every loss is unprecedented. - w: leah

tw: décès Allongé sur le canapé lit, Nathan tourne et retourne dans les draps, pris dans une lutte qui le fatigue. Comme chaque nuit depuis la mort de ses amis, le sommeil persiste à le fuir. Il est fatigué pourtant. Son corps réclame du repos et sa tête n’est pas en reste à ce niveau là. Trop de choses se bousculent en lui, toutefois. Ses pensées tournoient, impitoyables, ne lui permettant pas de sombrer dans un délicieux oubli. Il va finir par sombrer cependant, comme toutes les autres nuits. Il lui faut juste faire preuve de patience. Rouvrant les yeux, il pousse un long soupire qui viens passagèrement troubler le silence écrasant. Son regard se rive sur le plafond, la frustration lui enserrant la gorge. Il passe une main sur son visage, son calme se fracturant nettement. Au cours de la journée, il parviens à tenir bon. Honnêtement, il n’a pas trop le choix. Il ne jouit pas du luxe de s’effondrer. Il en aurait bien le droit, pourtant. Il traverse une épreuve terrible. La perte de ses amis, comme si elle n’était pas suffisamment dévastatrice, fait écho à la perte de son frère aîné survenu des années auparavant. De nouveau le deuil l’écrase, lui rendant chaque respiration laborieuse. Alors oui, il pourrait se laisser aller. Personne n’aurait la cruauté de le lui reprocher. Mais il ne s’y autorise pas, ne s’accorde pas cela. Il ne s’était pas permis de céder à la douleur lors de la mort de Josh et il ne s’autorise pas davantage cette faiblesse aujourd’hui. Lorsqu’il a perdu son frère, il a tenu bon pour sa famille. Pour Wild, pour Carter, pour leurs parents, aussi. Se focaliser sur les autres l’a aidé à l’époque à se détourner de son propre chagrin. Il doit désormais renouveler l’exercice. Il doit tenir bon pour Louisa et même, dans une certaine mesure, pour Leah. Et il y parviens. Il y parviendra.
Il a ça en lui.
Il est fort, il est capable d’encaisser énormément de choses. Quand le soleil se lèvera d’ici quelques heures, il sera d’aplomb. Il démarrera sa journée, mettra un pied devant l’autre, jouera le rôle qu’il s’est vu décerné contre son gré. Qu’Agathe et Tristan lui ont décerné. Ils ont placé leur confiance en lui. Il doit honorer cette confiance. Il le fera. Il doit le faire. Mais le soleil n’entamera pas sa progression dans le ciel avant un long moment et en attendant, alors que le monde autour de lui demeure immobile, il est piégé.
Piégé dans sa tête, piégé avec ce chaos de pensées qui ne lui accorde pas de répit.
A nouveau il tourne sur lui-même, tend la main pour récupérer son smartphone. L’écran illumine son visage, lui faisant plisser les yeux. Distraitement, sans que ses pensées ne se focalisent vraiment sur l’écran, il commence à faire défiler les applications avant de s’arrêter sur l’interface listant les derniers messages laissés sur son répondeur. D’un mouvement du doigt, il fait défiler la liste vers le bas et son coeur lui remonte dans la gorge lorsqu’apparaît le prénom d’Agathe.

Elle lui manque.
Elle lui manque tellement que la douleur en deviens presque physique. Il y a un trou dans sa poitrine. Un trou qui s’élargit et qui ne s’ouvre que sur du froid et du vide.
Son expression se durcit, son regard se fait instantanément vitreux. Les larmes ne coulent pas, mais ne sont guère loin. Les larmes, il les retiens face aux autres. La nuit, toutefois, est synonyme d’intimité. Une larme roule, dévale sa joue, alors qu’il presse la ligne affichant le prénom de sa meilleure amie. Il réduit avec précipitation le niveau du son avant de se figer alors que la voix d’Agathe émerge de l’appareil. C’est un message lambda, laissé la veille de l’accident, suggérant qu’ils se voient le lendemain pour prendre un café. Les yeux de Nathan se remplissent de larmes.
Le lendemain.
Il n’y a pas eut de lendemain.
Pas pour Agathe, du moins. Pour Tristan non plus.
Et Louisa est devenue orpheline.
La respiration de Nathan se fait plus forte, sa main libre écrasant ses larmes, les effaçant avant qu’elles n’aient le temps de dévaler sa joue. Il laisse le silence l’écraser à nouveau quand le message prend fin. Quelques minutes s’écoulent sans qu’il ne lâche le smartphone puis il se repasse le message.
Une fois.
Deux fois.
Trois fois.
Et encore.
Et encore.
Il ne se laisse pas le temps de réfléchir quand le message prend fin, ré-appuie d’autorité pour le ré-enclencher. Ses larmes se tarissent et il cesse de s’étrangler sur des sanglots silencieux. La voix d’Agathe, apaisante, tellement familière, le touche en plein coeur, mais lui fait aussi l’effet d’un baume. Un baume à l’application douloureuse, mais aussi curieusement réconfortante. Même si la sensation est de courte durée, passagère. C’est pour ça qu’il relance le message, dans un geste presque fiévreux. Il s’accroche à ça, comme si le souvenir de son amie, la dernière parcelle d’elle dont il dispose encore, risque de s’estomper s’il cesse. Pour l’heure la voix d’Agathe plane dans la pièce et il n’est pas prêt à ce que cela cesse.

@leah williams

tw: décès, deuil

Les nuits se suivent et se ressemblent.
Sommeil qui ne vient pas.
Sommeil qui ne vient plus.
Encore une nuit où Morphée ne semble pas vouloir de toi. Tu donnerais tout pourtant pour un peu de répit. Si tu parviens à grappiller quelques heures de repos, cela n'est jamais assez pour effacer la fatigue accumulée de ces dernières semaines. Tu attends pourtant la délivrance. Celle qui viendrait t'arracher à ta souffrance. Mais dans la pénombre de la nuit ne restent que les fantômes. Ceux de ses êtres perdus dont tu pleures encore l'absence. Alors te voilà seule face à ta peine. Le silence qui plane n'a rien de réconfortant car il ne vient pas calmer tes pensées au tourment incessant. Et quand tu fermes les yeux, c'est l'image de Tristan et Agathe sourire aux lèvres qui s'imprime sous tes paupières. Les souvenirs défilent comme un film que tu voudrais ne jamais voir prendre fin. Et le myocarde se serre à chaque fois. Le souffle te manque. T'as mal Leah, tellement mal… Et tu te demandes "est-ce que ce poids disparaîtra ?"
Chaque réveil est plus difficile que le précédent… Car le cauchemar ne prend jamais fin.
Et pourtant, tu espères encore…
Tu rêves d'un matin où tu réaliserais que rien de tout ceci n'était vrai.
Mais ce jour ne vient jamais…
Alors tu appréhendes chaque nuit.
Les rêves sont un doux monde où l'on peut s'échapper.
Mais violente est la chute lorsque tu dois te réveiller.
Réalité qui frappe toujours plus fort à chaque nouvelle journée.

Tu as pourtant déjà connu le deuil Leah, et la mort brutale de tes amis te rappelle douloureusement celle de ton père cinq ans plus tôt. Souffrance familière d'un cœur à l'agonie. On dit que le temps guérit toutes les blessures. Qu'il panse tous les maux. C'est faux. Le temps ne guérit rien. Tu ne le sais que trop bien… T'as longtemps espéré pourtant que le temps fasse son effet. Mais comment se remettre d'un tel chagrin ? Comment vivre avec ce vide au fond de nous ? Ce creux que rien ni personne semble pouvoir combler. Abîme glaciale qui fait désormais partie de ce qu'on est. Car quand on perd quelqu'un, c'est une part de nous qu'on laisse s'en aller…
Tu ne pensais pas revivre si tôt cette épreuve.
Mais la vie est cruelle.
Tragique.
Je ne suis pourtant pas prête à vous dire adieu…
Les jours passent mais tu n'acceptes toujours pas.
Ils étaient jeunes. Trop jeunes pour disparaitre comme ça.
Trop bons pour continuer une vie où ils ne sont plus là.
Et tu penses à Louisa.
Petit ange qui compte sur toi.
Et voilà le cœur qui se brise à nouveau…

Tu soupires, consciente que pour ce soir, le combat est perdu d'avance. La douleur est trop vive pour que tu puisses t'endormir. Alors tu te lèves et approches doucement du lit de la petite. Tu observes Louisa qui semble si paisible. Toi qui ne connaît plus le repos, tu l'envies presque sur l'instant. Tu caresses tendrement ses cheveux avant de quitter la chambre à pas feutrés. Tu te diriges avec discrétion vers la cuisine, prenant soin de ne pas faire le moindre bruit lorsque tu traverses le salon. Tu ne veux pas réveiller Nathan qui dort dans le sofa. Si avant tu aurais pris un malin plaisir à le déranger dans sa nuit, désormais les choses sont bien différentes. Même si tu ne l'apprécies pas - et encore c'est un doux euphémisme - aujourd'hui vous formez une équipe. Une équipe un peu bancale si l'on devait être parfaitement honnête mais ce n'est pas comme si vos amis vous aviez laissé le choix. Mais alors que tu arrives dans le salon, tu entends comme un bruit. Une voix féminine et familière qui se distingue dans la pièce. Tu te figes sur place lorsque tu la reconnais. Agathe. Battant qui s'emporte sous ta poitrine. Frisson qui glisse le long de ton échine. Tu te mords la lèvre pour retenir l'envie de pleurer qui te prend tout à coup. Tu tiens bon difficilement et file vers la cuisine comme si de rien n'était. T'as pas osé le regarder ni même signaler ta présence. Il fait son deuil lui aussi… Et si c'est façon de lui dire adieu tu ne peux le blâmer.

Les mains posés sur le plan de travail, tu lâches un long soupir. Le souffle te revient peu à peu et le cœur se calme doucement. Quelques minutes se passent et alors que tu es perdue dans tes pensées, Nathan débarque dans la pièce. Il a une sale gueule, penses-tu sans pour autant partager cette remarque à voix haute. Faut dire qu'en cet instant tu dois sûrement pas être plus en reste de ton côté. Mais ce n'est pas tant la fatigue inscrite sur son visage qui t'interpelles. Non, c'est sa peine qui te frappe. Souffrance qu'il cache au quotidien mais dont tu devines la présence pour partager la même. Douleur mutuelle d'une perte qui fut si soudaine. « Toi aussi t'arrives pas à dormir ? » C'est totalement stupide comme question puisque s'il se trouve devant toi c'est clairement qu'il ne dort pas. Mais tu sais pas quoi dire sur le moment et t'en peux plus de ce silence pesant.

@Nathan Fitzjames

tw: décès
Il ne sait pas dire au bout de combien de fois il finit par cesser de se repasser le message, mais toujours est-il qu’il y viens au bout d’un moment.
Il a fermé les yeux, yeux qui sont à nouveau secs, mais qui restent rougis. Il laisse tomber le téléphone dont l’écran s’est assombri à côté de lui sur le canapé et porte une main à son visage. Si entendre la voix de sa meilleure amie lui a apporté du réconfort, cette sensation est bien sûr passagère.
La douleur est toujours là, presque insoutenable, s’étendant en lui. Il se la représente, pareille à une masse visqueuse, sombre et opaque, l’emplissant de la tête au pied jusqu’à lui rendre le simple fait de respirer difficile.
Il étouffe.
Il manque d’air.
Il respire, tâche de se calmer, de ravaler ce sentiment dont il sait qu’il est dans sa tête même s’il le jurerait palpable, tangible sous ses doigts.
Il déteste la nuit.
Il déteste vraiment la nuit.
Il déteste que la nuit soit silencieuse, immobile, paisible dans sa nature même, au point où ça lui fait offense. C’est injuste. Rien de ce qui se produit n’est juste et ça lui donne envie de hurler. Il a envie de sortir. Peut-être qu’il devrait. Passer un jean et un blouson. Grimper sur sa moto. Rouler une heure, peut-être deux. Il est assez éveillé pour ça. Peut-être que ça lui ferait du bien.
Ou peut-être pas.
Il se frotte les yeux puis laisse retomber sa main et les rouvrent. Aussitôt, tournant la tête, il remarque une lumière dans la cuisine. Brièvement diverti du vide qui s’étend en lui, il se redresse sur le canapé et se penche vers la table basse pour y récupérer le tee-shirt qu’il y a déposé. Il le passe sur son torse nu avant de faire de même avec le pantalon de jogging dont il s’est aussi débarrassé pour dormir, ou du moins pour essayer de dormir. Il se lève ensuite, passe une main sur sa nuque en commençant à avancer en direction de la cuisine.
Il ne songe pas qu’il puisse s’agir d’un intrus. Il veut croire qu’il s’en serait rendu compte si quelqu’un était entré dans la maison sous son nez, quand bien même il était occupé à se perdre dans le passé. Or, s’il ne s’agit pas d’un intrus, alors il n’y a qu’une autre option possible, Louisa n’étant pas encore à l’âge où elle peut sortir du lit pour se prendre un petit encas nocturne.

Il entre dans la cuisine éclairée sans prononcer un mot. La première chose qu’il voit c’est Leah, ses mains posées sur le plan de travail, l’air tout aussi mal en point que lui. Ils sont ensemble dans cette histoire, piégés dans leurs deuils respectifs et pourtant communs.
Et c’est si ironique que ça le ferait rire, si ça n’était pas aussi tragique, si seulement il en était capable, de rire.
Il n’a jamais rien eut en commun avec Leah, si ce n’est leurs amitiés respectives avec Agathe et Tristan, puis l’amour qu’ils portent tous deux à Louisa.  Et même là avoir ces trois personnes dans leurs vies à tous les deux n’a jamais suffit à bâtir un semblant de pont entre eux deux.
Qu’est-ce que t’avais en tête ?
C’est ce qu’il dirait à sa meilleure amie si elle était encore là, si elle pouvait l’entendre.
Ou mieux.
C’est ce qu’il lui aurait dit, à l’époque où ça pouvait faire une différence, si elle s’était confiée à lui de son super plan concernant la garde de Louisa si jamais il lui arrivait malheur à elle et à Tristan. De son vivant, Agathe l’appelait pour tout et n’importe quoi. Pourquoi n’a-t’elle pas cru bon de lui parler de ça ?
Si Agathe lui en avait parlé, si elle avait eut ce bon sens, il aurait sut la faire changer d’avis. Ils auraient trouvé une meilleure solution ensemble. Ça n’aurait pas pu être si difficile.
Il donnerait tout pour avoir cette discussion.
Il donnerait tout pour qu’Agathe se matérialise dans cette pièce, même s’il se retrouvait soudain incapable de prononcer le moindre mot.
Il voudrait juste qu’elle soit là, pour apaiser ses craintes d’un sourire ou d’une boutade. Elle savait s’y prendre avec tout le monde, lui compris.
Mais Agathe n’est pas là.
Il n’y a que Leah et lui.
« Toi aussi t'arrives pas à dormir ? » 
L’art d’enfoncer des portes ouvertes. Il l’a sur le bout des lèvres, mais les mots ne sortent pas.
Il a perdu l’énergie de se moquer de Leah Williams.
Si ça ce n’est pas la preuve que ça va vraiment mal.
Il se contente d’acquiescer d’un mouvement de la tête, ses mains enfouies dans les poches de son pantalon de jogging. Il continue sa progression dans la cuisine, allant récupérer une casserole dans un tiroir, décidant de se préparer sur une impulsion un chocolat chaud. Non qu’il en ait particulièrement envie. C’est juste une façon comme une autre de s’occuper les mains, ça et puis le chocolat chaud, ça a quelque chose de réconfortant.
Ça le ramène à l’enfance, à une époque où tout était tellement plus simple. Il va récupérer le lait et le chocolat en poudre et ne se retourne vers Leah qu’une fois le tout en main.
« Tu en veux un ? » Qu’il lance en désignant ce qu’il a dans les mains, histoire d’être explicite vis-à-vis de ce qu’il lui propose. Là encore, il y a quelques semaines, il ne lui aurait peut-être rien proposé du tout, mais les circonstances le poussent à faire des choses qu’il ne pensait jamais faire. Ça et puis il n’est pas un animal. Ses parents n’ont pas élevé un mufle, quoiqu’en pense Leah. Ça ne se fait pas de préparer un seul chocolat quand on est deux dans une pièce. Ça a tout du crime dans le code d’honneur personnel de Nathan Fitzjames.

@leah williams

tw: décès, deuil

Il ne prend même pas la peine de dire un mot, se contentant d'un signe de tête pour te répondre. C'est exactement ce genre de comportement qui t'aurais agacé auparavant. Nonchalance insupportable que tu détestes. Mais t'es bien trop épuisée sur l'instant pour t'énerver pour si peu. Et puis, même si Nathan adorerait dire le contraire, t'es loin d'être sans cœur. Tu ne l'aimes pas, c'est un fait, mais tu ne lui souhaites pas du mal pour autant. Âme sensible et empathique touchée face au visage de l'ennemi blessé. Tu sais qu'il souffre. Tu le devines aisément à ses traits fatigués, témoins de ces nombreuses nuits sans sommeil ou à la tristesse qui brille dans ses prunelles. Car dans les miennes, tu peux voir la même… Pourtant, tu ne t'es rarement sentie aussi seule que depuis que tu vis auprès de lui. Vous ressemblez à deux étrangers pris au piège dans cette cohabitation forcée. Ensemble mais seuls. Enfermé chacun dans son propre deuil. Sa propre souffrance. Ne jamais rien dévoiler. Garder secret cette peine comme si le dire c'était prendre le risque de se montrer vulnérable. Porter le masque, encore. Toujours. Par pudeur. Par peur peut-être aussi. Difficile de s'ouvrir quand on ne se connait pas vraiment. Surprenant quand on sait que cela fait des années que vous vous côtoyez. Mais vous étiez trop occupés à jouer les immatures. Trop bornés pour vouloir essayer d'enterrer la hache de guerre. L'ironie veut que vous soyez désormais dans le même bateau. Si seulement on avait su… Alors peut-être auriez-vous fait les choses autrement. Peut-être auriez-vous cessé ces enfantillages qui n'ont eu de cesse de vous éloigner. Mais c'est trop tard, n'est-ce pas ? Le passé ne peut être changé. Tout ce qui compte dorénavant, c'est l'instant présent. Jour après jour, c'est ce que tu te répètes pour tenir le coup. L'abysse semble pourtant toujours plus profonde au fur et à mesure que le temps passe. Si seulement… Si seulement vous étiez capables de vous aider. Car au fond tu le sais, vous pourriez tellement vous apporter. Être pour l'autre ce roc sur lequel s'appuyer. Car qui mieux que Nathan peut comprendre ce que tu es en train de traverser ? Il est probablement la seule personne à pouvoir saisir l'ampleur de ta douleur. L'immensité du vide qui te saisis depuis cette tragédie. Mais il y a ces murs qui ne tombent pas. Ces barrières érigées. Distance qui continue de vous séparer… Qui sait, à l'avenir, les choses pourraient peut-être finir par changer ?

Et voilà le silence qui revient. Celui-là même que tu cherchais à fuir. Tu le regardes faire sa vie dans la cuisine, toujours sans un mot. T'as presque l'impression d'être de trop sur le moment, si bien que tu regrettes d'avoir quitté ta chambre pour te retrouver là. Les sourcils s'arquent en le voyant sortir une casserole du placard. Tu ne comprends pas vraiment ce qu'il est en train de faire mais t'es clairement intriguée. « Tu en veux un ? » L'étonnement vient peindre ton visage. Surprise n'est probablement pas un mot assez fort pour décrire l'émotion que tu éprouves à l'instant T. C'est inattendu, c'est le moins que l'on puisse dire. Mais la proposition est alléchante et même plutôt gentille tu dois l'admettre. « Euh oui, j'veux bien. Merci. » Il acquiesce d'un mouvement de tête. T'es malgré tout toujours un peu mal à l'aise. C'est encore nouveau tout ça que tu ne sais pas vraiment te comporter quand tu es avec lui. Vous étiez tellement habitués à vous disputer ou vous chambrer que se comporter différemment est très loin d'être naturel. Mais tu es prête à faire l'effort. Pour Louisa. « J'avais acheté des petits marshmallows si tu veux. Pour mettre dedans. » Pour être honnête tu avais prévu de les garder seulement pour toi mais il semble faire un pas, peut-être est-il temps d'en faire un également. Tu vas vers le placard où tu avais pris soin de bien cacher le fameux trésor et sort le paquet tout neuf. Tu sais très bien qu'il a compris que t'avais planqué le tout et t'as l'impression d'être une enfant qui dévoile sa cachette secrète de bonbons à ses parents. Pas grave, tu trouveras un autre endroit pour tes petites douceurs. Parce qu'il ne faut pas qu'il croit non plus que tu vas toujours tout partager avec lui. Ce soir, c'est une exception.

En tout cas, la scène est plus qu'inattendue. T'aurais jamais pu parier que t'allais te retrouver à boire un chocolat chaud avec Nathan Fitzjames. Mais si on va par là, t'aurais jamais pensé non plus te retrouver à devoir élever ta filleule avec lui dans la maison de vos amis. Comme quoi, la vie est pleine de surprise. Et elles ne sont pas toujours très bonnes… « C'est fou tout ça quand même… » Souffles-tu plus à toi-même qu'à lui directement. T'es même pas certaine d'avoir dit ça à voix haute. Alors qu'il est en pleine préparation du chocolat chaud, tu laisses échapper cette question qui te taraudes depuis un moment. « Tu crois qu'on va s'en sortir ? » Tu sais pas trop pourquoi tu lui demandes ça tout à coup, ni même si c'est une bonne idée de montrer que tu doutes. Mais vous n'allez pas pouvoir indéfiniment éviter le sujet et continuer à faire comme si tout était normal. Ça te pèse depuis trop longtemps. T'as besoin d'être rassurée Leah. Ou au moins de sentir que t'es pas la seule à être totalement dépassée par tout ça. Et si t'es clairement pas certaine que chercher du soutien auprès de Nathan soit la meilleure des idées, tu te dis que peut-être le calme de la nuit et la douceur de ce chocolat chaud pourrait pousser aux confidences. Tu te sens pourtant mal à l'aise sur le moment d'avoir montré cette faille, ce doute qui t'habites depuis un long moment. Celui que tu caches au monde entier. Car malgré ce désir de créer une famille qui vit en toi depuis toutes ces années, t'es pas certaine de pouvoir être une bonne mère. Mais t'as jamais osé dire à qui que ce soit à quel point t'es effrayée. Assurance que tu affiches pour te convaincre que tu ne vas pas échouer. Mais peut-être qu'il est temps de doucement se dévoiler…

@Nathan Fitzjames

« Euh oui, j'veux bien. Merci. » Le visage de Leah arbore une expression surprise, émotion qui perce aussi sa voix. Difficile de blâmer son étonnement. Ils ne sont pas habitués à verser dans la gentillesse, duu moins pas l’un envers l’autre. Avant le drame qui a rabattu les cartes, chamboulant irrémédiablement leurs vies, Nathan n’aurait certainement rien proposé, du moins pas si les circonstances ne l’y poussaient pas franchement et Leah n’aurait pas eut l’idée de s’en insurger non plus. Mais tout est différent à présent.  C’est le milieu de la nuit et aucun d’eux ne peut dormir, hanté par la perte avec laquelle ils doivent tous deux composer et toutes les conséquences qui vont de paire.
Louisa.
Un avenir incertain, effrayant.
Comment peuvent-ils faire en sorte que ça marche ? Nathan n'en a honnêtement pas la moindre idée et il suspecte que Leah n'est guère plus avancée que lui à ce niveau-là. Il aimerait bien qu'il en aille autrement. Qu'au moins l'un d'eux sache précisément quoi faire, comment gérer. Non pas qu'il se sentirait pour autant libre de s'appuyer sur Leah, si elle était cette personne, à même de le soutenir dans cet épreuve. Ce n'est même pas personnel.
Non.
Nathan n'a pas ça en lui, de s'épancher, de s'appuyer sur quelqu'un d'autre. Il a déjà toutes les difficultés du monde à s'autoriser cette faiblesse en famille alors face à Leah encore moins.
L’important est de prendre soin de la petite puce de deux ans qui a besoin d’eux, qui n'a pas d'autre option dans l'immédiat. Nathan est prêt à tout pour cela, pour sa filleule, et il sait pertinemment qu’il en va de même pour Leah. C'est déjà ça bien sûr, et ce n'est certainement pas rien, mais toutes les bonnes intentions du monde ne suffiront pas à faire en sorte que tout se passe bien.
Les choses ne fonctionnent pas comme cela, voilà tout.
Vouloir ne suffit pas. Encore faut il pouvoir.
Pour l’heure Nathan a besoin de faire quelque chose de ses mains et préparer du chocolat chaud est un moyen comme un autre de satisfaire à cette demande. Pour ainsi dire en mode automatique, il verse lait et chocolat en poudre dans la casserole avant d’allumer la plaque de cuisson.
« J'avais acheté des petits marshmallows si tu veux. Pour mettre dedans. »
Il acquiesce en se mettant à la recherche d’une spatule en bois, pendant que la préparation commence à chauffer à feu moyen. « Avec plaisir » répond-t’il en ouvrant le tiroir qui renferme les ustensiles. Si sa voix n’est pas emplie de chaleur, elle n’en est pas moins ourlée d’une bienveillance qu’il n’a pas vraiment coutume d’utiliser pour s’adresser à Leah. Il n’en est pas gêné, même si c’est un peu bizarre, ce virement silencieux qui commence possiblement à s’opérer dans leur relation, du moins par moment. Il n’a pas envie de se disputer avec elle. Il se sent suffisamment exténué comme ça. L’énergie lui manque, née des insomnies à répétition, il ne veut donc pas gaspiller inutilement ce qu'il lui en reste en entrant en conflit pour un oui ou un non. Est-ce qu’il a de la colère en lui ? Oui, pour sûr. Mais pas une once de cette dernière n’est dirigée vers sa compagne de galère. Sa colère est une émotion rugissante, vibrante, qui pulse dans tout son corps, mais n'en a pas encore jaillit. Une partie de lui espère qu'il n'aura pas à l'évacuer quand l'autre partie, elle, brûle de libérer cette émotion dans l'air, voulant croire qu'il éprouvera une sorte de laisser aller en s'entendant hurler.
Il ne découvrira pas la réponse à cette question ce soir. Pas de hurlement prévu.
Chocolat. Mini-marshmallows. Voilà ce vers quoi il doit se tourner dans l'immédiat.
Une chose à la fois.
Il met la main sur ce qu’il recherche et referme le tiroir avant de faire volte face, muni de la spatule. Au lieu de repartir directement se poster devant la plaque de cuisson, il s’immobilise un instant, son regard suivant Leah alors qu’elle va récupérer les marshmallows. Elle ne voit pas les coins de ses lèvres se soulever alors qu'elle fourrage dans ce qui est à l'évidence une cachette avant d'en extirper le sachet de friandises. Il reste planté là quelques instants de la regarder puis, avant qu'elle s'en rende compte, il rejoins plaque de la cuisine et se met à mélanger pendant que la mixture chauffe.

« C'est fou tout ça quand même… » Il tourne la tête vers Leah, pas tout à fait convaincu qu'elle s'adresse vraiment à lui. Elle a plutôt l'air de se parler à elle-même. Il hausse légèrement un sourcil en continuant à remuer le contenu de la casserole. « Tu crois qu'on va s'en sortir ? » Les lèvre de Nathan se réduisent en une ligne fine. Il accroche le regard de Leah depuis son emplacement devant la plaque de cuisson. Par cette phrase, elle demande à être rassurée. Honnêtement, il aimerait bien pouvoir faire ça pour elle. Ecarter ses inquiétudes, se fendre d'un sourire courageux et assuré que bien sûr, ça va aller. Mais il n'en a pas la moindre envie et n'a pas vraiment envie de mentir. « Il va bien falloir » qu'il finit par dire. Ce n'est pas la réponse qu'elle escomptait entendre de sa bouche, pour sûr. Il a normalement au moins pour lui d'être positif, d'avoir du ressort, de rebondir. Il sait mentir. Il sait prétendre. Mais encore une fois, l'énergie lui manque. Il devrait être en train de dormir, de se reposer. Leah aussi. Mais ils sont là, avec leurs mines des très mauvais jours et Nathan se laisse aller à plus de sincérité, soudain, qu'il ne s'en autorise avec beaucoup de moins. « Cette situation me fait flipper » confidence qu'il prononce en re-baissant les yeux sur sa préparation. Le chocolat est presque prêt, plus qu'une question de minutes avant de pouvoir s'en régaler. Non pas qu'il se sente beaucoup d'appétit pour quoi que ce soit là, tout de suite. « Honnêtement, j'ai pas la moindre idée de comment gérer ça, de ce que je dois faire » son incertitude perce dans sa voix, son armure brièvement rabaissée, laissant entrapercevoir bien plus de vulnérabilité qu'il ne s'en autorise davantage.
Il coupe le feu, décale la casserole et se retourne pour faire à nouveau face à Leah, à moitié appuyé. « Tout ce que je sais c'est que je ne peux pas laisser tomber Louisa, ni Agathe. Même si elle n'est plus là. » Le fait qu'elle ne soit pas là pour le voir lui faire défaut ne l'autorise pas à se détourner de cette responsabilité. S'il le faisait, s'il en était seulement capable, il ne pourrait plus se regarder en face. Qu'importe que ce soit difficile. Ce qu'il conviens de faire l'est, en général. « J'imagine que c'est ce que tu dois aussi ressentir. » Sans doute. Non qu'il prétende être un expert, concernant Leah. Il en est très, très, loin et réciproquement. « Tristan adorait les plans. » Elle le sait mieux que lui, il ne lui apprend rien. « Je suis soufflé qu'il ai cru en celui-là. » L'aveux perce ses lèvres, suivi d'un soupire. Non, il ne comprend toujours pas ce qui est passé par la tête de leurs amis.

@leah williams