work out - w: alba

Cela fait des jours qu’il n’a pas mis les pieds dans sa salle de sport habituelle. Son emploi du temps a été chamboulé et pas qu’à moitié. C’est toute sa vie qui a basculé sur ses fondations, le précipitant dans ce qui a presque des allures d’autres univers. Il vit désormais dans une maison qui n’est pas la sienne, avec une femme qui ne le supporte pas et réciproquement et il élève un enfant qui n’est pas le sien avec cette même femme.
C’est la vie d’une autre personne. C’était la vie de sa meilleure amie. Une vie qui ne devrait pas être celle de Nathan, qui devrait toujours être celle d’Agathe car elle devrait être en vie.
Mais les choses ne sont pas ainsi et ne disposant pas (encore) du pouvoir de remonter dans le temps afin de changer les choses, Nathan n’a guère d’autres options que d’accepter ce qui lui arrive. Il doit recommencer à vivre. Il doit trouver le moyen de survivre à ce qui s’est produit. Une petite fille de deux ans a besoin qu’il le fasse, qu’il trouve le moyen de faire fonctionner tout ça. Louisa compte sur lui. La pauvre n’a pas le choix et Nathan est incapable de la laisser tomber.
Malgré tout, il a besoin de sortir de la maison. Sa vie ne peut pas tourner exclusivement autour de sa filleule. Reprendre sa vie exige de reprendre aussi ses habitudes et c’est ce qu’il fait en passant les portes de la salle de fitness. Il croise des visages familiers, les saluent d’un sourire. Certains sont des amis qui l’arrêtent, lui demandent si ça va, comme si ça pouvait aller vraiment. Il les remercie de leur sollicitude, ne s’attarde pas trop, ne veut pas discuter de ce qui s’est produit, il n’est pas là pour ça. Les autres personnes qu’il reconnaît sur son passage sont de simples connaissances. Des gens qui ne savent rien de son quotidien au delà des murs de la salle et dans l’immédiat ces personnes là ont sa préférence, car elles ne risquent pas d’engager la conversation au delà de futilités. Histoire de décourager un peu plus d’éventuelles discussions, Nathan enfonce un écouteur dans son oreille gauche en atteignant le coin où sont rassemblés la majeure partie des vélos. La salle est bondée, plus du moins qu’à l’accoutumée. Nathan fronce légèrement les sourcils, prêt à se tourner vers une autre machine en ne voyant pas de vélo libre quand il finit par en dénicher un, au fond, tout à l’arrière de la salle. Il commence à se diriger vers la machine libre, regardant droit devant lui mais en étant distrait par les pensées qui poursuivent leur ronde infernale à l’intérieur de sa tête. Suffisamment distrait pour ne pas remarquer qu’il n’est pas le seul à tracer sa route jusqu’au vélo en question.

@alba perez

S'il prend garde à là où il mets les pieds, sa conscience de son environnement s'arrête plus ou moins à cela en cet instant. Son attention est fragmentée, entre ses soucis personnels, le vélo vers lequel il trace son chemin et le vieux tub pop qui poursuit sa course dans son oreille. Alors qu'il atteins la machine toujours inoccupée, prêt à grimper dessus sans beaucoup plus de cérémonie, une voix s'élève à côté de lui, le ramenant enfin pleinement sur terre.
« Heu » il tourne la tête, accrochant son regard à celui d'une jeune femme qu'il ne situe pas immédiatement. Non pas qu'il prétende connaître au moins de vue tous les habitués de cette salle, d'autant plus qu'il y met nettement moins les pieds depuis quelques semaines. « Bonjour » lance-t'il, cordial, sourcils légèrement haussés. Il baisse les yeux, détaillant brièvement son interlocutrice mais se focalisant surtout dans l'immédiat sur les affaires qu'elle a déposé au pied du vélo. Viens-t'elle de les poser là ? Ou bien est-elle à côté de ce vélo depuis un moment ? Il n'en sait rien et puis honnêtement ce n'est pas la question. Evidemment qu'il va lui laisser le vélo, sans s'efforcer de déterminer avec précision qui l'a repéré en premier. La galanterie, tout ça. « J'ai l'impression qu'on convoite la même chose.. » Il y a une fraction d'autorité dans son ton, laissant entendre que pour elle la situation est déjà pliée. C'est son vélo, merci bien. Il pourrait tout autant y avoir son nom inscrit sur la selle en lettres d'or. Le regard de Nathan se fait moins distant, une étincelle joueuse s'y allumant même, et les coins de ses lèvres se soulèvent. « Visiblement » rétorque-t'il, en déposant ses affaires de l'autre côté du vélo, pour faire bonne mesure, gentiment provocateur. Il ne lâche pas son interlocutrice des yeux se faisant, d'ores et déjà amusé par la situation et ravi de se laisser aller à cette probable diversion. « C'est la première fois que je vois la salle aussi remplie » honnêtement, il en va de même pour lui même si cet endroit reste plutôt fréquenté peu importe le temps ou la saison. « Tu viens souvent ? » L'attitude de la jeune femme n'est pas particulièrement subtile et il suspecte que ce n'est pas franchement le but qu'elle poursuit. Bien des gens se seraient déjà esquivés avec un sourire, mais Nathan est du genre un peu plus obstiné que ça. Elle aura ce qu'elle veut de lui (le vélo donc), pas de doute là-dessus, mais ça ne veut pas dire qu'il doit lui faciliter les choses en faisant mine de lui céder de suite.

@alba perez

« Ça m'arrive de temps en temps oui et toi? » Hochement de tête affirmatif.  « Assez oui. » Cela fait partie de sa routine quotidienne, ou du moins cela en faisait partie avant que son quotidien ne soit considérablement chamboulé. « En tout cas je ne t’avais jamais vu ici. » Et réciproquement. Il n’en a tout du moins pas gardé le souvenir si ça s’est déjà produit et en général il retiens  assez bien les visages si son attention n’est pas parasitée par autre chose ou quelqu’un d’autre. « Je viens davantage entre midi-et-deux d’habitude. » Ça ou bien il a la tête de monsieur tout le monde et se fond formidablement bien dans la masse quand il n’a pas la malchance de jeter son dévolu sur un vélo qui a aussi été repéré par quelqu’un d’autre. Ce n’est pas à exclure non plus. Loin de lui de s’imaginer que tous les regards convergent machinalement vers lui quand il passe le pas d’une porte. Il a ses défauts à ne plus savoir quoi en faire, mais celui-ci n’en fait pas partie. « C'est le début de ta séance ou tu la termines comme moi? » Il secoue la tête avant de répondre par la négative cette fois-ci. « Non, moi je viens d’arriver. » Et il ne va guère s’attarder longtemps, une petite heure dans l’idéal si un appel ou un texto ne l’arrache pas à sa séance avant. Il baisse les yeux sur le vélo qui attend toujours, posté entre eux deux, une étincelle taquine dans ses yeux bleus lorsqu’il les relèvent vers son interlocutrice. Joueur, il flirte un peu, renouant avec ses automatismes. C’est sa façon d’être et c’est bon de s’y abandonner un peu, même si c’est juste l’affaire d’un passage expéditif à la salle de sport. Ça lui donne l’impression de retrouver un peu sa vie, de renouer avec qui il est. « Je m'appelle Alba au fait » le sourire qu’il affiche se reflète dans ses yeux. Il se prend avec plaisir à l’espèce de jeu qui se met en place. Il tend la main par dessus le vélo pour qu’elle s’en saisisse. « Et moi Nathan. » Enjôleuse elle l’est autant que lui même s’il la connait trop peu pour savoir si elle lui fait du rentre-dedans pour avoir le vélo uniquement, ou s’il y a un peu plus que ça. Toujours est-il que son attitude l’amuse, suffisamment du moins pour qu’il s’attarde encore, enclins à prolonger l’échange. « T’es de Bristol sinon? » Jusqu’où elle va aller dans son interrogatoire ? Il est curieux de le savoir. « Non, de Dublin. Tu y est déjà allé ? » Lâche-t-il, toujours sur le ton du badinage et en laissant l’air de rien sa main retomber sur la selle du vélo dans un geste décontracté mais à connotation légèrement possessive. Il a envie d’obtenir une réaction, de prendre l’ascendant même s’il entend fléchir et lui donner ce qu’elle veut au bout du compte.

@alba perez