La saison chaude touchait à sa fin. Le solstice d'été s'éloignant un peu plus à chaque nouvelle lune, les journées continuaient de s'écourter, se mêlant les unes aux autres sans discontinuer, dans un rythme toujours plus soutenu. Soleil et nuages n'en terminaient plus de jouer au chat et à la souris, ponctuant la ville tantôt d'une grisaille mélancolique, tantôt d'un manteau chatoyant de lumière, selon l'heure de la journée. Partout, les branches des arbres caduques se dénudaient au gré du vent, tapissant les allées, les routes et les avenues de leurs feuilles bigarrées, aux couleurs caractéristiques de l'automne, avant d'être chassées par les employés municipaux. C'était la saison des premiers pulls, bonnets, et écharpes ; celle des tisanes brûlantes, des laits de poule et des chocolats chauds agrémentés de miel. En bref, l'automne et ses prémisses.
Cette après-midi là, Bristol bénéficiait d'éclaircies durables et bienvenues, et Kathleen avait décidé d'en profiter. Fille adoptive du désert, habituée à la chaleur sèche de l'Afrique et du Moyen-Orient pendant plus de dix ans, elle supportait beaucoup moins bien les basses températures que l'anglais moyen, même plusieurs années après être revenue sur le territoire ; et le morne usuel des derniers mois de l'année l'affectait d'avantage. Alors elle avait pour habitude de sortir dès que le mercure augmentait, et que son emploi du temps le lui permettait. Naturellement, son fils l'avait accompagnée.
Assise sur un banc d'un parc situé non loin du domicile, elle lisait le Times. A l'époque du digital, des smartphones et des tablettes, la trentenaire appartenait à ses personnes qui s'informaient encore grâce à un support papier, tout comme elle privilégiait les livres aux e-readers, malgré leur aspect pratique indéniablement supérieur. Il y avait ce quelque chose, ce " petit plus " à tourner les pages, à sentir l'odeur des feuilles fraîchement imprimées, puis à ranger les ouvrages dans sa bibliothèque, qui lui rappelait son enfance. La différence d'âge avec les autres élèves et l'isolement relatif qui en avait résulté l'avait poussée à se tourner vers les livres, trouvant du réconfort dans les histoires et les images qu'elles façonnaient.
C'est en jetant un coup d'œil à son garçon qu'une personne retint son attention, au moins autant que l'enfant qui marchait à ses côtés. Quelque temps avait passé depuis leur dernière rencontre, mais Kathleen était presque sûre de la reconnaître, et la petite fille à ses côtés confirmait sa supposition. Pliant son journal, elle l'abandonna sur le banc pour s'approcher. « Faith ? Un sourire gagna son visage quand celle-ci tourna la tête dans sa direction : c'était bien elle. - J'ignorais que tu étais à Bristol. Arrivée à leur hauteur, elle se pencha vers Hope pour lui effleurer doucement la joue de l'index. - Salut toi. » Ne recevant pas de réponse, elle ne s'en formalisa ni ne s'en inquiéta : l'humeur des enfants pouvait être changeante.
« Est-ce que ça va ? demanda-t-elle en revenant à Faith. - Si j'avais su que tu passais, je vous aurais rendu visite, à toutes les trois. Aux dernières nouvelles, la psychologue vivait encore à Londres. Elle ne voyait dans sa présence que le désir de passer quelque temps avec Bailey, bien loin de se douter de la réalité des choses. Se tournant vers la zone de jeu, Kathleen éleva la voix. - James ! Viens dire bonjour. »