[ARTHUR] ❝ Nice to meet you

Début novembre 2024
Waldorf Hotel
(outfit)   @Arthur Middleton et Carmine Cavendish

Le téléphone n'en finissait plus de sonner. Depuis l'annonce de sa reconversion et l'ouverture de la Cavendish Prod., Carmine voyait les contacts du carnet d'adresses construit tout au long de sa carrière de mannequin s'afficher sur tous ses écrans. Celui des appels entrant de son smartphone comme sur celui de son ordinateur portable, où s'allongeait de jour en jour la liste infinie de ses e-mails non lus. Tous voulaient travailler avec lui et tous étaient prêts à payer le prix pour se faire une place en haut de la file d'attente. C., doué pour arrondir les angles, faisait patienter les uns tandis qu'il s'occupait des autres. Il avait embauché plusieurs personnes supplémentaires afin de l'aider à traiter les demandes et ne comptait pas ses heures au bureau.

17h30.

C'était justement dans le but de répondre à une sollicitation qu'il s'était rendu au Waldorf. Son client, le riche propriétaire d'une chaîne de SPA très prisée en Russie, lui avait donné rendez-vous au bar de l'hôtel. De passage à Bristol, l'homme de l'Est avait insisté pour négocier directement avec Cavendish. Ce dernier avait accepté après avoir appris que le PDG le contactait sur recommandation de son épouse. Svetlana, célèbre top model ukrainienne, avait défilé aux côtés de Carmine en 2020. Une complicité artistique s'était tissée entre les deux mannequins dans la promiscuité des loges. Comme bien souvent, le réseau de Sa Majesté jouait un rôle prépondérant dans la réussite de ses entreprises, qu'elles fussent personnelles ou professionnelles. Le gentleman récoltait le fruit de dizaines d'années de politesses et de courtoisies ayant fait sa signature. Qui n'aimait pas C.C. ?

Lorsqu'il arriva sur place, il se présenta à la réception. Un employé de l'hôtel l'accompagna jusqu'au box privé au sein duquel son futur client et lui discutèrent des besoins et des tarifs. La conversation fut relativement courte, vingt minutes tout au plus. L'Anglais fut surpris de constater à quel point Kirill savait aussi bien se montrer expéditif qu'affable. Les façons de négocier du Russe auraient pu le déstabiliser si Svetlana n'avait pas convaincu l'homme de lui faire confiance les yeux fermés. Aussi nota-t-il dans un coin de son esprit d'envoyer un message de remerciement à son amie, une fois rentré chez lui.

Donald, son chauffeur, lui répondit que le trafic ne lui permettrait pas de le récupérer avant 18h30. Carmine se montra compréhensif au moment de raccrocher. Après avoir salué Kirill qui repartit dans sa suite, le réalisateur décida de patienter au comptoir. « Bonsoir, » Sourit-il au barman lorsque ce dernier s'approcha de lui.  « Une tasse de Darjeeling, s'il vous plait. » Qui s'étonnait encore d'entendre Carmine Cavendish commander une tasse de thé face à un mur rempli d'alcool ? Plus grand monde, en Angleterre.

Début novembre 2024
Waldorf Hotel
(outfit)  @Carmine Cavendish  & Arthur Middleton

Ma montre affiche 17h30 et il ne me reste plus que trois heures avant de terminer mon service ! La journée n'a pas été de tout repos et je dois bien admettre que je suis impatient de pouvoir rentrer chez moi.... Enfin chez moi plutôt chez cette âme charitable qui m'héberge depuis maintenant 15 jours suite au dégât des eaux survenu dans l'appartement que je devais louer en arrivant sur Bristol.... Oui, mes premiers jours ici n'ont pas été de tout repos, j'ai même enchaîné galères sur galères mais étant du genre à changer de vie assez fréquemment on va dire que cela est devenu presque une habitude... Il suffit juste d'être débrouillard pour savoir se sortir de situations qu'on pourrait qualifier de délicates...

Le gros point positif de cette nouvelle qui commence pour moi est sans aucun doute le fait d'avoir trouver un poste au Waldorf Hotel ! Bien que l'établissement soit d'un haut standing et attire une clientèle assez aisée ; la direction et les autres membres du personnel ont été aux petits soins dès ma prise de fonctions... Je me suis rapidement sentis à l'aise et intégré au sein de cette équipe chose qui n'est pas toujours évidente... La gérante m'a donné ma chance (une chance énorme) et c'est aujourd'hui à moi de lui montrer qu'elle a eu raison me faire confiance... En effet, je n'ai pas d'immense référence dans le domaine de l'hôtellerie et j'ai finis par comprendre que ma candidature avait plus ou moins été retenue suite à un lapin qu'on lui aurait posé..... Pour autant, j'ai décidé de ne pas en faire de cas et à aujourd’hui personne ne m'a reproché quoi que ce soit sur ma manière de servir.

''Bonsoir Monsieur'' Cela fait une petite heure que le rythme s'est un peu calmé et je ne boude pas mon plaisir de voir cet homme plutôt beau-gosse s'installer au comptoir.  « Une tasse de Darjeeling, s'il vous plait. »

Un sourire se dessine rapidement sur mon visage en prenant connaissance de sa commande. ''Je n'avais pas misé sur ça en vous voyant vous installer à mon bar mais allons-y pour un tasse de thé.'' Le ton de ma voix ne comporte aucun jugement ! Je suis juste un peu amusé par la situation. ''On va dire que c'est pas ce qu'on me commande le plus souvent.... Surtout à cette heure là'' Comme à mon habitude, je décide de faire la conversation avec la personne qui se trouve en face de moi ! Etre barman c'est un peu comme être coiffeur ; lorsque les clients viennent nous voir ce n'est pas simplement pour une coupe de cheveux ou pour boire un verre mais aussi pour discuter et trouver une oreille attentive ! Un rôle que j'aime endosser ! ''Voila pour vous'' Étant nouveau en ces lieux, je n'ai jamais vu cet homme avant aujourd'hui. ''Ici pour affaires ?'' demandais-je tout en nettoyant mes verres à l'aide du chiffon prévu à cet effet. Libre à lui de me répondre ou de m'envoyer promener...

Début novembre 2024
Waldorf Hotel
(outfit)   @Arthur Middleton et Carmine Cavendish

La réponse du barman arqua les sourcils de Carmine en une expression d'étonnement silencieux. Ils étaient peu nombreux, les interlocuteurs à ne pas parier sur le fait que Sa Majesté prendrait une tasse de thé. « On va dire que c'est pas ce qu'on me commande le plus souvent.... Surtout à cette heure là. »  Fair enough pensa Cavendish avant de répondre par un « Pourquoi faire comme tout le monde ? » aussi désinvolte que rhétorique.

Il fallait connaître Carmine pour comprendre que cette réplique était teintée d'autodérision. L'ancien mannequin s'était si souvent entendu dire qu'il était unique - pour ne pas dire exceptionnel - qu'il l'avait intégré, et cela, depuis des dizaines d'années. Contre toute attente, la fin de sa trentaine, puis le virage décisif de son grand saut dans les quarante, avaient contribué à la prise de recul vis-à-vis de lui-même. C. était capable de reconnaître ses défauts ; capable aussi d'identifier dans le récit de sa vie tous les biais médiatiques ayant participé à la construction de son mythe. Le culte de la personnalité en était un. L'introspection le frappait d'autant plus fort ces derniers temps que son quotidien n'était plus le même, depuis son mariage ... Bien sûr qu'il se démarquait ! Il était né pour ça. Sa norme consistait à ne jamais être banal, tout en étant conventionnel. Un véritable paradoxe à propos duquel la presse ne se lassait pas de spéculer. Selon elle, il y avait toujours un sens caché ou une motivation secrète à ses choix, ses actes et ses propos. Parfois, Carmine s'arrêtait sur des articles le concernant au détour d'une page internet et pensait halluciner. Les délires d'interprétations lui prêtaient des existences parallèles dignes de romans de gare, mais il avait appris à ne plus se laisser atteindre. Mieux, les jours de bonne humeur, il en jouait volontiers afin d'attiser les passions le concernant ...

« Voilà pour vous. » C. réceptionna la tasse. Il accompagna son « merci » d'un hochement de tête poli. « Ici pour affaires ? » « On ne peut rien vous cacher. » Dit-il en touillant son eau du bout de sa cuillère. Ses gestes étaient précis, méthodiques. Toujours les mêmes. De l'Art de faire de la préparation du thé un rituel de maniaquerie et d'application démesurée. « Vous prenez quelque chose ? » Proposa-t-il après en avoir terminé avec son sachet. Pourquoi ne pas trinquer au joli contrat que Kirill et lui venaient de signer ? « It's on me. »

Début novembre 2024
Waldorf Hotel
(outfit)  @Carmine Cavendish  & Arthur Middleton

Une petite musique jazzy se dégage de la pièce où nous nous trouvons en ce moment même ! Ce n'est habituellement pas le style que j'écoute mais je dois bien admettre que ces sonorités sont apaisantes. Le créneau que j'occupe actuellement à savoir le 17h00-20h00 est sans doute celui que je préfère... Pour quelles raisons ? Non pas parce que c'est le plus calme mais parce que c'est celui où l'on fait les rencontres les plus intéressantes ! C'est généralement à ce moment de la journée où plutôt fin de journée que les clients du Waldorf sont ok pour faire la conversation et c'est aussi là qu'ils sont le plus agréable... C'est tout du moins ce dont je me suis rendu compte depuis que ces 15 jours se sont écoulées... Peut-être que mon avis changera d'ici quelques semaines mais toujours est-il que j'apprécie énormément ce moment particulier que je peux passer avec certains d'entre eux. « Pourquoi faire comme tout le monde ? »  Il prêche un convaincu !  Je ne suis pas non plus fan du politiquement correct et j'apprécie les gens qui ne font pas comme tout le monde ; ceux qui font preuve d'originalité comme il vient de le souligner.... J'espère simplement ne pas l'avoir vexé....  Oui tout le monde ne comprend pas les traits d'humour... ''Vous avez entièrement raison'' ajoutais-je pour éviter un potentiel malentendu. Si il y a bien quelque chose que je n'aime pas en ce monde c'est bien ce genre de quiproquo... J'ai horreur de mal me faire comprendre...

« Vous prenez quelque chose ? It's on me. » C'est bien la première fois qu'un client me propose de l'accompagner..  ''Ce n'est pas de refus. La journée a été longue..'' répondis-je tout en me préparant moi aussi une tasse de thé. ''Merci en tout cas'' Oui la politesse est de rigueur dans une telle situation. Quelque chose de classe et d'intriguant se dégage de cet homme sans que je ne puisse vraiment expliquer pourquoi. ''J'ose imaginer que tout s'est bien passé pour vous ?'' Je n'ai pas envie de passer pour un mec trop intrusif mais en même temps j'ai envie d'en apprendre un peu plus sur lui et sauf erreur de ma par il semble plutôt enclin à faire la conversation. A mon tour je dépose le petit sachet de thé sur la coupelle prévue à cet effet avant de porter la tasse de ce délicieux breuvage à mes lèvres..

Début novembre 2024
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(outfit)   @Arthur Middleton et Carmine Cavendish

Longue journée pour son interlocuteur. C. détailla le visage du barman. Ce dernier ne témoignait d'aucun cerne de fatigue, mais Sa Majesté savait d'expérience que les apparences s'avéraient souvent trompeuses. « You're welcome. » Répondit-il aux remerciements du jeune homme. L'heure du tea time était passée, mais Carmine ne disait jamais non à une session de rattrapage. Ce rituel, en plus d'être l'occasion propice aux discussions en tous genres, invitait à la détente après des journées toujours bien remplies. Depuis sa plus tendre enfance, le quotidien de Sa Majesté était rythmé par la consommation à heures fixes de ce breuvage national. Anglais pur laine, Cavendish n'échappait pas à la tradition. «  J'ose imaginer que tout s'est bien passé pour vous ? »Levant sa tasse en guise de toast silencieux, C. hocha la tête, bu une gorgée puis répondit à la question : « Parfaitement bien, merci de vous en inquiéter. » Le ton était distingué, l'attitude également. Gentleman jusqu'au bout des ongles, il s'accorda toutefois la permission de desserrer légèrement sa cravate, preuve qu'il en avait fini avec le travail pour ce soir. « Est-ce indiscret de demander en quoi la journée a été longue ? » Questionna-t-il, s'interrogeant sur l'horaire de travail du barman.

Peut-être ce dernier était-il présent derrière le comptoir depuis plusieurs heures ? À dire vrai, Carmine - dont le CV ne contenait aucune expérience en restauration - n'avait pas d'idée claire concernant les horaires propres à l'emploi. Il avait été élevé dans un environnement rempli de domestiques et de personnel grassement payé afin d'être continuellement présent au service de sa famille. À l'époque ou il vivait encore au sein du manoir Cavendish, les femmes de chambre, les valets ainsi que les chefs cuisiniers se relayaient sans interruption, laissant croire à Sa Majesté qu'il suffisait de claquer des doigts - qu'importe l'heure du jour ou de la nuit - pour voir apparaître une personne tout à fait disposée à répondre à ses attentes. S'il avait pris son indépendance depuis plusieurs années et vivait désormais dans une maison au sein de laquelle ne passait une entreprise de ménage que le matin, après son départ pour le bureau, Carmine restait ignorant des emplois du temps auquel étaient soumises les personnes travaillant dans le domaine des services. Un gouffre culturel et social le déconnectait de la réalité de monsieur et madame tout le monde, quand bien même son caractère affable le rendait accessible. On disait de lui qu'il était sympathique, qu'il suffisait de quelques instants en sa compagnie pour comprendre d'où venait ce charme fou dont parlaient les journalistes et animateurs en tous genres l'ayant interrogé lors d'interviews ou sur les tapis rouge. C. s'intéressait tout simplement aux gens qu'il rencontrait et cela marquait une différence notable entre lui et la grande majorité des autres membres de la noblesse dont il faisait partie.