certaine le guette à mesure que les doigts de l'américaine se fraient un chemin sur lui. Ses mots lui provoquent d'ailleurs un long frisson, semblable à celui qui semble parcourir Halston en se tenant face à lui. « Certaines choses ne changent pas. » glisse-t-il en tentant de maintenir son regard dans le sien, sans nier que la pudeur ne l'a entre ces murs jamais vraiment étouffé. Il lui semble d'ailleurs qu'elle ne s'en est jamais plainte, et qu'une telle vue l'a par le passé déjà amenée à prendre certaines libertés avec lui. Une simplicité perdue qu'Eddie ne demande qu'à retrouver, et un regard la suppliant presque malgré lui de ne pas s'arrêter à ce qu'elle a commencé.

Son souffle s'accélère quelque peu en constatant que leur proximité n'a plus été aussi grande depuis le début de l'année, et que se trouver dans le plus simple appareil devant elle éveille peut-être bien certaines envies en lui. Des envies qu'Eddie tente tant bien que mal de ravaler, incertain quant à l'interprétation à donner au silence qui s'empare de la pièce tandis qu'Halston n'a toujours pas effectué l'ombre d'un pas en arrière. Il peut sentir sa respiration contre sa peau, il peut aussi entendre les prochains mots que celle-ci lui adresse et prenant la forme d'une question qui aussitôt le déconcerte. Ce n'est pas qu'elle puisse douter d'elle qui le surprend, mais bien le besoin qu'elle verbalise d'être rassurée par ses soins, sous-entendant alors que le regard qu'il peut poser sur elle lui importe toujours. Eddie pourrait sincèrement en sourire s'il ne croyait pas aussi percevoir derrière ces mots une autre forme de désir, comme si elle ne souhaitait pas seulement l'entendre mais espérait aussi qu'il le lui prouve. Se mordant la lèvre un court instant, c'est avec profondeur que son regard retrouve celui d'Halston avant de souffler : « Incroyablement belle. », et c'est d'autant plus vrai au naturel. Il ne l'avait pas admirée d'aussi près depuis longtemps et redevient alors familier avec son regard clair, ses traits doux et harmonieux et ses lèvres, où ses propres yeux ne cessent de s’égarer malgré la lutte interne qu'Eddie tente encore de mener. Ce n'est pas se rendre service de s'y attarder à ce point, il le sait bien, mais le manque est tel que le combat semble en réalité déjà perdu d'avance. « Tu n’as jamais cessé de l’être pour moi, tu sais. » Plus belle que quiconque dans ce monde, et ce qu'importe l'attirance que les médias lui ont prêté pour une autre car ce n'est pas à un certain mannequin qu'il a pensé ces derniers mois. Ce n'est pas elle qu'il rêvait de retrouver la nuit, ce n'est pas son absence qui rendait son lit affreusement froid et vide. Tout ça, Eddie pourrait le lui dire s'il n'était pas trop occupé à l'observer et à sentir son cœur proche de défaillir. Sans réfléchir, l'une de ses mains s'élève pour aller défaire la pince qui retient les cheveux bruns de l'américaine, ces derniers retombant sur ses épaules pendant qu'Eddie prend conscience des limites n'existant déjà presque plus entre elle et lui. « Mais tu ne devrais pas rester là, c’est trop.. » Se raclant la gorge, le danseur poursuit cette fois à quelques centimètres à peine de ses lèvres, mourant plus que jamais d’envie de dévorer ces dernières. « Difficile. » Et si ça l'est, c'est parce qu'il ne s'est pas senti aussi proche de craquer depuis des mois. Des mois sans avoir pu l'embrasser ni même la toucher, des mois à s'être satisfait seul et à avoir continué de la désirer sans avoir pu le lui montrer. Des mois à avoir aussi continué de l'aimer en dépit du peu d'espoir qu'Halston lui a laissé, de quoi laisser planer sur ce moment une perspective plus douloureuse qu'Eddie ne l'aurait pensé. « Je ne sais pas si je pourrais supporter que tu me repousses. » avoue-t-il, en ne donnant pourtant pas cher de sa résistance à compter de maintenant. Le repousser comme elle l'a fait ce fameux soir de janvier en lui signifiant qu'elle ne voulait plus rien de lui, des mots qui n'ont depuis jamais quitté son esprit. Et si cette fois, il percevait bel et bien une porte ouverte qui ne lui sera pas brusquement fermée à la figure ensuite ? Il n'y aurait qu'une seule façon de le vérifier, oui, mais Eddie ignore si sans un feu vert net et précis à l'horizon, il pourrait en prendre le risque. Et puis, si quelqu'un a appris ces derniers mois l'importance d’un baiser consenti, c’est assurément lui.

Si ses confrères masculins ont pour certains l'ahurissante capacité de mentir, Eddie lui ne s'y risquerait sûrement pas dans un moment comme celui-ci. Au contraire, il semble à cet instant aussi aisé de lire en lui que dans un livre ouvert tant cette proximité retrouvée avec l'américaine le rend capable d'avouer beaucoup de choses, à commencer par le fait qu'il n'a jamais cessé de la trouver belle parmi les nombreux autres qualificatifs qu'il pourrait lui associer. Pendant que l'on s'amusait à lui prêter une relation imaginaire avec un célèbre top model, une seule femme a en réalité continué d'occuper son esprit et elle se trouve devant lui. Il n'a alors aucune raison de cacher que lui plaire est une chose qu'Halston peut éternellement se vanter de parvenir à faire, car un regard de sa part peut suffire à le rendre terriblement faible. Un regard comme celui que l'américaine fait à cet instant reposer sur lui, silencieuse face à son geste et cette envie soudaine de relâcher ses cheveux – une liberté qu'Eddie s'étonne lui-même de prendre après avoir si longtemps tenu ses distances, et le confrontant aux nombreux manques que les derniers mois ont suscité chez lui. Un manque en particulier se fait entendre, et rester à quelques centimètres de la mère de son fils ne risque pas d'apaiser ce brasier qui lentement le consume. C'est difficile, oui, de se tenir tout près d'elle sans être certain de pouvoir la toucher, l'enlacer, l'embrasser. Difficile, aussi, de ne pas savoir ce qu'elle pense exactement de lui mais à défaut d'être sûr que des sentiments existent encore quelque part, Eddie peut au moins sentir une tension manifeste s'emparer de la pièce car ça, il ne l'imagine pas. Cette même tension qui le ramène à la raison lorsque l'idée d'être une nouvelle fois repoussé lui apparaît comme une possibilité, car n'a-t-il pas de grandes chances de s'y casser les dents si Halston décrète qu'il est encore trop tôt pour retrouver ensemble ce genre d'intimité ? Eddie donnerait cher pour ne serait-ce qu'un court moment avec elle, incapable de se remémorer à quand le dernier peut remonter. Leur couple n'en a plus porté le nom depuis de longs mois, tout comme il n'a pas remis un pied dans leur lit depuis le début de l'année, une situation que le jeune père n'est pas sûr de pouvoir encore longtemps supporter. Il se fait du mal à espérer chaque jour qu'elle saura le pardonner, il se torture en imaginant tout aussi souvent un vent de bonheur déferler à nouveau entre les murs de leur foyer, seulement son cœur et son esprit ne sont pas les seuls à durement en pâtir quand son corps se trouve lui aussi confronté à ses limites. Eddie s'interdit alors d'anéantir les derniers centimètres qui les séparent pour ne pas essuyer le plus frustrant des revers, mais face à lui l'américaine ne semble pas vraiment partie pour l'inviter à sagement s'habiller. Les mots qu'elle lui adresse ont même tout l'air d'une invitation cachée, quand bien même il aurait certainement tort de considérer que tout est déjà gagné. Tu n'as encore rien vu lui assure-t-elle, et la voir s'éloigner en direction du lit dans une démarche lascive allume plus d'une alerte en lui. La seconde d'après, Halston s'est déjà défaite de son haut et les yeux du danseur n'en manquent rien, sans même imaginer que les paroles de l'américaine vont sous peu prendre tout leur sens. Car rien, il n'a vraiment rien vu.

Il y a une heure à peine, Eddie tentait encore de canaliser son immense frustration par la danse, sans se douter qu'un autre moyen de la combattre lui serait offert à son retour chez lui et qu'en l'occurrence, ses problèmes de couple connaitraient après des mois un semblant d'accalmie. Une pause bienvenue au milieu des ravages que de maudits photographes ont causés, éloignant de lui la mère de son fils et creusant entre eux un fossé qu'Eddie craignait à force de ne plus pouvoir enjamber. Ce soir, il parvient enfin à rester dans la même pièce qu'Halston sans que celle-ci ne se détourne de lui et ce regain d'intérêt fait naitre chez le jeune père un nouvel espoir. Celui que les prochaines heures leur permettront de se retrouver et de profiter l'un de l'autre sans penser à autre chose qu'au bien que cela pourra leur procurer, et sans laisser les tourments du début d'année ressurgir car Eddie n'a présentement qu'une envie et ce n'est certainement pas celle de discuter. Il ne sait d'ailleurs pas exactement dire qui a allumé la mèche le premier ; lui, en faisant le choix de ne pas se vêtir et en laissant cette porte entrouverte ou elle, en réduisant toute distance de sécurité avec son corps suintant et entièrement dénudé ? Eddie dirait qu'il n'avait au départ nulle autre intention que celle de se mettre à l'aise comme il l'a finalement toujours fait ici mais une part de lui, pour le moins consciente, espérait aussi qu'Halston ne passerait pas à côté et que son attention lui serait ainsi acquise. Que ses yeux s'attarderaient notamment sur ses cuisses auxquelles elle n'a jamais su résister et qu'elle prendrait au moins un moment pour l'observer – mais au final, il semble que se délecter de la vue ne soit pas la seule chose que l'américaine ait prévu de son côté, et que tout ce qu'Eddie ait à faire soit de la suivre dans sa sensuelle entreprise. Il n'aurait que quelques pas à faire pour rendre ça réel et pour ça, le jeune père ne risque pas de se faire prier comme les prochaines secondes s'apprêtent déjà à le démontrer.